CARLA BRUNI
La femme secrète
18 ans après la surprise provoquée par les débuts dans la musique de l’ex-topmodel, Carla Bruni continue de tracer son chemin de chanteuse et auteure-compositrice, toujours aussi sensible et inspirée… A l’occasion de la sortie de son cinquième album éponyme, nous avons rencontré chez elle à Paris, une artiste à fleur de peau, dont les chansons intimistes sur les thèmes de l’amour, du désir, de l’absence, de la mort aussi, dévoilent par touches impressionnistes une femme douce et à l’écoute, très pudique et terriblement secrète…

– Il y a sept ans que vous n’aviez pas enregistré d’album de chansons originales (« Little French Songs ») : pourquoi avoir pris tant de temps ?
C’est vrai mais j’ai enregistré « French Touch », un autre album de covers, qui m’a pris beaucoup de temps finalement. J’ai fait une tournée avec cet album, qui m’a bien occupée pendant deux ans, et s’est terminée exactement il y a un an, en novembre 2019, à Séoul. J’ai ensuite commencé à écrire ce nouvel album, si bien que j’ai l’impression d’avoir travaillé sans interruption…
– Quelle satisfaction trouve-t-on à enregistrer les chansons des autres quand on est soi-même auteure-compositrice ?
C’est une respiration et aussi un grand plaisir de chanteuse, en vérité. J’ai vraiment découvert le bonheur d’être une interprète pure, et c’était assez planant au fond. J’ai aimé faire cette tournée, qui a été assez inimaginable pour moi : je suis allée de la Corée jusqu’au Canada, en passant par l’Europe… Grâce à ce disque, de nouveaux publics sont venus à moi, et j’ai connu ce plaisir de chanter partout, devant des publics très différents.
– Le visuel et les photos de ce nouvel album vous montrent très naturelle, très simple… On a le sentiment que la chanson constitue un refuge pour vous, en réaction à vos autres vies publiques…
Oui, c’est une respiration, comme un grand plaisir, même si c’est mon métier avant tout. L’écriture surtout est un refuge, car le métier de chanteuse, et le fait de se livrer sur une scène, n’en est pas vraiment un. C’est plutôt comme une bénédiction de chanter sur scène, une sorte de miracle…
– Dans quelles circonstances ces chansons ont-elle été écrites ?
Certaines ont été écrites pendant le confinement, d’autres juste avant, à partir de fin novembre. J’ai finalement écrit jusqu’au moment d’aller en studio.
– L’album compte 17 titres dans son édition limitée. En avez-vous écrit beaucoup ? On vous sait très prolifique…
Oui, j’en ai écrit une trentaine, mais je ne suis pas si productive que cela. En fait, j’en écrit beaucoup pour rien : je les enregistre et puis finalement, je les abandonne. Je ne sais pas pourquoi. Je ne les fais même pas écouter ; je sais tout de suite que quelque chose ne va pas. Mais si je n’essaie pas de les maquetter avant, je n’arrive pas à avoir assez de distance pour voir ce qu’elles valent vraiment.
– Comment avez-vous vécu le confinement ? Comme une période propice à la création ?
J’ai beaucoup travaillé pendant le confinement, puisqu’il y avait cette perspective d’aller en studio à la sortie de cette période. On avait prévu d’enregistrer à partir du 5 mai, donc je me sentais pressée de finir d’écrire mes chansons. C’était un confinement perplexe, comme tous les confinements. C’était une situation tellement inédite, que nous étions tous étonnés de ce qui nous arrivait, mais dans mon cas particulier, elle a été très laborieuse.

– Pourquoi le choix d’Albin de la Simone à la réalisation ? Qu’a-t-il apporté de nouveau à votre univers ?
J’aime beaucoup le musicien qu’il est et sa manière de produire des chansons. J’avais envie de travailler avec lui depuis longtemps, et il a a accepté tout de suite ma proposition. C’était super. Il a apporté beaucoup d’idées, en plus de son talent et de sa grande musicalité. Je suis aussi très sensible à sa candeur enfantine, tant artistiquement que dans sa façon d’être, qui me touche beaucoup. Mais je crois que c’est le cas de beaucoup de gens qui font notre métier, de rester connectés à l’enfance.
– Pourquoi avoir aussi fait appel à Michel Amsellem pour 5 mélodies, dont le single « Quelque chose », alors que vous êtes vous-même compositrice ?
