JEAN-LOUS MURAT

Les liens défaits

Le 25 mai dernier, Jean-Louis Murat nous quittait brutalement, à l’âge de 71 ans, laissant derrière lui une collection de chansons poétiques et finement ciselées d’une grande exigence, l’ayant élevé au rang de légende de la chanson française, aux côtés d’un Manset ou d’un Bashung. Depuis la triste nouvelle, les hommages rendus par la presse et ses pairs se sont multipliés, soulignant la qualité prodigieuse et intemporelle de son oeuvre, rappelant aussi ses provocations amusées et salutaires à l’égard d’un milieu du « show-business » dont il a progressivement pris de la distance, pour se concentrer en Auvergne sur l’essence même de son métier, au risque de se forger une réputation d’ermite un peu sauvageon. Nous l’avions rencontré à Paris en août 1999, juste avant la sortie de l’album « Mustango », qui marquait justement sa rupture d’avec le label Virgin, défaisant les liens avec un système qui l’avait érigé en auteur-compositeur-interprète au physique romantique d’amoureux littéraire idéal, désormais en quête de davantage d’authenticité et de liberté artistique. En guise d’au revoir à l’immense songwriter qu’était Murat, et alors que vient de paraitre un « best of » de ses plus beaux titres, nous vous offrons cet entretien rare et collector, témoignage d’une période de grande remise en question dans sa vie d’artiste… Et pour illustrer ce souvenir d’une rencontre unique, nous vous offrons l’intégralité d’une de ses dernières séances photos officielles, réalisée à l’occasion de la sortie de l’album « La vraie vie de John Buck » (2021)…

– Comment est venue l’idée d’enregistrer « Mustango » avec des musiciens américains ? On vous croyait attaché à votre grange-studio…

Jusqu’ici, enregistrer dans une grange n’était pas un caprice. C’était simplement plus commode et économique. Mais je manquais de motivation pour refaire un disque et j’avais choisi de partir aux Etats-Unis, sans savoir ce que j’allais vraiment y faire. De New-York à Tucson Arizona, j’ai traîné au concert tous les soirs, et après, j’allais aborder les musiciens au culot pour me présenter et leur expliquer que j’aimerais travailler avec eux. Après quatre mois, j’étais devenu un peu américain, le culot étant un de leurs défauts, mais aussi une de leurs qualités. Bien qu’étant assez parano, comme tous les Français, je n’ai jamais ressenti le moindre mépris de leur part.

– Est-ce ce manque de motivation qui explique aussi votre passage de Virgin à Labels ?

Ah oui ! C’était une nécessité. J’avais des problèmes de communication avec Virgin, au point de ne plus pouvoir travailler avec eux. J’ai attendu six moins pour être enfin transféré. Chez Labels, je retrouve une mentalité et une ambiance de label indépendant, qui me conviennent parfaitement.

– Vous n’apparaissiez pas sur les pochettes des précédents « Vénus » et « Dolorès » : pourquoi avoir accepté de vous montrer à nouveau sur « Mustango » ?

J’avais arrêté de poser sur les pochettes, parce que le travail des photographes ne me plaisait jamais. Pour cet album, je me suis photographié au Polaroïd, et j’ai choisi le lettrage. J’ai bien conscience que l’emballage d’un disque est fondamental. Alors, j’essaie désormais de tout contrôler, même si j’ai été affligé en réalisant qu’à l’usine, ils avaient coupé un centimètre du cadrage de la photo…

– Pour cet album, vous dites avoir essayé de retrouver l’esprit de 1972…

C’est une boutade, une de ces idées simples auxquelles on aime se raccrocher. J’avais un bassiste qui avait travaillé sur de grands albums des années 70, de Miles Davies à Bob Dylan. Il m’a expliqué comment se déroulaient les enregistrements. J’ai essayé de suivre cette ligne en enregistrant en prise directe, de façon assez spontanée. Tout est allé très vite. Avec les musiciens, on ne passait jamais plus de trois quarts d’heure sur une chanson. Ce parti-pris s’est prolongé jusqu’au mixage…

