MARIE LAFORÊT intime

par CAROLE BELLAÏCHE

Entre autres modèles prestigieux, Carole Bellaïche a eu le privilège de photographier l’immense Marie Laforêt, le temps d’une séance unique mais si réussie et éblouissante, qu’après avoir illustré le livret de son intégrale discographique, une de ses photos a été choisie en couverture du livre posthume de la chanteuse-actrice qui vient de paraître : « Nous n’avons pas d’autre choix que de croire » (Ed. Michel Lafon). La photographe se rappelle sa rencontre, chez elle et en toute simplicité, avec la star disparue il y a tout juste un an…

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– Comment as-tu réagi quand tu as appris que le livre posthume de Marie Laforêt était illustré d’une de tes photos ?

J’en ai été très surprise et très heureuse, parce que j’ai toujours beaucoup aimé Marie Laforêt. Par rapport à la plupart de ses fans, je suis peut-être de la génération d’après, mais pour autant, j’ai toujours adoré ses chansons. J’aime beaucoup cette photo qui a été retenue, même si elle a été un peu recadrée par rapport au format d’origine pour les besoins de la couverture, parce qu’on y retrouve Marie telle qu’elle était, c’est à dire un peu dingue… C’était une femme très drôle, très vivante et vraiment étonnante. Elle osait des choses, sans être rigide ou prisonnière de son image. Je crois qu’elle aimait beaucoup s’amuser, avant toute chose…

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– Où et dans quelles circonstances ont été réalisées ces photos ?

J’ai réalisé cette séance en 2005 pour l’agence H et K, pour laquelle je travaille. Nous étions chez elle à Paris, rue Greneta, dans le quartier Montorgueil. Ma soeur travaillait avec moi sur le stylisme. Elle m’a rappelé dernièrement que nous étions en été, et qu’il faisait très très chaud. L’équipe, composée des maquilleur, coiffeur et styliste, était épuisée par la chaleur, mais Marie était en pleine forme. Elle avait une énergie débordante et cela se voit sur les photos. On a d’abord fait des photos à dominante très blanche, où elle est allongée, avec ses beaux yeux qui ressortent… Ensuite, on a aussi réalisé une partie de la séance sur sa terrasse, sur laquelle elle avait étendu des draps blancs pour rafraîchir l’appartement et installer un décor qui rappelle l’ambiance du film « Une journée particulière». On s’est amusées à faire des photos d’elle entre les draps. Elle portait une robe blanche aussi. C’était très beau… Elle avait vraiment envie de cette image de chaleur au milieu de draps blancs.

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– On la voit aussi très naturelle, en extérieur dans le quartier Montorgueil à Paris…

En effet. Après ces premières photos, la nuit commençait à tomber et on est descendues dans la rue. Elle s’est amusée à faire des photos sur une trottinette, dans un café, avec son chien, ou marchant dans la rue… C’était très joyeux, très vivant et les images qu’il en reste sont très belles : j’adore travailler comme cela, faire des images dans la rue, comme si les photos étaient volées. Le résultat est toujours très beau, surtout avec une personnalité aussi connue que Marie Laforêt, dont le visage reste si iconique… Ça a très bien fonctionné entre nous, mais il faut dire qu’elle était si drôle…

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– C’est vrai que cette photo d’elle sur la trottinette est assez inattendue et inhabituelle…

Dans la vraie vie, elle était moqueuse et beaucoup dans la dérision et l’humour. C’est une femme qui avait de l’expérience et je pense qu’elle avait assez de recul sur elle-même pour se permettre ce genre de choses…

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– C’était votre première rencontre ?

Absolument, et malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de refaire une séance avec elle. Je suis simplement allée la voir sur scène ensuite, au théâtre des Bouffes Parisiens. C’est dommage, car j’aime bien photographier des femmes mythiques, comme l’était Marie Laforêt. En soi, ce n’est pas de photographier des femmes mûres qui m’intéresse et m’amuse, mais des femmes mythiques. C’est un pari pour moi, car ce sont des femmes qui ont déjà été beaucoup photographiées, et qui ont forcément un certain âge et promènent tout un passé, une longue histoire derrière elle… Elles sont souvent plus âgées que moi, et la relation qui s’installe n’est pas une relation de copines. Porter mon regard sur un visage comme celui de Marie Laforêt me paraissait insensé, car on avait plein de 45 tours d’elle quand j’étais enfant… La rencontrer me paraissait aussi extraordinaire que lorsque j’ai rencontré Catherine Deneuve ou Sylvie Vartan. Ce sont des mythes pour moi et j’aime cette idée de mythe… 

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– Avez-vous préparé la séance ensemble ?

Pas spécialement, on avait discuté de la séance avant, bien sûr, mais pas dans les détails : on s’était juste entendues sur le fait d’organiser la séance chez elle. C’était un grand honneur pour moi, et ça rendait les choses plus simples. C’est très rare, car en général, les gens n’aiment pas qu’on les photographie dans leur intérieur… Mais Marie s’en foutait ; ça n’avait aucune importance pour elle. Elle a même laissé la maison en l’état, et s’est montrée très accueillante… C’était très bien comme ça finalement.

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– As-tu perçu un sens de l’image particulier chez elle, hérité de son passé d’actrice ?

Pas particulièrement. Je dirais que ce n’est pas la chanteuse ou l’actrice qui a laissé son empreinte sur la séance, mais plutôt la femme qu’elle était, dotée d’une très grande personnalité. Elle n’entrait dans aucune case… Je la voyais surtout comme une femme qui avait vécu plein de choses et j’étais très impressionnée.

– Elle fait partie des rares chanteuses de sa génération à avoir contractuellement pu contrôler toutes les photos de ses pochettes disques…

Je veux bien le croire… C’est certain qu’elle surveillait quand même un minimum son image : cela se ressentait pendant la prise de vue, car elle avait une vraie vision et un sens artistique, qui l’ont conduite à me suggérer des choses. C’est elle qui a eu l’idée par exemple de se glisser entre les draps, de monter sur la trottinette… Le fait de faire des photos chez elle lui a aussi permis de se sentir rassurée, tout en apportant une touche plus personnelle. Mais pour le reste, elle m’a fait totalement confiance…

Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

– Tu es très proche du milieu du cinéma : connais-tu sa fille Lisa Azuelos, réalisatrice de films à succès comme le biopic « Dalida », « LOL » ou « Comme t’y es belle » ?

Non, je photographie beaucoup d’actrices et de gens de cinéma, mais je ne l’ai jamais rencontrée… Je connais ses films bien sûr, mais j’ai oublié que c’était la fille de Marie Laforêt… Tu dois mieux connaitre que moi ces histoires de filiation. C’est là qu’on voit que je ne suis pas journaliste ! (rires).

Propos recueillis par Eric Chemouny

Photos : Marie Laforêt par Carole Bellaïche (DR / Agence H & K)La reproduction même partielle est strictement interdite sans l’autorisation des ayant-droits.


Photo de Marie Laforêt en 2005
©Carole Bellaïche ©H&K

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