C’est vrai que d’ordinaire, j’écris 100% de mes paroles et musiques. En réalité, je n’ai pas fait appel à lui. J’enregistrais un Taratata à Lille avec Nagui, à l’invitation d’Alain Souchon et de son fils Pierre. C’était une émission dédiée à la lutte contre Alzheimer, dont ils s’occupent toujours d’ailleurs. Ils avaient invité des tas d’artistes… On était peut être trente ou quarante invités : j’ai vu tout le métier ce soir-là, de Clara Luciani à Véronique Sanson, Matthieu Chédid, ou Laurent Voulzy, justement accompagné de Michel Amsellem. On discutait dans les loges, quand Michel m’a dit qu’il avait quelques mélodies qui se prêtaient bien à ma voix de son point de vue, et il m’a proposé de me les envoyer. J’ai accepté avec plaisir, et je l’ai rappelé sans tarder, pour lui dire que c’étaient de petites merveilles. Il m’en a envoyé douze, mais je ne lui en ai pris que cinq au final. Je n’avais que l’embarras du choix… J’ai d’ailleurs écrit d’autres paroles sur d’autres mélodies qui ne sont pas sur l’album, mais qu’on pourrait peut-être offrir à quelqu’un d’autre… Ca a marché tout de suite entre nous. C’est un musicien fantastique et une personne adorable dans la vie.
– Vous avez aussi sollicité Calogero pour « Les séparés » : vos racines italiennes vous ont elles rapprochés ?
Calo, je le connais depuis longtemps. Je suis copine avec lui et avec sa femme Marie Bastide, même si je les vois trop peu à mon goût. Je l’ai tout de suite bien aimé. Je suis allée à tous ses concerts, etc. Un jour, nous avions failli faire une chanson ensemble pour mon troisième album, mais j’ai « raté » le texte, alors que la mélodie était fantastique. Il a donc repris sa mélodie, ce qui m’a mortifiée sur le coup. J’avais conservé un regret en lien avec cette chanson d’autant que j’avais écrit un texte en français, un autre en anglais, et encore un autre en italien, tellement j’étais inspirée par sa mélodie. Tout cela a fini par faire une sorte de gloubi-boulga. Je me suis alors jugée moi-même et j’ai considéré que le texte n’était pas assez bon. Quand je l’ai retrouvé quelques années plus tard, je me suis dit qu’il n’était pas si mal, bien au contraire, et je m’en suis mordu les doigts. Si bien que là, quand j’ai écrit « Les séparés », je me suis dit que c’était l’occasion de le proposer à Calo. Il a accepté et m’a immédiatement envoyé une mélodie. Il est très doué…
– Lui rendrez-vous lui la politesse sur son prochain album ?
J’aimerais beaucoup… Je lui ai proposé des textes. On verra s’il en garde un pour son prochain album. C’est un mélodiste hors-normes, vraiment magique.

– Le premier extrait «Quelque chose » renvoie à « Quelqu’un m’a dit » : est-ce un clin d’oeil volontaire ou bien ce genre de coïncidences vous échappent-elles quand vous écrivez ?
Non, pas du tout. C’est un total hasard… (rires).
– Vous chantez «Un secret » : êtes-vous de nature secrète ?
Oui, très secrète (silence).
– Quel sens donner à « Rien que l’extase » ? Avez-vous peur de la mort ?
Oui, un peu comme tout le monde, mais je ne suis pas superstitieuse au point de ne pas la chanter : je trouve même que c’est un thème inspirant. Sur « Rien que l’extase », je l’ai traitée justement sous l’angle « la mort versus l’amour et le désir ». C’est une ode à la vie au contraire, et plus que jamais.
– Vous chantez « Un grand amour » : pensez-vous qu’on puisse connaitre plusieurs grands amours dans une vie ?
Tout dépend vraiment de la durée de la vie (rires). Au moyen-âge, quand on mourait vers 32 ans, on ne devait avoir qu’un grand amour dans la vie… Peut-être qu’au XXIIIème siècle, quand on vivra très vieux, on ne pourra avoir eu que plusieurs grands amours… Je ne sais pas si c’est souhaitable d’ailleurs. Il faudra trouver des remèdes et d’autres formes d’amour…
– Votre mari Nicolas Sarkozy, est il associé au processus de création ? Quelle est sa chanson préférée sur l’album ?
Absolument, je lui fais tout écouter. il me donne son avis toujours très positif. Sa chanson préférée est « Le garçon triste ».
– Cette chanson a d’abord été enregistrée par Isabelle Boulay : pourquoi avoir eu envie de la ré-enregistrer ? N’étiez-vous pas satisfaite de sa version ?
