SHEILA

de A à Z

De l’icône Yéyé claironnant joyeusement « L’école est finie », à la star Disco de « Spacer », on a tous en nous quelque chose de Sheila… Figure populaire incontournable de la variété française et de l’âge d’or de la télévision, recordwoman des ventes de disques en France, l’éternelle battante signe à présent un des meilleurs albums de sa carrière, avec « Venue d’ailleurs », journal intime d’une idole à la fois forte et fragile, ayant traversé la tête haute toutes les joies, mais aussi les rudes épreuves d’une vie de femme et d’artiste. Alors qu’elle fêtera ses 60 ans de carrière les 11 et 12 novembre 2022 à Pleyel, nous lui consacrons, avec toute l’affection et le respect qu’elle mérite, le portait de A à Z de ce numéro…

A comme Annie : avant d’être Sheila, elle est Annie, son vrai prénom. Annie Yvonne Jeanne Gisèle Chancel est née le 16 aout 1945 à Créteil.

B comme « Bang Bang » : un des tubes les plus importants de sa carrière à double titre (au moins). Tout d’abord, parce que c’est l’un de ses plus grands succès, adaptation d’une chanson écrite par Sonny Bono en 1966 chantée par Cher, « My Baby Shot Me Down », puis par Nancy Sinatra (entre autres), chantée aussi en italien par Dalida, mais c’est la version de Sheila qui est la plus reprise, par Jacno et Mareva Galanter notamment. C’est aussi celle que François Ozon choisit pour illustrer son court-métrage « Une robe d’été » en 1996, qui la remet au goût du jour. Ensuite, c’est le titre du premier film de Sheila en tant qu’actrice, réalisé par Serge Piolet, dans lequel elle chante notamment « L’heure de la sortie » et « Tu es toujours près de moi ».

C comme Carrère, Claude : le célèbre producteur découvre Annie Chancel alors accompagnée des Guitares Brothers. Il lui donne le nom de Sheila, également titre de son premier tube, façonne son look de petite fille sage (chemisier blanc, jupe à carreaux et couettes nouées) conforme à des chansons dans lesquelles peuvent s’identifier les adolescentes… D’abord au sein de Philips, puis de sa propre maison de disques Carrère, il lui fait signer un contrat d’exclusivité de 20 ans au bout desquels elle partira, se considérant exploitée et sous pression. Tandis qu’il la préfère en studio ou sur les plateaux TV dans le rôle de la chanteuse populaire, Sheila affiche d’autres ambitions artistiques et rêve plutôt de scène et de concerts.


D comme Disco : Après avoir été l’une des égéries des Yéyé, Sheila disparait aux Etats Unis et revient incognito, métamorphosée en reine du Disco. Elle inscrit avec son groupe SB Devotion une série de tubes qui feront le tour du monde : « Love me Baby » en 1977, puis « Singin’ in the Rain », « Glori, Gloria » mais surtout « Spacer ». Démasquée par ses fans pour sa voix si familière et identifiable même en anglais, elle redevient rapidement Sheila.

E comme Ecriture : Sheila chante, peint, sculpte, mais Sheila écrit aussi. Elle a publié plusieurs livres, quasi tous autobiographiques comme « Sheila par Sheila » en 1967, « Chemin de lumière » en 1993, « Et si c’était vrai  » en 1995, « La captive » en 1997, « Ne vous fiez pas aux apparences » en 2003, « Danse ta vie » en 2013 et « Les Bonheurs de la vie » en 2016.


F comme Femme d’engagements :
au fil de sa carrière, Sheila a toujours répondu à l’appel des grandes et nobles causes. Pour aider l’Ethiopie, elle participe au concert caritatif historique organisé à la Courneuve le 13 octobre 1985. Elle soutient l’association Care France Femmes du Monde créée par Marie-Claire Noah. Pour venir en aide aux femmes du Sahel, elle enregistre avec d’autres chanteuses « La chanson de la vie » à l’appel d’Alice Dona. Pour la lutte contre le SIDA, elle s’engage dans l’association ELCS (Élus locaux contre le sida) aux côtés de Jean-Luc Romero dès 1995. Elle est présente pour SOS Homophobie avec le collectif Les Funambules et dernièrement, en 2020, pour les soignants, aux côtés d’Anne Roumanoff.


G comme Guitares Brothers : en 1961, elle s’appelle encore Annie Chancel quand elle rejoint les Guitares Brothers, un groupe de Rock fondé par les frères Desplanches. Ils vont se produire partout où ils le peuvent dans l’espoir de percer, reprenant des titres des Chats Sauvages ou de Petula Clark. C’est avec eux qu’elle chante devant Claude Carrère et Jacques Plait qui lui proposent un contrat d’artiste.