– « Polly Jean » serait une célébration de P.J Harvey …

Oui, je l’ai rencontrée lors de son concert en août 1998, pendant la route du Rock à Saint-Malo : un moment sensationnel et magique. C’était la Nuit des étoiles. On était assis dans l’herbe, sous les étoiles filantes. Je n’ai jamais retrouvé cette émotion en la voyant en novembre dernier à la Cigale à Paris, où c’était nul. Je l’ai vue laide, acariâtre…

– Comment interpréter  la chanson « Les gonzesses et les pédés » ?

On me demande souvent de participer à des manifestations anti- Le Pen. Je réponds toujours que je veux bien, mais que pour être percutant, il faut avoir une chanson adaptée. Or, pour les gens du FN, quand on n’est pas d’accord avec eux, on est soit des gonzesses, soit des pédés. Il n’y a pas de dialogue possible. J’avais envie de leur dire qu’ils se gourent en imaginant que les gonzesses et les pédés vont se laisser faire. J’aime bien le côté « John Wayne », très garçon de cette chanson. Faut bien s’amuser un peu…

– On vous qualifie de misanthrope, rustique, romantique, bougon, solitaire, mystique… Vous reconnaissez-vous dans ce portrait robot ?

Ce sont plutôt des clichés commodes, qui correspondent à l’idée présumée qu’on se fait des Auvergnats. A Paris, les gens imaginent toujours qu’on ressemble à sa région, mais l’inverse ne marche pas. On nous rétorque qu’il n’y a pas de vrais parisiens ! Aux Etats-Unis, on me prenait pour un méditerranéen ou un chanteur arabe : ça m’a fait des vacances ! Ils avaient une approche très spontanée de ma musique, ne faisant pas attention aux textes.

– Pourquoi chanter sous pseudonyme alors que vous signez toutes vos chansons sous votre vrai nom, Bergheaud ?

Je n’ai jamais trop aimé mon nom. Quand j’ai sorti mon premier disque, j’ai opté pour Murat, alors que j’étais en ligne avec ma maison de disques dans une petite maison au pied du Murat. Comme ça, dans un moment d’énervement. Or, il existe un autre Jean-Louis Murat à la SACEM. C’est son vrai nom, il est donc prioritaire sur moi. Si je ne veux pas qu’il perçoive mes droits d’auteur, comme cela est déjà arrivé, je suis obligé de déclarer mes chansons sous mon nom à l’Etat Civil. Mon éditeur est très vigilant là-dessus. On croit souvent que je fais joujou en utilisant les deux noms, selon mon humeur, mais la réalité est beaucoup plus simple…

– Quel a été votre parcours avant d’enregistrer un premier 45 tours ?

J’ai été père très tôt. je ne suis pas issu d’un milieu, où on peut tout arrêter à 18 ans pour faire de la musique. Il fallait que je bosse. J’ai travaillé notamment à Paris dans l’import-export de tubes d’aluminium. Je n’ai jamais supporté l’idée d’avoir un patron. Un jour, n’ayant aucune envie d’aller au bureau, je suis allé voir « Une femme sous influence », de John Cassavettes. En sortant de la projection, je suis resté assis une heure en face du cinéma. J’ai bien réfléchi et j’ai décide de donner ma démission. J’ai acheté une guitare, un ampli, et j’ai passé une petite annonce pour monter un groupe. Avec trois autres musiciens, on a fondé Clara. Au début, je voulais rester dans l’ombre et me contenter d’être bassiste-guitariste, ne voulant ni écrire ni chanter. Comme celui qui était censé écrire mettait six mois pour sortir une chanson, je me suis énervé. Il a eu le malheur de me dire : « tu n’as qu’à en écrire, toi ! ». Je l’ai pris au mot. Le premier jour, j’en ai écrit quatre ou cinq. Et je n’ai plus arrêté… Au début, il les a chantées, puis petit à petit, je me suis mis à les chanter moi-même. Des maisons de disques nous ont contactés. Trouvant que les trois autres n’assuraient pas, c’est EMI qui a proposé de me signer tout seul.