En fait, je l’ai écrite il y a longtemps, au moment de « French Touch », l’album avec David Foster. Puis un soir d’hiver, Isabelle m’a appelée pour me demander si j’avais une chanson originale à lui proposer pour son prochain album. Je lui ai parlé de cette chanson que j’aimais beaucoup, mais que je voulais garder pour un album personnel. Elle a proposé de lui envoyer, quitte à la reprendre ensuite pour mon propre album. J’ai accepté sa proposition, me disant qu’après tout, il n’y avait pas de loi votée au Sénat ou à l’Assemblée en la matière. Ce n’est qu’une chanson ; il faut savoir rester cool et relax (rires) ! J’estime que plus une chanson est chantée, mieux c’est. Il faut se dire que la chanson est toujours heureuse d’être chantée.
– Comment est née « Le petit guépard » ?
Hmmmm ! (rires). Comment l’expliquer ? En fait, elle est née d’une idée fantaisiste qui a germé dans ma tête. Je la trouve malicieuse comme souvent les chansons animalières, parce qu’elles sont à double fond. J’aime bien ces chansons qui m’emportent ailleurs. Ce sont des petites fables. Sans vouloir me comparer bien sûr, j’ai regardé pendant le confinement ce fantastique documentaire sur Georges Brassens, dans lequel on entendait toutes ces merveilleuses chansons animalières comme « Le gorille » ou « Brave Margot ». Elles renvoient à des films comme « Max, mon amour », ou à ce film de Howard Hawks, « L’impossible monsieur Bébé ». On y voir Katharine Hepburn qui vit avec un très joli guépard très doux, alors qu’un autre guépard s’échappe, provoquant un invraisemblable méli-mélo, dans lequel Cary Grant confond les guépards… C’est un film absolument fantastique (rires). J’aime beaucoup les animaux sauvages, les félins, les fauves… J’aimais bien l’idée de cette fille qui vole un guépard, le ramène chez elle, s’y attache et doit finalement le libérer, de guerre lasse…
– Vous jouez un peu avec votre image de séductrice sur ce titre…
Non, je ne trouve pas, puisqu’il s’agit d’un animal en l’occurrence. Il n’est ici question que de fantaisie. Ce qui m’amuse justement, c’est qu’on peut tout imaginer sur ce genre de chansons…
– Si vous deviez « Partir dans la nuit », quelle destination choisiriez-vous ?
Je choisirais le Sud… Bonne idée de chanson, n’est-ce pas ? C’est inspirant le Sud… (rires).
– Oui, mais déjà chanté par Nino Ferrer… On dit souvent que tout a déjà été fait et qu’on écrit toujours la même chanson : partagez-vous cette vision de votre métier ?
Oui, c’est certain : en ce qui me concerne, j’écris toujours la même chanson. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis adressée à d’autres compositeurs, ou que je vole des poésies. On a parfois besoin de sang neuf… C’est entre autres, pour cette raison que j’ai enregistré « La mort des amants » de Charles Baudelaire, et ce n’est pas moi qui en ai composé la musique, mais mon ami Jeremy Reynolds, que j’adore. C’est le troisième compositeur, avec Michel et Calo, auquel j’ai fait appel.
– Vous avez beaucoup voyagé, tant comme topmodel que chanteuse ou première dame : quel est votre plus beau souvenir de voyage ?
Ouh la, c’est compliqué… J’ai visité tant de pays. Pour en revenir au guépard, j’ai fait un safari de 48 heures dans une réserve naturelle immense en Afrique du Sud. Je crois que je n’avais jamais vu autant de beauté concentrée… Les animaux sauvages renvoient pour moi à l’idée de beauté, de liberté, et d’insoumission. Dans un autre registre, il y a aussi Rome, avec la Chapelle Sixtine et le Vatican, bien sûr.
– « Les séparés » évoque le deuil, l’absence … dans quelles circonstances avez vous écrit cette chanson ? Aimez-vous la solitude ?
Oui, je me rappelle l’avoir écrite ici, dans mon studio, aux alentours de Noël. J’aime beaucoup être solitaire, mais pas forcément la solitude que la vie nous impose.
– « La chambre vide » évoque le départ des enfants de la maison familiale : êtes-vous une maman poule ?
Mon fils (n.d.l.r : Aurélien Enthoven) a 19 ans, et il est déjà parti. Cette chambre vide est donc un peu la sienne en quelque sorte. Disons que je suis une maman protectrice, mais je n’ai pas envie de garder mes enfants avec moi, une fois adultes. Ça me paraitrait saugrenu, et en tout cas, ce n’est pas mon devoir de maman de les retenir. Moi-même, j’ai quitté la maison familiale très tôt. J’ai commencé à travailler juste après le baccalauréat, à 17 ans, en septembre de la même année.