H comme Hits : avec près de 400 chansons enregistrées, Sheila signe des tubes qui restent encore aujourd’hui des incontournables de la chanson française. Dans le désordre, « L’école est finie », « Les Rois Mages », « L’heure de la sortie », « Bang Bang », « Petite Fille de français moyens » « Hôtel de la Plage », « L’arche de Noé », « Patrick, je t’aime », « Quel tempérament de feu », « Vous les copains », « Le folklore américain » , « Première surprise-partie » et la liste est encore longue…


I comme Instagram :
C’est via Instagram que Sheila va beaucoup communiquer avec ses fans durant les confinements : elle y organise son « Sheila Tea Time » virtuel tous les dimanches pour garder le lien avec son public. Elle répond aux questions des internautes, se livre sur elle-même, donne des conseils ou des infos utiles sur ses projets à venir.


J comme Jubilé :
en 2012, Sheila fête son jubilé (50 ans de carrière) sur la scène de l’Olympia à Paris les 21, 22 et 23 septembre 2012 dans un spectacle intitulé « Ce soir, c’est notre anniversaire » puis sort l’album « Solide ».


K comme « King of the World » : Le titre de son premier album américain composé par le groupe Chic et son leader Nile Rodgers ainsi que Bernard Edwards, lui ouvrant les portes d’une carrière internationale en pleine période Disco. Il contient le mégatube planétaire « Spacer » (sorti l’année d’avant) qui se vend à plus de 5 millions d’exemplaires dans le monde. L’album est réédité en 2020 par Warner Music dans une version enrichie de raretés et de remixes.


L comme Ludovic :
Ludovic, son fils unique nait le 7 avril 1975 à la clinique Spontini à Paris 16ème. Sa vie, étalée dans la presse, depuis le jour de sa naissance n’a jamais été simple et même plutôt tumultueuse jusqu’à sa disparition le 8 juillet 2017, à l’âge de 42 ans, laissant derrière lui une fille unique, Tara-Rose. Bien au-delà de la relation compliquée avec son fils, Sheila lui témoigne l’amour d’une mère et lui dédie « Cheval d’amble », une chanson bouleversante qui figure sur son dernier album « Venue d’ailleurs ». Ludovic est le fruit de la relation entre Sheila et Ringo qui s’étaient marié le 13 février 1973 dans un brouhaha historique avec Claude François, l’ami fidèle de Sheila, pour témoin. Si Sheila et Ringo forment le couple d’idoles idéal aux yeux des français, c’est beaucoup plus houleux en coulisses et ils divorcent le 30 novembre 1979 et coupent ensuite totalement les ponts. Au-delà de leur mariage, ils enregistrent le tube « Les Gondoles à Venise » qui sort 3 jours seulement après s’être dit « oui ».

M comme Martin, Yves : Le 15 février 2006 à Saint Jean de Luz, Sheila épouse en seconde noce Yves Martin, artiste et producteur, qu’elle rencontre en 1983. Ensemble, ils continuent d’écrire la carrière de Sheila et créent notamment « Marshe », le label qui lui permet de quitter définitivement Carrère et de s’émanciper artistiquement. Yves Martin débute sa carrière comme choriste pour Gérard Lenorman ou encore Dave dans les années 70 puis comme auteur. Il écrit pour Sheila comme pour lui-même mais marque aussi l’histoire de la télévision en signant une collection de génériques de séries cultes qui marqueront la télévision française parmi lesquels « Dallas », « Starsky & Hutch », « L’amour du risque », « Goldorak 82 » ou encore « Ulysse 31 » sous le nom de Lionel Leroy. Sheila et Yves Martin se séparent en 2016 mais resteront toujours très proches. Après des problèmes de santé répétés, Yves Martin s’est éteint au moment où nous préparions ce dossier, le 18 Juin dernier. C’est Sheila qui a annoncé sa disparition dans un message posté sur Facebook : « C’est le cœur plein de chagrin que je vous écris. Yves nous a quittés ce week-end. Il est parti discrètement, comme il avait choisi de faire sa vie. En grand épicurien, son talent, sa musique, ses fous rires, ses excès, ont animé plus de 25 ans de ma vie« .


