L’interview

« Voyage voyage »

de SYLVIE VARTAN

Bouleversée par les images de guerre en provenance d’Ukraine, la renvoyant au triste souvenir d’exil de sa Bulgarie natale, Sylvie Vartan vient de publier un EP 5 titres caritatif, dont tous les bénéfices seront reversés à l’Unicef. Intitulé « Odessa », du nom d’une chanson signée Jay Alanski figurant sur l’album « Sensible » (1998) et au texte étrangement prémonitoire, qu’elle a ré-enregistrée, il compte 4 autres titres porteurs d’espoir et de liberté, dont la reprise de « Imagine » de John Lennon. À cette occasion, alors qu’elle publie également le DVD Live de son « Récital » à Pleyel et avant de reprendre sa tournée à la rentrée, nous avons rencontré celle qui partage désormais sa vie entre Paris et Los Angeles, après avoir parcouru le monde et chanté sur tous les continents, du Brésil au Japon, en 60 ans d’une carrière exemplaire. A l’approche de la période estivale, nous ne pouvions que parler « Voyage, voyage », avec notre amie Sylvie…

– Dans quelle ville, quel pays es-tu née ?

Je suis née à Iskretz, en Bulgarie, dans les Balkans. C’est un petit village perché sur les hauteurs, à 80 km de Sofia.

– Quel est le premier pays que tu as visité ?

La France, quand avec mes parents et mon frère, nous avons du quitter la Bulgarie : j’avais 8 ans.

– Le dernier pays visité ?

Il y a très longtemps que je ne suis pas allée dans un pays en tant que touriste. Je connais déjà beaucoup de villes dans lesquelles je suis allée, qui ne sont plus à « découvrir » pour moi. Alors je dirais que le dernier pays dans lequel je suis allée était le Japon, mais c’était dans un cadre professionnel.

– Celui où tu rêves d’aller ?

En Islande.

– Ton plus beau souvenir de voyage ?

J’adore le Japon que j’ai découvert très jeune, à l’occasion de nombreuses tournées. J’y suis allée dans de nombreuses villes, du Nord au Sud, l’extrême Sud même. Je suis allée jusqu’à Okinawa. Mais j’ai fait d’autres voyages magnifiques dans ma vie, comme l’Egypte, un pays fascinant et inspirant, d’une grande élégance, ou encore le Mexique. J’ai découvert Acapulco quand j’avais 19 ans. C’était magique !

– Ton pire souvenir de voyage ?

C’était plutôt un départ… Dans les années 70, j’allais à New-York pour rencontrer Bob Fosse, quand un des réacteurs de l’avion a explosé en plein vol. L’avion a du larguer tout le kérosène : il y a eu un silence de mort dans l’avion. Personne n’a plus bougé. L’avion a commencé à descendre sérieusement. On s’est vus condamnés, quand soudain le pilote a bien voulu donner signe de vie en expliquant la situation. L’avion a été obligé de cercler au dessus de Londres, pendant qu’il se délestait du kérosène qui se collait aux hublots. C’était affreux… Finalement, après une heure d’angoisse, on a atterri à Londres, mais je ne voulais plus aller à New-York, d’autant que j’avais mon chien avec moi, et que selon les autorités anglaises qui nous ont reclassés sur un autre vol, il n’était pas autorisé à poser une patte sur le sol anglais. C’était hors de question de l’abandonner … Je voulais rentrer à Paris, mais on nous a finalement obligés à prendre un avion pour New-York où je suis arrivée tétanisée après ces événements.

– Quelle est ta ville préférée au monde ?

Je dirais Paris…

– Le pays, la ville, dans lequel / laquelle tu aimerais vivre ?

Je ne sais pas. J’ai l’esprit nomade et je me trouve aussi bien en France, qu’en Amérique ou au Japon. J’aurais du mal à m’imaginer fixée pour toujours dans un seul endroit. L’immobilité me procure une grande angoisse en règle générale, si bien que je suis en mouvement perpétuel. C’est le principe de la liberté, je crois, que j’ai solidement ancré en moi.

– Côté gastronomie, ta cuisine préférée ?

Sans doute la cuisine de ma mère, un mélange de cuisines de l’Est, hongroise et bulgare. Ce sont les plats de mon enfance, dont j’ai la nostalgie, mais j’ai eu l’occasion de goûter et d’apprécier des plats typiques dans beaucoup de pays. Je dirais que la plus raffinée et variée reste la cuisine française. Mais j’ai aussi eu des coups de coeur pour la cuisine japonaise, chinoise, mexicaine… Enfin, la plus pratique serait la cuisine italienne. Je me rappelle que quand j’enregistrais mes shows télé pour la télévision italienne, dans les années 70, je ne mangeais que des pâtes midi et soir, accompagnées d’une salade, sans jamais m’en lasser. Et bizarrement, j’ai même fini par maigrir, sans doute aussi à cause du rythme de travail…

– En vacances, es-tu plutôt découvertes ou farniente ?

J’aime la variété en vacances, alterner les plaisirs. Je n’aimerais pas faire un voyage organisé par exemple, avec un programme très soutenu de visites… J’aime trop ma liberté pour cela.

– Plutôt « La mer » (Charles Trenet)  ou « La montagne » (Jean Ferrat) ?

La montagne, que j’aime pour son côté puissant, immuable, immobile… J’aime beaucoup l’esprit montagnard aussi.

– Plutôt « il voyage en solitaire » (Gérard Manset) ou « les jolies colonies de vacances » (Pierre Perret) ?

