PATRICK BRUEL

La place d’un Grand Homme

Depuis un peu plus de 40 ans, Patrick Bruel occupe le paysage musical francophone et le cœur des français sans égal. Depuis qu’il en a eu « Marre de cette nana-là » en 1984, ce sont elles, les fans de la première heure, qui ne se sont jamais lassées de lui. A peine un peu moins hystériques qu’au temps délirant de la Bruelmania, elles s’étaient donné rendez-vous à l’Accor Arena en mars dernier (et un peu partout en France) pour le show le plus grandiose et le plus engagé de leur idole. Cette fois, les années passant obligent, beaucoup d’entre elles étaient venues en famille : dans une ambiance toujours aussi euphorique (et un peu plus mixte que d’habitude) dans une arène pleine à craquer, Patrick Bruel a prouvé une fois de plus qu’il savait embarquer les foules, des plus petits aux plus âgés. Nous y étions, on vous raconte…

Patrick Bruel traverse les décennies avec une constance assez remarquable, l’homme alternant les films, les albums et les tournées, avec plus ou moins de succès mais avec une indéniable côte d’amour qui reste intacte, comme son charme.

Avouons-le, après la tournée précédente qui avait mis la barre très haute en terme d’Entertainment, où l’artiste pluridisciplinaire avait joué avec les écrans, les lumières dans une déferlante de tubes et d’images fortes, on aurait pu penser qu’il avait exploré ce qu’il avait de mieux à nous offrir. Bien au contraire, il s’en est nourri sans doute pour aller encore au-delà chercher à concilier dans un seul tour de chant ses thèmes de prédilection, autant que le grand spectacle fédérateur auquel il continue de nous habituer : les combats sociaux, les dangers du monde moderne, la protection des générations, la filiation, l’histoire, la sienne comme celle de l’humanité.

Il réussit encore, malgré les années, malgré les tournées, malgré une carrière déjà conséquente à étonner, à surprendre encore, tout en restant foncièrement lui-même. Chez Bruel, rien ne change sauf en mieux, rien ne bouge, sauf en grand. Au cours d’un show spectaculaire de plus de 2h30, il aligne les tubes, les messages et les anecdotes, comme il est le seul à pouvoir encore le faire, sans concession, ni artistique ni politique. Ses nouveaux titres sont déjà des hymnes et les anciens sont désormais des classiques incontournables confortant la ferveur d’un public qu’il a réussi à renouveler. Les fidèles sont là, les nouvelles générations aussi, Bruel rassemble toujours autant même s’il continue de diviser aussi. Qu’importe, ce soir, il semble donner une énorme fête en même temps qu’une grande leçon.  

En près d’une trentaine de chansons balayant 40 ans d’une carrière unique (partagée entre la chanson et le cinéma, aussi rarement bien équilibrée chez un artiste), Patrick Bruel déploie une générosité immense, puisant dans son catalogue les chansons qui tissent le fil de sa vie et de ses valeurs. On vit donc ce nouveau show comme dans un livre ouvert, racontant une mémoire vive qui nous distille à la fois un grand bonheur et une forte mélancolie. Car Bruel, ce sont des tubes, mais c’est aussi cette conscience toujours à vif du monde qui l’entoure et qui s’exprime : ici, le conflit Israélo-Palestinien, l’exil, la paix, le harcèlement, Missak Manouchian dont il lit une lettre déchirante écrite juste avant sa mort… L’Histoire s’invite dans son histoire, dans la nôtre fait l’étoffe de ses chansons et qui n’entache aucunement la dynamique du show. On passe de l’effervescence d’un tube (et de son souvenir associé) à la gravité de l’âme plusieurs fois confronté à la dure réalité de nos vies (et de notre présent concerné). Rares sont ces artistes qui sont capables de divertir à ce point et de conscientiser à la fois. Il est peut-être le seul d’ailleurs…

Ainsi, il déroule une collection de tableaux musicaux vertigineux sur l’écran géant qui habille la scène de l’Accor Arena qui viennent servir chaque morceau à l’instar de cet appartement New Yorkais digitalisé pour un chaleureux moment acoustique, où il raconte ses débuts et ses amours (« Décalé », « Panne de mélancolie » ou encore « Marre de cette nana-là », « Tout s’efface »…) ou ce somptueux Riyad marocain reconstitué pour son « Café des délices », des images animées comme sur l’émouvant « Le fil », colorées comme sur « Stand Up » ou bien réelles sur ce bouleversant retour au pays avec « Je reviens ». Et puis il y a les tubes évidemment, que la salle entière, debout et dévouée, reprend à s’en casser la voix : « Alors regarde », « Place des grands hommes », « J’m’attendais pas à toi », « Casser la voix »…  N’en jetez plus, le public en transe n’est pourtant pas encore au bout de ses peines…

… Dans un rappel en forme de session piano-voix au milieu du public, Patrick Bruel, au comble de l’émotion, aligne « J’te l’dis quand même », « Pour la vie », « le fil » qu’il dédie à ses enfants présents dans la salle pour finir par « Qui a le droit ». Plus proche que jamais, plus heureux que jamais, il termine en apothéose avec « Casser la Voix » (qui lui a parfois fait défaut, avouons-le sur la première partie du show).

L’artiste quitte la scène sur le titre « Je l’ai fait cent fois », sans doute l’une des plus belles chansons de sa carrière, qui en compte déjà beaucoup, et qui le renvoie au Panthéon des plus grands de la chanson française. C’ est le point final magistral de ce concert aussi surprenant, euphorisant que monumental. Une grande leçon de maître !

Gregory Guyot

Setlist du 14 mars : Encore une fois / Bouge / Alors regarde / Au Café des Délices / Danse pour moi / Pourquoi ne pas y croire / On en parle / Pas eu le temps / Je reviens / L’appart / Décalé / Panne de mélancolie / Tout s’efface / Comment ça va pour vous ? / Marre de cette nana-là / Mon amant de Saint-Jean / Tu m’oublieras / Rappel 1 : Aux souvenirs que nous sommes (Lecture de la dernière lettre de Missak Manouchian) / Place des grands hommes / J’m’attendais pas à toi / J’avance / Origami (avec Icare) / L’instit / Maux d’enfants / Stand Up / La chance de pas… / B-Stage en Piano-Voix : J’te l’dis quand même / Pour la vie / Le fil / Qui a le droit / Rappel 2 : Casser la voix / Je l’ai fait cent fois

Photos : Gregory Guyot (DR / JSM)

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