L’interview « Comme un garçon » 

d’ ÉMILIE MARSH

Longtemps identifiée comme le double scénique de l’icône Dani, avec sa guitare chevillée au corps, Emilie Marsh s’est depuis émancipée en volant de ses propres ailes d’auteure-compositrice-interprète. Pour dernière preuve, son nouvel album « Nevada » est une véritable épopée héroïque, d’une grâce mélodique et d’une énergie renversantes, à laquelle n’ont pas d’ailleurs résisté La Grande Sophie et Gaëtan Roussel. Comme avant elle, son acolyte du formidable label indépendant Fraca!!! et néanmoins amie Katel, cette autre Émilie jolie de la chanson s’est amusée à se glisser dans la peau d’un garçon, le temps d’une interview mi-rose, mi-chou…

– Étais-tu « Garçon manqué » (La Maison Tellier) dans ton enfance ? 

Oui, j’ai eu ma période garçon manqué ! En effet, je ne jouais qu’avec des garçons, et voulais même en être un…et qu’on m’appelle Émile !

– Jouais-tu plutôt à « Toi le Cowboy, moi l’indien » (Zazie) ou « Barbie, tu pleures » (Lio) ? 

Plutôt « toi le Cowboy », évidemment ! 

– T’arrive-t-il de te dire « Si j’étais un homme… » (Diane Tell) dans ton métier de chanteuse ? Dans quelles circonstances ? 

Non, pas en tant que chanteuse. En tant que guitariste en revanche, oui. Je sais qu’il aurait été plus rapide pour moi de m’imposer en tant que musicien accompagnateur, que j’aurais mis moins de temps à me sentir légitime.

– Si tu étais un homme justement, quel chanteur français serait ton modèle ? 

Alain Souchon, pour sa poésie inimitable, la tendresse qu’il inspire à travers sa voix, son écriture. Et cette capacité à écrire des tubes d’une folle élégance !

– Quel chanteur international ?

David Bowie, pour l’inventivité sans bornes de son oeuvre, son audace, et sa beauté !

– Ferais-tu un style de musique différent ? 

Sans doute ! Je pense que j’aurais peut-être été vers un répertoire anglophone, j’aurais monté un groupe avec mon grand frère qui adorait le Punk pendant un temps. Je l’aurais peut-être davantage suivi dans ses goûts musicaux à l’âge où on veut sortir des références parentales et se faire sa propre culture. Mais j’avais besoin de modèles féminins pour m’identifier !

– Dans les 60’s, aurais-tu été davantage séduite par la sexy Sylvie (comme Johnny), ou la cérébrale Françoise (comme Jacques) ?  

Françoise Hardy ! 

– Avec quelle chanteuse aimerais-tu enregistrer un duo d’amour sulfureux comme «Je t’aime moi non plus » (Gainsbourg / Birkin) ?  

Jeanne Balibar ! Parce que j’ai l’intuition qu’on rigolerait beaucoup (même si je ne la connais pas du tout) et qu’elle serait parfaite pour ce type de duo.

– Dans la peau de Gainsbourg, quelles actrices actuelles aimerais-tu faire chanter ? 

Audrey Fleurot ou Charlotte Rampling ! Elles ont des voix reconnaissables entre mille et une sensualité dans la diction qui donne envie d’écrire pour elles.

– Accepterais—tu de changer de sexe pour les besoins d’une pochette comme Gainsbarre sur « Love on The Beat » sans craindre pour ton image ? 

Tout à fait. J’ai déjà eu l’occasion de me prêter au jeu lorsque nous étions invitées avec mon label FRACA!!! à participer au Cabaret le Secret. C’était pour un spectacle, pas pour une pochette, mais si l’occasion se présentait et si ce choix était cohérent avec ce que je souhaite défendre dans un album, alors je n’hésiterais pas un instant.

– Si tu devais faire une reprise jouant sur l’androgynie aujourd’hui, plutôt « Comme un garçon » (Sylvie Vartan) ou « Sans contrefaçon » (Mylène Farmer) ? 

« Sans contrefaçon ». J’adore cette chanson parce qu’elle est libératrice, elle résonne comme un manifeste, et elle a parlé à toute une génération parce qu’elle exprime le travestissement et l’ambiguïté de genre comme une force, comme une identité supplémentaire, pas comme une simple « imitation » et c’est un peu ce que je ressens avec le titre de Sylvie Vartan qui en plus dit « je ne suis qu’une fille », c’est réducteur !

– Et dans la peau d’un séducteur, plutôt « Femme des années 80 » (Michel Sardou) ou « Femmes, femmes, femmes » (Serge Lama) ? 

Aucun des deux ! Je n’aurais aucune chance de séduire aujourd’hui avec ces chansons là, et tant mieux d’ailleurs !

– Plutôt « Un homme heureux » (William Sheller) ou « Un homme debout » (Claudio Capéo) ? 

Un homme heureux ! 

– Au registre gay friendly, plutôt « Comme ils disent » (Charles Aznavour) ou «Kid » (Eddy de Pretto) ? 

Kid ! Cette chanson est très puissante par le choix de son angle, de son point de vue. C’est une chanson pleine d’ironie, elle est dure et bouleversante, parce qu’il y a ce choix de parler à la place du parent, tout en faisant comprendre que c’est bel et bien le « kid » qui exprime un sentiment « d’abus ».

– Si tu devais chanter « Je suis un homme », ce serait la chanson de Polnareff ou celle de Zazie ? 

Celle de Zazie. Tout simplement parce que je trouve que cette chanson a le parfait équilibre d’un texte « engagé » – et on sait à quel point il est difficile d’en écrire – et une mélodie imparable.

– Quelles devraient être les qualités de la femme idéale ? plutôt « je serai douce » (Barbara) ou « Libertine » (Mylène Farmer) ? 

Plutôt « Sauvage, amoureuse », titre à venir de Blondino !

– Quel type de femme n’aurait aucune chance de te séduire ? 

Une femme manquant de répartie, de répondant, de caractère tout simplement. 

– Accepterais-tu d’être un homme au foyer, si ta compagne était artiste, par exemple  ? 

Je ne crois pas, non. Mais je n’accepterais pas non plus l’inverse ! Le déséquilibre d’emblée serait impossible à vivre. 

– Épouserais-tu sans problème une femme de 20 ans ta cadette, comme beaucoup de Rockstars ? 

Absolument pas ! 

– Et de 20 ans ton aînée ?

Beaucoup plus !

– Quelle est pour toi la plus belle déclaration d’amour, jamais chantée par un homme à une femme ? 

« Au Café du Canal » de Pierre Perret. C’est une chanson magique. D’une tendresse et d’un amour absolu.e.s. Les images qui traversent le morceau sont immédiates, on sent, on touche, on vit la scène avec lui.

– Quelle chanson du répertoire masculin est « la chanson de votre vie » ? 

Et bien celle-là justement !

– Celle que vous trouvez inchantable par une femme ? 

Aucune. On peut tout chanter !

– question subsidiaire : dans la peau d’un garçon, que diriez-vous à EMILIE, pour la séduire ? 

« J’aurais adoré être une femme pour te séduire » 😉

Merci infiniment, vous êtes musique !

Propos recueillis par Eric Chemouny

Photos : Alexandre Attias (DR)