– Vos enfants ont-ils des velléités artistiques ?
Je l’espère. Mon fils s’est mis à la basse pendant le confinement et je l’ai trouvé très doué. Il a indéniablement une oreille musicale. On a joué « Stand by Me » ensemble à la basse, et c’est là que j’ai réalisé que le morceau était totalement construit sur le jeu de la basse…
– Vos enfants s’intéressent-ils à votre carrière ? Comment vous perçoivent-ils ?
A mon avis, ça les gêne un chouia quand ils me voient comme chanteuse (rires). Mais au final, je pense qu’ils me considèrent, avant tout, simplement comme leur mère.
– Tout ce que vous faites vous réussit : avez-vous le sentiment d’avoir un ange gardien ?
Oui, j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, et j’ai absolument ce sentiment d’avoir des anges gardiens qui veillent sur moi.
– Qu’auriez-vous fait différemment ?
Sans doute presque tout, mais j’aime bien les erreurs. C’est important pour se construire, et pour comprendre…
– Avec votre soeur, la comédienne réalisatrice Valeria Bruni-Tedeschi, vous chantez en duo sur « Voglio l’Amore ». C’est la première fois que vous écrivez en Italien, alors que c’est votre langue maternelle …
C’est vrai, et je ne sais pas trop pourquoi à la réflexion. J’ai sans doute considéré jusqu’ici que je ne serais pas assez habile ou lettrée, pour écrire en Italien. j’ai quitté l’Italie tôt, et j’ai beaucoup beaucoup lu en Français, contrairement à mes frère et soeur qui ont passé un bac italien et ont fait une scolarité italienne à Paris. Moi, je suis très vite allée à l’école française et j’ai été nourrie à la littérature et la poésie françaises. Ce sont elles qui m’ont inscrite dans l’écriture finalement.
– Il y a une grande tradition de la chanson de variété italienne qui pouvait aussi être intimidante à vos yeux…
Oui, mais je ne me compare pas. Ce serait prétentieux de ma part. Que dire alors de la tradition de la chanson française et de tous les grands artistes qui m’ont précédée ? Si on commence à penser à cela, on ne fait plus rien.

– Qui sont les artistes italiens que vous aimez justement ?
Dans mon Panthéon musical, il y a Fabrizio De Andre, que je pourrais écouter toute la journée… Il était très audacieux et a adapté Brassens de manière sublime. Après, j’adore aussi Luigi Tenco, Mina, Lucio Battisti, Ornella Vanoni, Lucio Dalla, Francesco di Gregori, et toutes les chansons napolitaines… Je parle ici de la chanson italienne classique, pas de la chanson italienne d’aujourd’hui qui m’intéresse moins.
– Avez-vous eu du mal à convaincre Valeria de chanter ?
Non, elle en avait vraiment envie. Elle aime bien la chanson, et s’est même amusée à slamer sur ce titre en plus.
– A l’inverse, pourrait-elle vous faire tourner dans un de ses films ? Plus généralement, avez-vous eu des propositions suite à votre participation au film de Woody Allen, « Minuit à Paris » ?
Elle m’a proposé de tourner de temps en temps, mais je n’aime pas l’idée d’attendre toute la journée sur un plateau de tournage, et je ne suis pas une fameuse actrice, à la différence de ma mère qu’elle a faite tourner et qui est très bonne actrice, très naturelle. Je la trouve exceptionnelle pour quelqu’un qui n’a pas étudié l’art dramatique. Je n’ai pas eu de propositions après la participation au film de Woody Allen, à l’exception de choses qui m’ont toujours parues très saugrenues. C’est un métier que j’adore, mais qui ne me parait pas fait pour moi. Du peu d’expérience que j’ai eue au cinéma, j’ai l’impression comme actrice d’être une coquille de noix ballotée. Dans la musique, je n’ai peut-être qu’une petite barque, mais c’est moi qui la conduis.
– Dans l’idéal quel grand rôle auriez-vous aimé tenir ?
Je ne sais pas, n’ayant jamais rêvé de tourner pour le cinéma, mais disons celui d’Audrey Hepburn dans « Breakfast à Tiffany’s » … (rires).
– Vous avez écrit pour Isabelle Boulay, Julien Clerc, Sylvie Vartan, avez vous des projets en tant que parolière ?
Non, j’adorerais écrire encore pour d’autres… Avis aux amateurs ! J’aimerais beaucoup écrire à nouveau pour Sylvie, qui est une amie et que j’aime beaucoup…

– J’ai du mal à croire qu’on ne vous sollicite pas…
Parfois, mais en ce moment, je suis toute entière consacrée à mon album, donc je n’ai pas de projet particulier.