– Ce 45 tours, « Suicidez-vous, le peuple est mort » (1980), est encore auréolé d’un parfum de scandale…

Michèle Abraham aimait beaucoup cette chanson et la programmait énormément sur Europe n°1. D’autres radios ont suivi. Un jour, une jeune fille a fait une tentative de suicide, en écoutant ce disque. Son père a légitimement appelé la radio, en disant que c’était une honte de diffuser une chanson pareille, en les menaçant de débarquer avec un fusil, si jamais ils la diffusaient encore.Tout le monde a flippé et tout s’est arrêté. J’avais touché à un tabou. J’étais devenu un chanteur sulfureux, qui portait la poisse. Chez EMI, on a eu une réaction frileuse à mon égard. je me suis retrouvé seul, comme pestiféré. Un album 6 titres, très peu diffusé, est quand même sorti en 1982, mais ils se sont plantés à la fabrication en glissant un disque de Nicoletta à l’intérieur. J’étais catastrophé. Puis j’ai enregistré l’album « Passions privées » (1984), mais dès que je l’ai eu terminé, on m’a rendu mon contrat. En plein mois d’août, comme les gouvernements qui font généralement leurs coups bas en plein été, j’ai reçu une lettre recommandée. Quand j’ai rappelé, tout le monde était évidemment en vacances… Je faisais partie d’un même wagon que Nilda Fernandez et plein d’autres artistes, qui ont vendu des disques par la suite. Puis, la vie a été très dure… Je n’avais pas d’argent, je ne voyageais qu’en auto-stop, montant à Paris une fois par mois pour faire écouter des cassettes. Je me faisais jeter à chaque fois. J’avais heureusement une copine admirable qui me portait à bout de bras.

– Comment avez-vous finalement été signé chez Virgin en 1987 ?

Bizarrement, grâce à « Suicidez-vous… ». J’avais fini par developper des stratégies pour obtenir des rendez-vous. j’appelais des journalistes qui m’avaient soutenu, en leur expliquant que je galérais, pour leur demander l’autorisation d’y aller de leur part. Philippe Manoeuvre a été très sympa, et il a joué le jeu. les gens me prenaient au téléphone et me demandaient : « Philippe va bien ? ». Je répondais : « Oui, oui, il va bien… ». Et j’obtenais ainsi un rendez-vous. Pour éviter les barrages au téléphone, j’avais aussi compris qu’il fallait appeler tôt le matin, ou tard le soir, quand les secrétaires étaient parties. Sinon, on ne passe pas le cap du standard. C’est ainsi que j’ai réussi à parler à Fabrice Nataf chez Virgin. Ses deux « chiens de garde » qui filtraient les appels d’ordinaire s’étaient barrés. Comme sa copine le bassinait avec « Suicidez-vous… », il ml’a répondu : « Ok, on peut se rencontrer… J’ai hâte de voir de quoi vous êtes fait, parce que ma copine me casse les pieds avec vous ». Grâce à elle, j’ai finalement été signé. Aujourd’hui, elle bosse à Canal +. je la vois toujours et je sais ce que je lui dois.

– Rétrospectivement, vous reconnaissez-vous dans l’image glacée de bellâtre rustique véhiculée par « Cheyenne Autumn » (1989) ?

Je ne fabrique pas mon image. Au début, ce sont les médias qui ont besoin de simplifier et de ranger dans des catégories. Ensuite, cela devient commode de s’y référer. Il y a surement une part de vérité, mais j’espère être plus complexe dans la vie que cette vision schématique. Quoiqu’il en soit, j’étais vachement content de ce succès, même si je gardais les pieds sur terre. C’est aujourd’hui ma plus grosse vente sur la longueur. Il m’a permis de travailler avec davantage de moyens sur « Le manteau de pluie » (1991), mais raisonnablement. Je n’aime pas jeter l’argent par les fenêtres.

