CLARA LUCIANI

La fille de Montréal

Quatre ans après sa première venue aux Francos de Montréal, c’est en star confirmée que la belle Clara Luciani y était accueillie cette année, le temps de deux concerts affichant complets les 14 et 15 juin dernier, dans la très électrique salle MTélus de la rue Sainte-Catherine. Nous y étions et vous en avons rapporté le reportage exclusif, témoignage éclatant de la consécration de celle qui est désormais adoptée par le public québécois, comme une vraie fille de Montréal…

En juin 2018, les Francos de Montréal découvraient l’étoile montante Clara Luciani, le temps d’un mini-concert gratuit et en plein air près de la place des Arts, suivi le lendemain d’une co-scène avec Eddy De Pretto, au MTélus. La grand brune longiligne, alors simplement auréolée du succès de « La grenade » s’y dévoilait encore très timide, pleines de doutes, et expérimentant quelques pas de danse et autres gestuelles désormais plus assurés, et même devenus sa marque de fabrique. Elle doit alors beaucoup de l’intérêt des medias québécois, et entre autres de la papesse Monique Giroux de Radio Canada, au parrainage bienveillant de l’enfant du pays, alias Pierre Lapointe, qui la cautionne et la présente partout, à qui veut bien découvrir sa belle amie venue de France. Elle profite alors du voyage pour écrire et enregistrer avec lui le magnifique duo « Qu’est-ce qu’on y peut ? ». 

Cette année, après deux années blanches pour le festival, c’est avec beaucoup d’impatience, des deux côtés de l’Atlantique que les retrouvailles ont enfin pu se concrétiser. Entre temps, la Belle a publié un deuxième album, « Coeur », constellé de tubes, et s’est vue consacrée aux dernières Victoires de la Musique. Elle est LA reine absolue de la chanson française au féminin du moment, et c’est d’ailleurs comme telle que les Montréalais l’attendent en ce 14 juin, au MTélus de la rue Sainte-Catherine, au carrefour du fameux Boulevard Saint-Laurent. Dans la salle, on repère à l’accent des expatriés français bien sûr, de ceux qui peuplent le Plateau et les ravissantes petites maisons du quartier Mont-Royal, mais aussi beaucoup de jeunes locaux, venus boire, danser, transpirer… Bref, « respirer encore » avec Clara, après plus de deux années de privations.

Après Luis Clavis en première partie (Hanson Eli prendra sa place le lendemain), Clara apparait enfin sur scène, visiblement très émue et heureuse de ces retrouvailles. Et ce qui frappe d’emblée pour nous autres « maudits français » qui avons vu et applaudi la nouvelle formule ultra-produite et sophistiquée de son gigantesque show, de l’Olympia au Zénith de Paris, et partout ailleurs en France, c’est ce sentiment de retrouver la fraîcheur et la simplicité si touchante de ses débuts. Et pour cause, la chanteuse a été obligée de voyager léger, et n’a pas emporté dans ses bagages l’artillerie lourde qui accompagne désormais sa tournée. Point de lourd et luxueux costume lamé signé Gucci avec ses fameuses manches à plumes, point de jeux de lumières ultra léchés, de lettres géantes célébrant son patronyme ou même de choristes. C’est comme à ses débuts, dans le plus simple appareil, un pantalon blanc cassé fluide taille haute surmonté d’une chemise nouée, et encadrée par sa garde rapprochée de Mousquetaires, les désormais célèbres et excellents musiciens (Benjamin Porraz, Pierre Elgrishi, Alban Claudin, Mathieu Edward) qu’elle occupe l’espace, dès son entrée en scène.

Naturellement hyper élégante dans sa gestuelle, maitrisant à la perfection chaque détail de son concert, vocalement très au point, chaleureuse et souriante comme à son habitude, Clara déroule sa set-list devant un public aux anges et acquis d’avance, au rythme de ses imparables tubes : « La grenade », « Ma soeur », « Nue », « Les fleurs », « La baie » (son adaptation de Métronomy, devenue presque aussi populaire de l’original), « Le reste » et bien entendu, l’hymne « respire encore ». A défaut de Julien Doré, c’est avec un autre chevelu aux longues boucles, son bassiste Pierre Elgrishi, qu’elle chante le duo « Sad and Slow », mais le véritable temps fort du show reste la visite de son grand ami Pierre Lapointe, le temps de leur splendide « Qu’est-ce qu’on y peut ?», une chanson dont on voudrait qu’elle ne s’arrête jamais. Les deux artistes ont poussé l’élégance et le respect du public jusqu’à assortir leurs tenues de scène. Ce sera encore le cas le lendemain, lorsque Clara choisira une tenue pantalon noir et chemise sombre nouée à sa taille de rêve. Au passage, Clara le taquine, en lui faisant remarquer que de son côté, c’est le seul titre qu’elle a écrit avec un autre artiste, alors que Pierre lui aurait depuis fait quelques infidélités… Sourires complices, et tendres embrassades concluent cette parenthèse enchantée, au coeur d’un concert plus que parfait, comme on pouvait s’y attendre venant d’une grande professionnelle comme Clara.

Au-delà de ces deux concerts, loin d’être venue uniquement « pour raisons professionnelles », Clara a pris le temps de se poser quelques jours en touriste dans la bouillonnante et multi-culturelle métropole : entre deux balances et rendez-vous de boulot, notre amie a tenu à visiter la magnifique exposition consacrée à Nick Cave, ayant occasionné un travail d’une minutie renversante, avec ses fidèles reconstitutions de la bibliothèque, du bureau, de la chambre à Berlin, etc, de la taciturne star du Rock : un décor de rêve, estampillé d’icônes l’ayant inspiré, comme Kylie Minogue, et dans lequel la facétieuse chanteuse s’est amusée à poser pour alimenter ses stories du jour sur les réseaux sociaux. Après avoir cité le leader des Bad Seeds dans nombre d’interviews comme une de ses références absolues, elle ne pouvait rentrer en France sans un détour dans l’antre de sa création, peuplé de références bibliques et de sombres personnages. D’ailleurs, elle se faisait une joie de le rencontrer et l’applaudir aux Eurockéennes début juillet, où les deux artistes étaient programmés, mais les caprices de la météo en ont décidé autrement… Jamais annulation n’avait tant rimé avec déception dans le coeur de Clara. Dans la foulée, elle ne pouvait manquer aussi l’exposition au Musée des Beaux Arts de Montréal des étranges créatures colorées de l’artiste suisse Nicolas Party, ayant inspiré le très bel album « L’heure mauve » de Pierre Lapointe.

Au final, le coeur rempli de tous ces beaux souvenirs et de tous ces témoignages d’affection du public montréalais, on peut parier sans risques que cette fois, Clara Luciani n’attendra pas quatre ans pour « revenir à Montréal », comme dit la célèbre chanson du maître Robert Charlebois …

Eric Chemouny  

Photos : Victor Diaz Lamich (DR / Les Francos de Montréal)