L’interview

« Comme un garçon »

de KATEL

Auteure-compositrice-interprète et productrice, Katel est résolument une artiste à part dans le paysage musical français. Co-fondatrice du Label Fraca avec Robi et Émilie Marsh, l’infatigable chercheuse de sons nouveaux défend la place des femmes dans l’industrie de la musique en s’engageant dans des programmes de mentorat comme Mewem, mais aussi au sein de la commission à l’égalité Femmes-hommes à la SACEM, ou encore dans le cadre de nombreux ateliers et conférences. Alors qu’elle vient de publier « Rosechou », un hymne Queer, merveilleusement Pop, provocateur et dansant à souhait, s’imposant comme un avant-goût prometteur de son album « Mutants merveilles », la militante des droits LGBTQIA+ s’est forcément prêtée avec un plaisir non dissimulé à notre interview mi-rose, mi-chou…

Étais-tu « Garçon manqué » (La Maison Tellier) dans ton enfance ?

On me l’a beaucoup dit, mais ça n’avait aucun sens pour moi. Je me sentais plutôt “ fille réussie” , c’est-à-dire une fille qui se sent libre de faire ce qu’elle veut, et a une aversion totale pour tous les clichés liés au statut de fille !

Jouais-tu plutôt à « Toi le Cowboy, moi l’indien » (Zazie) ou « Barbie, tu pleures » (Lio) ?

Très clairement à “Toi le cowboy, moi l’indien”. Je n’ai pas eu de poupée et encore moins de Barbie, autant dire que dans les familles d’instits de gauche ce n’est pas exactement le genre de cadeau que l’on reçoit… J’adorais jouer au foot à la récré et c’était mon premier terrain de lutte. Pas avec les garçons, qui n’ont jamais fait autre chose que de m’accueillir. Mais en CE1, alors que je m’étais mise à jouer torse nu comme eux (sans qu’aucun garçon ne me fasse la moindre remarque, vive les enfants), la directrice m’est tombée dessus en me demandant, à moi seule, de remettre un tee-shirt. J’ai refusé et j’ai été punie. C’était une de mes premières sensations de fierté immense, celle de la résistance. Un peu plus tard, j’ai voulu intégrer un club et j’ai été refusée, car j’étais une fille. C’était cette fois une sensation d’injustice et un sentiment de révolte mélangés qui ne m’ont plus jamais quittée.

T’arrive-t-il de te dire « Si j’étais un homme… » (Diane Tell) dans ton métier de chanteuse ? Dans quelles circonstances ?

Plutôt dans mon métier de réalisatrice d’albums. Si j’étais un homme, je suis convaincue qu’on m’aurait bien plus sollicitée, et plus vite.

Si tu étais un homme justement, quel chanteur français serait votre modèle ?

J’ai du mal avec la notion de modèle, mais disons que j’admire en général les artistes qui ont cherché à se renouveler sans cesse, tout en gardant une ligne forte. En France, Bashung ou Gainsbourg.

Quel chanteur international ?

Dans la même idée, Paul Mc Cartney, Marc Hollis, Prince.

Ferais-tu un style de musique différent ?

Ma grande joie c’est de faire des styles de musiques différents, donc j’imagine que je ferais pareil !

Dans les 60’s, aurais-tu été davantage séduite par la sexy Sylvie (comme Johnny), ou la cérébrale Françoise (comme Jacques) ?

Ni l’une, ni l’autre : elles renvoyaient trop, chacune dans leur genre, l’image de la soumission à l’homme de leur vie, et ça, ce n’est pas sexy du tout. Mais au-delà de ces deux chanteuses, je ne crois pas au sexy sans le cérébral, alors que je trouve le cérébral toujours sexy au contraire.  

Avec quelle chanteuse aimerais-tu enregistrer un duo d’amour sulfureux comme «Je t’aime moi non plus » (Gainsbourg / Birkin) ? 

Je le ferais plutôt avec un gay, qui se chargerait des gémissements, pendant que je prendrais le même air, sûr de mon action. Et puis on rigolerait à la fin, en sachant que c’est quand même une vaste blague cette vision du sexe.

Dans la peau de Gainsbourg, quelles actrices actuelles aimerais-tu faire chanter ?

Virginie Efira. 

Accepterais-tu de changer de sexe pour les besoins d’une pochette comme Gainsbarre sur « Love on The Beat » sans craindre pour ton image ?

En garçon oui, mais pas en fille.

Si tu devais faire une reprise jouant sur l’androgynie aujourd’hui, plutôt « Comme un garçon » (Sylvie Vartan) ou « Sans contrefaçon » (Mylène Farmer) ?

« Sans contrefaçon ». C’était quelque chose quand c’est sorti !

Et dans la peau d’un séducteur, plutôt « Femme des années 80 » (Michel Sardou) ou « Femmes, femmes, femmes » (Serge Lama) ?

Un séducteur ? Je ne vois ici que deux libidineux qui chantent deux chansons atroces à tous les niveaux !

Plutôt « Un homme heureux » (William Sheller) ou « Un homme debout » (Claudio Capéo) ?

William, sans hésitation.

Au registre gay friendly, plutôt « Comme ils disent » (Charles Aznavour) ou «Kid » (Eddy de Pretto) ?

“Comme ils disent”, sans hésitation.

Si tu devais chanter « Je suis un homme », ce serait la chanson de Polnareff ou celle de Zazie ?

Zazie, pour la mélodie. 

Quelles devraient être les qualités de la femme idéale ? Plutôt « je serai douce » (Barbara) ou « Libertine » (Mylène Farmer) ?

Douce ou libertine, ce sont encore deux images, vues de l’extérieur, qui la réduisent à deux clichés et à deux faces de la même pièce. La femme n’est jamais idéale, heureusement ! Et elle peut bien être ce qu’elle veut, quand elle veut, tant que c’est elle qui le veut vraiment ! 

Quel type de femme n’aurait aucune chance de te séduire ?

Une femme de droite.

Accepterais-tu d’être un homme au foyer, si ta compagne était artiste, par exemple  ?

Jamais de la vie !

Épouserais-tu sans problème une femme de 20 ans ta cadette, comme beaucoup de Rockstars ?

Il se passe tellement de chose en 20 ans dans une vie, que je crois que le décalage est trop grand à priori. Mais je vois des couples pour lesquels ça marche très bien. 

Et de 20 ans ton aînée ?

Il se passe tellement de chose en 20 ans dans une vie, que je crois que le décalage est trop grand à priori. Mais je vois des couples pour lesquels ça marche très bien.

Quelle est pour toi la plus belle déclaration d’amour, jamais chantée par un homme à une femme ?

“Ton style” de Léo Ferré. Le fossé avoué, l’échec intrinsèque, la violence et la résistance du cœur.

Quelle chanson du répertoire masculin est « la chanson de ta vie » ?

“La mémoire et la mer” de Léo Ferré. “A Day in a Life” des Beatles.

Celle que tu trouves inchantable par une femme ?

Malheureusement, chanter une grande partie du répertoire français masculin, en étant une femme, est un bon exercice pour mesurer son degré de misogynie, de domination ou d’abus de tous les pouvoir. Et constater, pour ceux qui en douteraient encore, qu’il n’y a pas eu besoin d’attendre l’arrivée du Rap pour ça.

Question subsidiaire : dans la peau d’un garçon, que diriez-vous à KATEL, pour la séduire ?

« Salut, tu viens souvent ici ? ». Imparable !

Propos recueillis par Eric Chemouny

Photos : Muriel Thibault (DR / Fraca! label)

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