– Vous avez réalisé trois versions du clip « Cours dire aux hommes faibles » : c’était peut-être un luxe inutile ?

Non, il n’ont pas coûté cher et les trois versions ont été diffusées en alternance.  Cette époque où on me laissait faire mes clips est malheureusement terminée. Je n’ai plus mon mot à dire. Pourtant, je trouve scandaleux de filer un million de francs à un type pour faire un clip en trois jours. C’est deux fois le budget d’un album !

– Le single « Sentiment nouveau » est sorti avec 4 inédits : vous semblez attacher de l’importance au respect de vos fans…

Absolument. J’ai renouvelé mon site Internet dernièrement, mais sur le site « Dolorès », j’avais offert un inédit par mois. En un an, mes fans se sont retrouvés avec un album entier d’inédits, plus la pochette, ce que ma maison de disques déteste et ne supportera pas encore 107 ans… ! Mais mon rapport aux fans est fondamental : après « Dolorès », ça n’allait plus du tout. Je n’avais plus envie de faire des disques. Ils m’ont totalement supporté. Je vais sur mon site tous les jours, et je communique très fort avec eux. Il existe au moins trois sites non officiels qui marchent très bien. Mes fans sont généralement intelligents, créatifs et sincères. Ils ont beaucoup d’humour à mon égard et ne craignent pas de me tailler s’ils trouvent que j’ai fait un truc qui craint. Ce ne sont pas des bénis oui-oui…

– Comment a eu lieu la rencontre avec Mylène Farmer pour « Regrets » (1991) ?

C’est elle qui me l’a proposée. On s’est rencontrés et on s’est très bien entendus. C’est une fille extra. Elle est toujours perçue comme tarabiscotée, mais elle est très normale. Je me sens très proche de son univers. Avec Boutonnat, ils fonctionnent si bien, que je n’ai pas cherché à aller plus loin en écrivant pour elle. D’ailleurs, chez Virgin, on n’était pas du tout d’accord pour ce duo…

– Après ces succès commerciaux, pourquoi avoir opté pour un projet plus intimiste sur le monde paysan, avec « Murat en plein air » (1993) ?

On était en plein mois d’août, je n’avais rien à foutre. On a enregistré en six jours dans une chapelle romane du XIIème siècle. Des copains sont arrivés avec un groupe électrogène. Un autre est descendu de Paris avec sa caméra. Tout le monde a travaillé gratis, Virgin n’étant pas d’accord pour financer le projet. C’était une histoire de camaraderie, et de vacances. Mylène et Laurent m’ont ensuite aidé à faire le film : j’ai travaillé avec leur monteuse, et j’ai pu me servir de leur matériel, si bien qu’il ne m’a quasiment rien coûté. Je n’aurais jamais pu le faire sans eux. Finalement, il s’est montré très rentable. Il est passé six ou sept fois sur Canal +, France 3, Paris Première, et il a été vendu à l’Etranger. La vidéo a été commercialisée et les gens la réclament régulièrement. On le perçoit aujourd’hui comme un album à part entière, mais à l’époque, il s’agissait de fournir quelques inédits diffusés à 1000 exemplaires. Ça n’avait rien d’ambitieux.

– « Vénus » a été enregistré en 8 jours : pourquoi tant de précipitation ?