N comme Noir : derrière son profil de « Petite fille de français moyen », Sheila affirme une personnalité libre et engagée, beaucoup plus audacieuse qu’il n’y parait. En 1971, elle reçoit le prix assez improbable de la chanson anti-raciste de 1971 avec le titre « Blancs, jaunes, rouges, noirs » remis par la LICRA, à une époque où trop peu de diversité s’affiche dans les médias et sur les ondes. Mais c’est surtout en avançant masquée avec SB Dévotion, qui signifie littéralement Sheila Black Dévotion, qu’elle se retrouve montrée du doigt pour s’afficher avec Dany Mac Farlane, Freddy Stracham et Arthur Wilkins : elle est « une blanche au milieu de trois noirs » quand elle revient en France en pleine vague Disco. De 1977 à 1980, ses tubes imparables et mondiaux sont sans doute sa meilleure réponse face à ce torrent de réactions racistes.   

O comme Olympia : c’est sur la scène mythique de l’Olympia, en octobre 1989, à l’issue de 12 représentations, que Sheila annonce sa volonté de mettre un terme à sa carrière de chanteuse (ce qu’elle fera pendant 9 ans). En larmes, elle reprend la chanson de Serge Gainsbourg « Je suis venu te dire que je m’en vais » dont les images touchantes font encore aujourd’hui le tour des émissions de télévision, même si, elle est depuis revenue sur le devant de la scène, y compris dans cette salle historique pour fêter ses 40 ans de carrière.


P comme Prix : on ne compte pas le nombre de disques d’or obtenus durant son exceptionnelle carrière ni le nombre de prix reçus, au-delà même de nos frontières. Parmi eux, le Grand Prix du disque de l’Académie Charles-Cros (1964), l’Oscar de la popularité RMC (1966), le Trophée du Billboard en tant que meilleure vendeuse de disques en France (1967), la Note d’Or de la Chanson pour « Les Rois mages » (1971), le Prix de la chanson anti-raciste de l’année décerné par la Licra pour « Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs » (1972), la Coupe des juke-box des Arènes de Vérone (1978) ou encore le Life Achievement des Murex d’or (2016). En 2013, la France couronne sa carrière aux Victoires de le Musique avec une Victoire d’honneur pour ses 50 ans de carrière. En 1970, elle est faite Officier de la Société académique Arts-Sciences-Lettres, puis Chevalier de la Légion d’honneur par le Président de la République Jacques Chirac en 1997 ou encore Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2018.


Q comme Quarante-cinq tours :
Sheila serait l’artiste féminine française qui a enregistré le plus de tubes entre 1963 et 1982, ce qui bien entendu entraîne des records de ventes de 45 tours. On parle de 40 millions, 50 voire 70 millions de disque vendus, selon les sources et les références (et honnêtement difficile de le savoir précisément)… Si la plupart de ses chansons sont en français, Sheila enregistre aussi dans d’autres langues, en anglais, en allemand, en espagnol ou encore en italien. Au total, ce sont près de 100 singles qui sortent sur le marché mais aussi 27 albums studio et 6 albums live.


R comme Rodgers, Nile : c’est durant son exil américain qu’elle rencontre Nile Rodgers, leader du groupe Chic, lequel transforme l’idole des Yéyé en reine du Disco grâce à des titres ultra efficaces qui feront danser la terre entière. Ils sont, depuis, restés des amis fidèles. Sheila reconnait en lui son « âme sœur » et si chacun vit d’un côté de l’océan Atlantique, ils se retrouvent régulièrement, comme sur la scène de Pleyel en 2018 ou encore récemment sur son dernier album, « Venue d’ailleurs ».

S comme Sheila : le nom d’artiste que lui donne Claude Carrère d’après le titre de son premier 45T solo en 1962, adapté d’un hit de Tommy Roe, suivi de l’EP « Jolie petite Sheila ». Au même moment, Lucky Blondo chante aussi une Sheila qui lui fait de l’ombre. Sheila est déclinée en posters, lignes de vêtements, produits de beauté, chocolats, etc. jusqu’au « Club Sheila » et le « Journal de Sheila » destiné aux fans les plus assidus. En partant aux Etats Unis, Annie Chancel souhaite gommer Sheila mais de retour en France sous le nom de groupe SB Dévotion, elle sera démasquée par les auditeurs et reprendra son pseudonyme Sheila.

T comme Télévision : comme toutes les idoles, Sheila est une star du disque mais aussi de la télévision, faisant les beaux jours du petit écran : des grandes émissions de variétés de l’époque, à celles d’aujourd’hui, de Michel Drucker aux Carpentier, de « Danse avec les Stars » (2011) à « Mask Singer » (2019), Sheila se prête à tous les jeux et toutes les situations. A la télévision elle est tour à tour chanteuse, mais aussi animatrice, sur l’émission « Coups de Cœur » (A2, 1990) ou encore aux côtés de Dave pour « SLC » durant l’été 1996 (TF1). Elle joue également la comédie dans un épisode de la série « Van Loc » (1994).


