La GALERIE JSM de
YANN ZITOUNI
Grand spécialiste des musiques à la Radio Télévision Suisse, le journaliste et homme de radio Yann Zitouni est également un photographe de talent, dans l’objectif duquel de nombreux artistes, toutes générations confondues, se sont laissés capturer. Nous avons choisi de lui consacrer la galerie JSM de ce numéro…

L’INTERVIEW
– Tu travailles actuellement pour la RTS, dont tu es une des grandes figures : quel a été ton parcours de journaliste ?
J’ai fait de la radio, essentiellement musicale, toute ma vie. J’ai travaillé à Montpellier, à Londres et je suis installé à Lausanne à présent, depuis dix-sept ans. Je travaille en effet à la RTS, dans le service public, où j’ai occupé divers postes : pour te situer la RTS, c’est comme si Radio France rencontrait France Télévisions… (rires). Je viens de changer de responsabilités depuis trois mois, et je suis dans une phase de stabilisation de mes nouvelles missions, pour lesquelles je suis moins en contact avec les artistes. Les occasions de faire des portraits en fin d’interviews, comme j’ai pu le faire avec Eddy de Pretto ou Oxmo Puccino, risquent de se faire plus rares…
– Certaines rencontres musicales t’ont-elles marqué plus que d’autres ?
Celle qui me vient à l’esprit est forcément David Bowie, que se situe très haut sur l’échelle du wow ! (rires). Mais certains artistes moins connus m’ont tout autant marqué…
– As-tu contribué à en faire connaitre certains auprès du public suisse ?
Non, je n’ai pas cette prétention. En revanche, puisqu’on parle de jeunes talents, je suis fier d’avoir réalisé la pochette de l’album de Phanee de Powl, qui a été numéro 1 en Suisse ces dernières semaines.
– Comment es-tu venu à la photographie ?
C’est un long processus qui est loin d’être fini : Je fais de la photographie depuis très longtemps, mais ces dernières années, l’envie d’en faire davantage a grandi. Il faut que je m’en donne encore plus les moyens, en termes de disponibilité. J’ai toujours été intéressé par l’image et le plaisir de faire des photos. Mon intérêt, mon exigence, le temps que j’y consacre, n’ont fait que grandir depuis trente ans.

– Tu as la particularité de faire autant de portraits que de photos Live : à choisir, que préfères-tu ?
Le portrait, sans aucun doute. Le Live, c’est super dur… J’ai l’impression que les photos de scène sont toujours moins surprenantes. Des gens comme Claude Gassian en ont fait le tour. C’est difficile de faire mieux. De même, l’américain David Bergman, qui est plus ou moins le photographe officiel de Bon Jovi, est très bon techniquement, mais on a toujours l’impression de voir des mecs qui sautent en l’air et qui transpirent. Le photographe de scène est toujours tributaire de la topographie du lieu, sauf à avoir un pass super VIP pour être quasiment sur scène avec l’artiste. En général, il se trouve dans la fosse, avec d’autres photographes accrédités, et sa marge de manœuvre est réduite. Tous les photographes saisissent le même moment un peu spectaculaire, et tout finit par se ressembler… Je me rappelle avoir bénéficié d’un pass photo à Montreux, où était programmée Angèle. Je ne savais pas du tout qui elle était à l’époque. C’est d’une difficulté incroyable de photographier les artistes sur scène… Cela ne m’a pas donné envie de continuer, à part pour le côté challenge, car les conditions de travail sont très difficiles. Mais quand je regarde mes photos de concert, je suis rarement satisfait.
– Dans l’idéal, qui aimerais-tu faire poser devant ton objectif ?
Tout artiste qui aurait envie de s’abandonner, et de jouer avec l’objectif. C’était le cas de Da Silva, dont j’ai fait le portrait en 20 secondes chrono. Il était venu dans mon émission, et je lui ai montré un de mes objectifs, que je trouve incroyable et auquel je tiens beaucoup. C’est un très bel objet. Il s’intéresse beaucoup à la photographie, et a commencé à regarder à travers. Impressionné, il a commencé à faire des photos, avant que je lui retire des mains, pour le photographier lui-même : il a immédiatement pris la pose, en se cachant derrière ses mains tatouées… J’ai adoré chez lui cette envie de jouer. Je n’ai pas toujours rencontré ce moment magique avec d’autres artistes. Pour d’autres raisons, j’ai beaucoup aimé photographier Enrico Macias également : je venais de passer une heure en émission avec lui, avant de lui proposer de faire une photo. J’avais installé le matériel, au cas où, sans savoir s’il serait d’accord. La façon dont il a posé, en souriant et en inclinant les épaules, m’a touché par son côté un peu désuet et old school, un peu comme s’il était au studio Harcourt… Ce réflexe et ce professionnalisme racontent toute une époque qui me touche beaucoup…

– La musique n’est pas ton seul centre d’intérêt en photographie, à en croire ton compte Instagram…
En effet, on y trouve d’autres sujets d’intérêt comme le Japon ou les paysages. Je suis en train de sortir d’une phase, pendant laquelle je m’inquiétais de ne pas avoir d’identité visuelle assez forte, en photographie, comme c’est le cas par exemple de Gilles Vidal, auquel vous avez consacré une galerie, et dont les portraits sont toujours très identifiables, sous-exposés avec une lumière qui n’est pas uniformément répartie. Je me suis récemment libéré de cette interrogation, grâce à Yann Orhan. C’est un photographe dont j’admire beaucoup la liberté stylistique. Quand on regarde toutes les photos qu’il a faites, on peut difficilement trouver des points communs entre elles, pour traduire son travail avec des mots. Il s’adapte à l’identité des artistes, et pourtant, son travail reste très personnel et original… Je n’ai pas l’impression qu’il se trahisse non plus : ses photos des Innocents, par exemple, n’ont rien à voir avec celles de Gaëtan Roussel. C’est admirable de faire des choses aussi intéressantes, d’être au service de ses propres envies, en y mettant beaucoup de soi, sans se poser la question de savoir qui on est artistiquement parlant… En ce moment, c’est vrai qu’il signe beaucoup de pochettes d’albums, sans pour autant les uniformiser. C’est très fort de sa part et ça me rassure sur ma propre démarche…
Propos recueillis par Eric Chemouny
LA GALERIE JSM











photos : collection personnelle Yann Zitouni / DR

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