Passer des mois en studio est parfois nécessaire, mais j’avais passé trois mois sur « Le manteau de pluie ». J’ai besoin d’alterner les rythmes de travail. Il faut simplement être capable de faire les deux. « Vénus » reste mon album préféré. Aux Etats-Unis, je le donnais comme carte de visite. Un jour, en rentrant à l’hôtel dans le désert de l’Arizona, j’ai entendu des titres de « Vénus » à la radio. Ecouter les commentaires des animateurs et les redécouvrir dans cette ambiance était assez satisfaisant pour moi, car les problèmes avec Virgin ont commencé avec cet album. Ils pensaient qu’enregistrer en une semaine était de la prétention, que j’étais entré dans une sorte d’emballement qui me faisait perdre les pédales. Ensuite, il y a eu le problème de la pochette. J’avais choisi la reproduction d’une toile d’un artiste contemporain américain de Los Angeles. Tout semblait réglé quand soudain, son avocat a exigé une somme colossale que Virgin ne pouvait pas payer. Il restait 24 heures pour lancer la fabrication du disque. Avec la maquettiste, on est descendus chez le libraire de la rue de Sévigné, et en cinq minutes, on s’est arrêté sur une livre sur les fleurs. La pochette a été réalisée en une heure. Et le vent a tourné : les journalistes se sont interrogés sur cette pochette curieuse, dont l’échec n’était pas de mon fait.

– Pourquoi avoir attendu 1993 pour partir en tournée ?

J’ai écrit et enregistré « Vénus » en pensant à la scène. Les chansons des deux précédents albums étaient beaucoup trop produites pour être jouées sur scène, et manquaient de spontanéité, de nervosité.

– Sur « Route Manset » (1994), vous avez repris « Entrer dans le rêve ». La comparaison avec Manset doit finir par vus énerver, non ?

Il devait déjà produire « Suicidez-vous… ». On s’est rencontrés et j’ai été énormément déçu. J’ai passé une journée effroyable car tout s’est très mal passé entre nous.On ne pouvait absolument pas communiquer. Je ne peux pas travailler avec un mec comme ça, même si je sais ce que moi et d’autres lui doivent en France. J’ai longtemps hésité à participer à ce « Route Manset » pour cette raison. Mais cela aurait été trop stupide de placer mon ego en avant. Malgré tout, il écrit de bonnes chansons et cela me semblait assez naturel de lui rendre cet hommage.

– Vous avez participé à « Amour foot » (avec « Achille à Mexico »), et « Im’ Your Fan », album tribute à Léonard Cohen (avec « Avalanche ») : pourquoi n’avoir jamais participé à des projets caritatifs comme « Sol en Si », ou « Les Enfoirés » ?

Sur « Amour foot », les autres artistes ayant adopté un profil bas en faisant des chansons à boire, je me suis retrouvé un peu décalé et prétentieux. L’hommage à Cohen sur lequel j’étais le seul Français a très bien marché aux Etats-Unis. J’ai ainsi pu communiquer avec Léonard Cohen, d’abord par fax, puis par téléphone. On devait se rencontrer pour un magazine sur France 2, mais son fils a eu un grave accident, et il n’a pas pu venir. Quand aux autres projets, comme plein d’autres artistes, je voudrais bien y participer, mais on ne veut pas de moi. C’est un genre de mafia : ils sont quatre ou cinq à organiser le truc, à rester entre eux, et à choisir tous les ans un nouvel artiste qui leur sied, c’est tout. Une année aux Enfoirés, on a proposé de chanter « Tout est dit », mais le responsable des Enfoirés a dit : « Non, pas une chanson de Murat ! ». Il faut vraiment être copain avec cette bande et ne pas faire d’ombre. Je serais prêt sinon à y participer, tout comme à Sol en Si ! Du coup, les gens s’imaginent qu’on a un coeur de pierre, qu’on est méchant, et qu’on ne veut pas chanter pour des projets caritatifs. C’est du délire… Le problème, c’est qu’il y a un 20h30 à la clé, alors ils se le gardent pour eux.  Je n’en fais pas toute une affaire, je m’en fous… je n’ai même pas la télé !