U comme Une : toute la vie de Sheila aura été étalée en une des magazines, depuis ses débuts, alors en pleine adolescence. Celle qui n’a pratiquement jamais connu l’anonymat, a vu sa vie intime et très privée, avec ses bonheurs et ses drames, relatés dans tous les kiosques à journaux : de l’innocent « Salut les copains » où elle joue le jeu avec Jean Marie Périer, à la presse à scandale qui n’hésite pas à écrire et souvent inventer les pires horreurs sur elle, le phénomène Sheila aura alimenté l’ensemble de la presse pour le meilleur et souvent le pire. C’est en partie à cause de cette pression médiatique qu’elle s’envole pour les Etats Unis où elle retrouve le bonheur de redevenir anonyme.


V comme « Venue d’ailleurs » : précédé en juin 2020, d’un premier extrait sorti en digital, « Septième continent » dans une version différente de la version album, puis du single « Tous Yéyé » le 19 avril 2021, « Venue d’ailleurs » se révèle être l’album le plus intime de Sheila. Sorti le 2 avril 2021, elle y chante son histoire, ses blessures, ses joies et ses peines aussi, entre piano-voix et Disco, entre rythmes Pop et mélodies mélancoliques. Parmi les 11 chansons, « La Rumeur », sans doute la plus belle de cet opus, raconte comme celle-ci a été le poison de sa vie et comme elle peut détruire encore aujourd’hui. En 1964, Sheila a 18 ans et tandis qu’elle soigne une anémie par des traitements hormonaux, les journaux font courir le bruit qu’elle serait un homme. C’est sans doute l’une des légendes urbaines les plus persistantes du show business. En 1975, elle va jusqu’à filmer son accouchement pour tenter de s’en défaire, certains médias la soupçonnant de simuler sa grossesse en portant un coussin sous ses vêtements.


W comme Wolfgang : un prénom que l’on retrouve dans le titre de l’un de ses albums « Les sommets blancs de Wolfgang » sorti en 1980, extrait de l’album « Pilote sur les ondes ».


X comme Classé X : si Sheila a toujours refusé de poser nue, elle a été l’objet de tous les fantasmes dont celui du peintre illustrateur et sculpteur Alain Aslan (1930-2014) dont l’un des talents est de dessiner des pin-up et des idoles dénudées. Il œuvre notamment pour le célèbre magazine de charme « LUI ». Pour son numéro 75, paru en avril 1970, il publie une série classée X dans laquelle il déshabille sous son coup de crayon, les icônes des Yéyé comme Françoise Hardy, Sylvie Vartan, France Gall, Mireille Mathieu et Sheila, qui se retrouve allongée dans le plus simple appareil, en double page.


Y comme Yéyé : Sheila est l’une des idoles Yéyé aux côtés de ses amis Françoise Hardy et Claude François, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan. Sous l’œil de Jean-Marie Périer qui immortalise cette période et ses modèles pour toute une génération, elle se glisse dans tous les rôles pour des photos ludiques destinées aux pages de « Salut les Copains ». On la retrouve sur la photo de classe la plus emblématique et la plus célèbre des années 60 aux côtés de ces chanteurs et chanteuses qui peu à peu dépoussièrent la variété française pour une jeunesse en pleine révolution. Dans les années 2000, au sein de la tournée « Age Tendre », elle reprend devant son public resté fidèle quelques-uns des tubes qui auront marqué cette décennie d’émancipation, à laquelle elle fait un clin d’oeil sur son dernier album avec le titre « Tous Yéyé ». Dans ce clip composé des dessins d´Olivier et Marc-Antoine Coulon, elle parcourt les images dessinées de sa vie.


Z comme Zenith :
après un nombre incalculable d’émissions en studio où elle chante la plupart du temps en playback, Sheila est attendue au tournant lorsqu’elle monte sur la scène d’une toute nouvelle salle de spectacle parisienne quasi révolutionnaire (et qui aurait dû être éphémère !) : le Zénith (inauguré par Renaud l’année précédente). Elle y donnera 17 représentations en 1985, soit une des plus longues résidences à ce jour dans cette salle. Si elle a vu un peu grand, et n’affiche pas complet tous les soirs, son concert avant-gardiste et ultra moderne aura définitivement marqué les années 80 et la mémoire de ses nombreux fans.

Un dossier réalisé par Gregory Guyot

Photos : DR // albums et singles covers originaux DR