JOHNNY HALLYDAY
Souvenirs, souvenirs…
par Jean-Marie Périer
Photographe, réalisateur, auteur, homme de scène et désormais éditeur avec la création de la marque « Loin de Paris » qu’il dirige, Jean-Marie Périer demeure le symbole des années « Salut Les Copains », celui qui a marqué de son empreinte ces fameuses 60’s, en façonnant l’image d’une génération d’artistes en herbe, devenus grâce à ses photos légendaires des icônes de la chanson, mais aussi les figures emblèmatiques d’une époque joyeuse, insouciante et néanmoins révoltée et avide de liberté. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de son beau livre, « 1960-1970 », préfacé par Patrick Modiano, et rassemblant 400 clichés de stars françaises et internationales, dont 150 inédites, d’une modernité toujours aussi éclatante : une véritable « pléiade », dont nous avons sélectionné 8 portraits, prétextes à évoquer avec l’éternel jeune homme de 80 ans, ses meilleurs souvenirs avec ses copains Françoise, Sylvie, Johnny, Jacques, et les autres.

– Votre première rencontre avec Johnny était plutôt insolite …
Oui, c’était avenue Paul Doumer, en juillet 1962… Daniel avait pris rendez-vous avec lui pour moi, car je ne le connaissais pas. Arrivé chez lui, j’ai été reçu par un type un peu rude, qui m’a serré le bras très fort, le genre d’homosexuel qui veut montrer à tout prix qu’il est très masculin. Il m’a expliqué que Johnny était au courant de ma venue, mais qu’il dormait pour le moment. Il m’a donc proposé de l’attendre et m’a poussé dans sa chambre : je me suis retrouvé dans cette pièce qui sentait très fort l’eau de Cologne. Il faisait très beau. Je me souviens très bien du jour qui passait à travers les rideaux, et de cette forme avec ces cheveux blonds qui dormait profondément… J’étais vraiment mal à l’aise en attendant qu’il se réveille. Il a fini par se réveiller, se poser devant moi, attraper une cigarette, et me regarder pour me demander : « Euh… T’as pas du feu ? ». C’est tout ! (rires).
– Dans quelles circonstances avez-vous fait cette photo de lui avec sa guitare et ce mur d’ampoules derrière ?
C’était initialement pour une affiche d’un spectacle à l’Olympia, mais je ne sais pas si elle a été utilisée comme telle, au final. En tout cas, elle avait fait l’objet d’un poster. Le problème, c’est que ce mur que j’avais fait construire, était composé d’ampoules de l’époque. Ce n’étaient pas des LED. Elle dégageaient une telle chaleur, qu’il lui était impossible de rester plus d’une minute à proximité pour prendre la pose… Quand j’y réfléchis, je me dis que c’était une idée complètement folle. S’il avait eu un costume en Dacron ou ce genre de matière synthétique, il aurait pu prendre feu et crever. C’était pas sérieux de ma part franchement…
– Aviez-vous conscience de l’immense star qu’il allait devenir dès les premières photos ?
Oui. Je n’ai commencé en 1962, si bien que quand je l’ai rencontré, sans être encore une star, il était déjà la locomotive d’un courant… J’aimais énormément ce mec-là, parce que je le trouvais vraiment intelligent, contrairement à ce qu’ont dit quantité de crétins, des journalistes aux gens de la rue. Tout le monde disait du mal de ce môme en disant qu’il était con, alors qu’en réalité, il était simplement d’une timidité incroyable. Il lui suffisait d’arriver sur scène pour se déployer complètement, mais dans la vraie vie, il n’était pas à l’aise. En plus, il passait son temps à être interviewé par des mecs qui le pensaient stupide. Or, il n’y a pas plus difficile que de répondre intelligemment à quelqu’un qui vous prend pour un con. C’est affreux ! C’est le seul de tous les artistes que j’ai rencontrés qui ne parlait jamais de lui. Il était d’une grande humilité et avait un sens des gens incroyable : c’était un animal ! Il pouvait être dans un restaurant au milieu de 200 personnes, et voir quelqu’un l’approcher : il comprenait alors immédiatement qui il était, pourquoi il était là, et ce qu’il voulait… Je l’ai énormément aimé, et j’en ai toujours beaucoup voulu à tous ces gens qui l’ont pris pour un con, parce que c’était loin d’en être un.
– A travers vos photos, vous avez fait de lui un James Dean à la française : comment expliquer qu’il n’ait jamais eu autant de succès à l’international ?
C’est assez curieux, car ce n’est pas faute d’avoir essayé… Je ne me suis jamais posé la question. Au fond, c’est exactement comme si Elvis Presley avait voulu faire un film français. En réalité, il incarnait toute une génération qui rêvait d’Amérique… Mais il n’était pas l’Amérique. Il en aura vraiment rêvé toute sa vie, mais ça ne s’est pas fait.
– Deux ans après sa disparition, quel souvenir voulez-vous garder de lui ? Son image a été sacrément salie par cette affaire d’héritage…
Contrairement à tout ce que j’ai entendu d’absolument grotesque, de la part de tous ces gens qui prétendent l’avoir connu, et sont capables d’écrire des livres entiers sur lui sans jamais l’avoir croisé, je suis absolument convaincu qu’il n’a pas renié ses enfants. Evidemment. Je crois simplement que, comme à son habitude, il ne pensait qu’à une seule chose et qui le passionnait : en mettre plein la tronche à son public sur scène. En dehors de cela, il voulait qu’on lui foute la paix. Je ne connais pas beaucoup de mecs qui ont refait 5 fois un testament en 10 ans. Je pense simplement qu’il a signé ce qu’on lui a demandé de signer… Tout cela devait l’ennuyer. J’ai été beaucoup sollicité, plus de 120 fois à sa disparition, et je n’ai donné qu’une seule interview pour dire cela : le connaissant, il n’a pas renié ses enfants…C’est tout.
– Cela vous surprend qu’il soit toujours en tête des ventes avec l’album symphonique « Johnny » et le Live des « Vieilles Canailles » ?
Non, pas du tout. L’album symphonique est à tomber par terre. Quand il était jeune, Jojo m’emballait pour ce qu’il était. Il avait un sens de l’humour incroyable et m’a beaucoup fait rire. Il se moquait de lui-même, sans faire de l’esprit comme peut le faire Eddy Mitchell, très intéressant à beaucoup d’égards, mais beaucoup moins gentil et capable de se foutre de le gueule des autres surtout. Je trouvais Johnny formidable sur scène, mais sans penser qu’il chantait très bien. Quand on réécoute ses disques de jeunesse, il est un peu « à côté » quand même. Mais il faut reconnaitre que plus il a avancé en âge, mieux il a chanté. Cette nouvelle version de « Diego » en symphonique est juste incroyable ! D’autant qu’il était malade pendant l’enregistrement… Yvan Cassar a fait un très beau travail. Je ne manquerai pas de le féliciter le jour où je le croiserai. J’ai acheté ce disque, alors que je n’avais pas aimé le disque posthume précédent, « Mon pays, c’est l’amour ». Comment a-t-on pu sortir un disque de lui avec un telle pochette ? Comment a-t-on pu le montrer aussi laid ? Avec un mec comme lui, c’était quand même pas compliqué de faire une belle photo à son avantage… Ca m’a rendu fou. Du coup, j’ai préféré ne pas l’écouter…

Propos recueillis par Eric CHEMOUNY
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