– « Murat Live » (1995), a été commercialisé avec la B.O de « Mademoiselle personne » qui n’est jamais sorti…

Pour foutre un peu la merde, j’avais accepté de tourner à condition qu’on en profite pour faire un film (rires). Je voulais la réalisatrice Pascale Bailly, dont j’avais aimé le film « Comment font les gens », et on a choisi ensemble Elodie Bouchez. Plein d’autres gens dont Sandrine Kiberlain devaient jouer dedans, mais Pascale est tellement bizarre qu’elle se fâche avec tout le monde. Je ne savais pas que je mettais le doigt dans un tel imbroglio, entre les droits sur la musique et les images : les musiciens se sont mis à vouloir être payés pour être filmés. Le producteur du film a voulu des droits sur le disque. Un vrai bordel qui n’est toujours pas réglé ! Le film existe et on attend toujours qu’il sort. C’est un mélange de fiction et de réalité. Pascale écrivait une grille tous les jours et on improvisait. Parfois le public hallucinait en voyant débarquer Elodie sur scène !

– Vous-même avez joué dans « La vengeance d’une femme » de Jacques Doillon. Vous vous trouvez comment comme acteur ?

J’ai accepté par curiosité et par amitié pour Doillon. Me retrouver à alterner des scènes avec Isabelle Huppert et Béatrice Dalle, c’était super, mais je déteste faire l’acteur. Au cinéma, je préfère l’écriture ou la réalisation. Avec ma copine, on a fait un film sur ma dernière tournée.

– « Dolorès » (1997) a été habillé d’une pochette très érotique…

C’était une pochette imposée qui ne me plaisait pas du tout. Elle a cristallisé le clash avec ma maison de disques. D’autant qu’auparavant, on avait dépensé une fortune pour me faire travailler avec des producteurs anglais et on a tout mis à la poubelle. Je voulais en fait travailler avec Crazy Horse (le groupe de Neil Young), qui était d’accord. Ceci dit, je pense rétrospectivement, que cela aurait été une erreur. Puis, on a pensé à Nellee Hooper (cf « Post » de Björk) qui était trop cher.

– On a qualifié cet album de « journal intime d’un homme largué »…

Je ne m’en suis jamais caché. Je venais effectivement d’être largué. Il n’y a pas de honte à avoir du chagrin. Sur cet album figurait ainsi « Aimer », destinée à l’origine à Jeanne Moreau. J’avais écrit tout un album pour elle, qu’elle n’a jamais enregistré.

– Vous vous êtes consolé avec Sylvie Vartan (« Il pense à son corps » et « Jour d’hiver » en 1996, et « Irréversibilité » en 1998) ?

En fait, « Elle pense à son corps » avait été écrite pour Johnny. Quand il l’a entendue, il a jugé que ce n’était pas une chanson pour un homme. Amusée, Sylvie a décidé de la chanter elle. C’est devenu « Il pense à son corps ». Je ne savais pas qu’elle avait aussi repris « Réversibilité » (n.d.l.r : figure sur « Dolorès »). On ne s’est jamais rencontrés, mais je n’ai entendu que des choses positives sur elle. Il parait qu’elle est très sympathique et spontanée.

– Julien Clerc (« Le verrou » en 1992) et Michel Delpech (« Cartier Besson », « C’est à Paris » en 1997), vous ont aussi chanté…

J’étais assez satisfait de ce que Julien a fait. Quant à Delpech, c’est un fan de la première heure. Il m’avait déjà contacté à l’époque de « Si je devais manquer de toi ». Ensuite, il a travaillé avec Mick Lanaro comme producteur. Je lui ai filé une chanson, et quand j’ai entendu ce qu’ils en avaient fait, j’étais furieux. Je le leur ai dit et les choses se sont compliquées. On me sollicite régulièrement, mais j’ai plutôt tendance à refuser. Mon éditeur commence à le savoir…

– Vous aimez toujours aussi peu la promo qui entoure la sortie d’un album ?

(faisant mine de m’étrangler) Mais si, voyons ! J’adore la promo (rires) !

Propos recueillis par Eric Chemouny le 11 août 1999, à Paris 3ème.

Photos : V.Jeetoo (DR / Wagram)

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