Surtout pas les colonies de vacances ! Quand j’étais enfant, mes parents qui avaient des moyens modestes, m’avaient inscrite dans une colonie de vacances, un aérium pour enfants fragiles ou quelque chose de la sorte. Au final, ils ont du venir me récupérer parce que j’avais développé des boutons sur tout le corps, sans doute par réaction. On nous réveillait au clairon, et nous étions obligés de tous avoir les mêmes activités. J’ai très vite détesté cette ambiance. Cela dit, je ne suis pas extrémiste au point d’aimer voyager seule non plus. La solitude ne me dérange pas, mais c’est toujours plus agréable de partager des découvertes avec des proches, des amis…

– Quelles langues étrangères pratiques-tu ?

Le Bulgare, le Français, l’Anglais bien sûr, mais aussi l’Espagnol et l’Italien.

– Celle que tu aimerais apprendre ?

Il y a quelque années, j’ai commencé à apprendre le Japonais chez Berlitz. Je trouvais cela très bien, très amusant. J’adore apprendre… Comme je suis très impatiente, j’ai pris des cours tous les jours, pendant un mois, à raison de 1h ou 1h 30. Et puis, j’ai du arrêter, accaparée par mon métier… je ne sais pas si c’est la méthode idéale d’apprendre en accéléré comme cela, car il faut du temps pour que le cerveau assimile ce qu’on apprend. Je me rappelle que le professeur avait décidé de ne parler aucune des langues que je pratiquais dans la vie, pendant les cours. Or, je n’avais aucune base en Japonais, à part compter jusqu’à trois… L’angoisse ! Au final, je me suis passionnée et j’ai fini par apprendre quelques rudiments. J’étais même arrivée à un stade très intéressant, car j’avais trouvé des similitudes avec les autres langues que je connaissais, et qui m’aidaient à retenir certains mots. Comme s’il y avait des liens invisibles, qui finissent par connecter les langues entre elles. Cela dit, avec cette méthode, beaucoup de mots ou expressions me sont restées gravées. Il y a peut-être aujourd’hui des méthodes plus adaptées et pointues qu’à l’époque, en tout cas j’ai adoré cet apprentissage, et j’en ai conservé les bouquins d’ailleurs… J’aime beaucoup apprendre les langues étrangères en général, peut-être parce que le Français n’est pas ma langue maternelle…

– Dans combien de langues as-tu déjà chanté ?

Oh la la… En Français, Anglais, Bulgare, Italien, Espagnol, Portugais, Japonais, Hollandais, Allemand… 

– Dans quels pays as-tu déjà chanté ?

La liste est longue aussi : Argentine, Chili, Brésil, Etats-Unis, Canada, Allemagne, Hollande, Portugal, Espagne, Italie, Angleterre, Russie, Suisse, Bulgarie, Grèce, Iran, Israël, Syrie, Japon, Corée, Maroc, Tunisie, Côte d’Ivoire, Congo, Egypte…

– Celui où tu aimerais chanter ?

Je ne sais pas : j’avoue que j’ai été comblée question voyages…

– Ton plus beau souvenir de tournée ?

C’est difficile de répondre, tous mes concerts restent gravés en moi, mais les plus incroyables au niveau émotionnel, restent ceux que j’ai donnés lors de mon retour en Bulgarie en octobre1990.

– Ton pire souvenir de tournée ?

A l’époque, tout était une aventure, si bien que je n’ai pas de mauvais souvenir, pas même cette fois où avec Johnny, nous nous sommes retrouvés piégés dans les inondations à Rio de Janeiro en 1967. Ou sinon peut-être ce concert à Rosario en Argentine, dans les années 60, que j’ai du interrompre parce que j’avais avalé un moustique ? (rires).

– Le festival que tu n’as jamais fait et que tu aimerais faire ?

Je n’ai pas été frustrée côté concerts, mais c’est vrai que mes spectacles ne se prêtaient pas beaucoup au format des festivals, quoique je vais bientôt en faire un à la rentrée, au Parc des Oiseaux : Je suis très excitée d’y participer. Mais en général, même si j’ai chanté devant des foules importantes, comme en Corée, et dans des circonstances très différentes, mes spectacles chorégraphiés étaient lourds à déplacer et ne pouvaient pas être joués en plein air, à la lumière du jour, comme c’est souvent le cas dans les festivals. 

– En tournée, es-tu plutôt « tour bus » ou « relais et châteaux » ?

J’ai toujours été « relais et châteaux »… (rires). Enfin, pas à mes débuts, mais quand les tournées se sont accélérées, et sont devenues annuelles et permanentes, j’avais besoin de me reposer entre les concerts, car mes spectacles étaient assez physiques. Il fallait que je dorme au moins douze heures pour récupérer entre chacun d’entre eux. Il est arrivé que je fasse jusqu’à 300 galas par an ! C’était fou. Et puis, à l’époque où Carlos était mon secrétaire, on allait toujours dans des relais et châteaux parce qu’il aimait la bonne chère et connaissait les bonnes adresses. Cela dit, j’aimais aussi beaucoup la compagnie de mes musiciens… Mais nous n’avions pas le même rythme, il fallait souvent que je sois sur place avant eux. Surtout qu’il nous arrivait de faire Nice-Biarritz dans une nuit, un 31 juillet… Tu imagines ! C’était fou, mais l’excitation était permanente et je suis très heureuse d’avoir vécu cette époque.

– L’artiste étranger avec lequel/ laquelle tu aimerais faire un duo ?

J’en ai fait beaucoup dans ma vie, mais j’aimerais chanter avec Zucchero, dont j’aime beaucoup la voix. Et ce serait une chanson en Italien bien sûr…

– Si tu devais faire une reprise, plutôt « Voyage, voyage » (Désireless) ou « Puisque vous partez en voyage » (Françoise Hardy / Jacques Dutronc) ?

« Voyage, voyage » !

Propos recueillis par Eric Chemouny

Photos : 1 et 2, François Nars (DR) / 3 et 4, Philippe Quaisse (DR)