– Pourquoi avoir eu envie de reprendre « Porque Te Vas » du film « Cria Cuervos », déjà très souvent reprise, notamment dernièrement par Augustin Galiana ?
C’est vrai. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’adore depuis mon enfance. Le film en soi ne m’a pas particulièrement marquée. Sur le moment « Cria Cuervos » m’avait semblé fort mais trop tragique, austère, et dark. La chanson en revanche demeure fabuleuse et intemporelle.
– Avez-vous un public en Espagne ?
Je ne sais pas si on peut parler de public, mais en tout cas, j’ai le plaisir d’y donner des concerts merveilleux. J’ai déjà chanté deux fois à Madrid, et trois ou quatre fois à Barcelone, dans le cadre de festivals ou dans des salles plus classiques, comme le Palais de la Musique Catalane que j’ai adoré. C’était toujours fantastique… Pedro Almodovar m’a fait la surprise de venir me voir à Madrid, sans même m’en informer. Il avait acheté son billet pour venir me voir en concert : je n’en revenais pas ! J’étais sur scène quand j’ai remarqué un homme dans le public qui lui ressemblait étrangement. J’étais tellement contente quand il est venu me voir dans ma loge ensuite… Quel honneur !
– Avez-vous le sentiment d’être perçue différemment d’un pays à l’autre ? Vient-on voir la chanteuse, l’ex-topmodel ou l’ex-première dame ?
J’ai du mal à savoir la façon dont on me perçoit… Selon les pays, ou selon les personnes et ce qu’elles savent de moi, on me perçoit différemment sans doute. Mais je ressens avant tout de l’enthousiasme chez les gens qui viennent me voir en concert, et les salles sont pleines… Même s’il ne s’agit pas de stades, mais de salles de 1000 à 2000 personnes, je suis à chaque fois stupéfaite, d’autant qu’il ne s’agit pas de français expatriés.
– Quel souvenir gardez vous de votre récente contribution à l’album hommage à Guy Béart ?
J’aime beaucoup les chansons de Guy Béart, que j’ai toujours écoutées. Mais j’ai découvert « C’est après que ça se passe », que j’ai reprise à l’invitation d’Emmanuelle Béart. C’est une chanson fantastique, comme un petit film, un court-métrage. Je connaissais Guy personnellement, mais assez peu. En revanche, je ne connaissais pas Emmanuelle que j’ai rencontrée à cette occasion et que j’adore depuis. Je trouve que c’est une personne délicieuse ! Quel plaisir d’avoir rencontré cette femme ! Si douce, si brillante, si drôle et si cool ! C’est tout ce que j’aime ! C’est exactement quelqu’un avec qui j’aimerais être amie ! Elle est simplement là, très charmante et très vraie.
– Comment vous situez-vous dans le débat historique entre Guy Béart et Serge Gainsbourg au sujet de la chanson comme « art majeur » ?
Je n’aimais pas particulièrement le côté provocateur chez Gainsbourg. Il y a trop de choses que j’aime dans son oeuvre pour m’intéresser à son billet brûlé, à son agressivité ou à ses injures quand il était bourré. Il y avait toujours quelque chose de l’ordre de l’éthylisme dans ces propos-là. Dans ces situations, c’est de lui-même qu’il parlait au fond, de son mal-être. Je crois qu’il voulait être peintre et qu’il a été déçu de ne pas être reconnu comme tel. Il avait un rapport à la création complexe, alors que Guy Béart avait un rapport très limpide. C’était sans doute un homme complexe aussi, mais ses chansons étaient très claires. C’était peut-être lié à sa formation de mathématicien : ses chansons étaient très structurées, mais avec beaucoup de poésie. En résumé, cette dispute ne m’intéresse pas vraiment, ni d’un côté, ni de l’autre.
– Comment appréhendez-vous l’avenir dans le contexte actuel ?
Le problème, c’est que dans ce contexte, on ne peut rien prévoir du tout… On vit un peu au jour le jour. J’appréhende beaucoup pour toute la culture et tous les corps de métiers liés à notre profession, tout comme je suis inquiète pour tous les autres d’ailleurs, l’hôtellerie, la restauration, les commerces… J’espère qu’on va trouver un remède, et qu’on va transformer cette maladie en un maladie anodine, contre laquelle on sera immunisé ou soigné rapidement… Je le souhaite de tout mon coeur. C’est la seule solution…
Propos recueillis par Eric Chemouny
crédit photos : Yann Orhan (DR / Barclay / UM)


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