JACQUES DUTRONC

Souvenirs, souvenirs…

par Jean-Marie Périer

Photographe, réalisateur, auteur, homme de scène et désormais éditeur avec la création de la marque « Loin de Paris » qu’il dirige, Jean-Marie Périer demeure le symbole des années « Salut Les Copains », celui qui a marqué de son empreinte ces fameuses 60’s, en façonnant l’image d’une génération d’artistes en herbe, devenus grâce à ses photos légendaires des icônes de la chanson, mais aussi les figures emblèmatiques d’une époque joyeuse, insouciante et néanmoins révoltée et avide de liberté. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la sortie de son beau livre, « 1960-1970 », préfacé par Patrick Modiano, et rassemblant 400 clichés de stars françaises et internationales, dont 150 inédites, d’une modernité toujours aussi éclatante : une véritable « pléiade », dont nous avons sélectionné 8 portraits, prétextes à évoquer avec l’éternel jeune homme de 80 ans, ses meilleurs souvenirs avec ses copains Françoise, Sylvie, Johnny, Jacques, et les autres.

– Dans quelles circonstances avez-vous pris cette photo de Dutronc ?

Je n’en ai aucune idée, mais je le trouve d’une beauté telle ! Il est absolument magnifique ! Il tient une place particulière pour moi : il y a Johnny et Sylvie d’un côté, Françoise et Jacques de l’autre. Finalement, c’est elle qui me l’a présenté. On s’était alors gentiment séparés depuis un an. C’était inéluctable. L’un et l’autre n’arrêtions pas de bosser, nous étions jeunes, mais nous sommes restés amis après. Encore aujourd’hui, c’est ma meilleure amie. Un jour, elle m’a dit avoir rencontré quelqu’un, je voulais absolument le connaitre, parce que je ne pouvais pas imaginer ne pas aimer la personne qu’elle aime, puisque je savais déjà que je l’aimerais toujours.

– Vous étiez un peu protecteur à son égard ?

Non, pas du tout, Françoise n’est pas le genre de personne qu’on dirige, encore moins sur ce sujet. Quand j’ai fini par rencontrer Jacques, je suis tombé par terre ! Je suis tombé fou de lui,  autant que d’elle : ce n’est pas plus compliqué. Le plus amusant dans cette histoire, c’est que cette maison qu’ils possèdent en Corse, c’est moi qui l’ai faite construire. Françoise avait 18 ans et elle croulait sous le pognon, au point que sa propre mère était dépassée par les évènements. Je voyais qu’elle allait se faire arnaquer parce qu’elle ne connaissait rien au business. Suivant ce que m’avait toujours dit mon père, je lui ai conseillé d’investir dans la pierre et d’acquérir une maison. Je lui ai suggéré de chercher un terrain et de faire construire. Quelqu’un de ma famille, qui se trouve être le père de Pierre Billon d’ailleurs, était alors en Corse. En tant qu’architecte, je l’ai mandaté pour trouver un terrain et nous avons dessiné la maison tous les deux. Le temps que la maison soit terminée et habitable, je n’étais plus avec Françoise. Si bien que je n’y ai jamais passé une nuit avec elle, alors que j’y ai passé 40 ans avec Jacques (rires).

– Vous avez été fairplay jusqu’au bout et bienveillant avec le couple au point d’avoir fait leur première photo officielle en 1967 !

Oui, mais ce sont surtout eux qui ont été, et sont toujours bienveillants avec moi. Avec le recul, je trouve au contraire très étonnant qu’ils m’aient proposé de faire cette première photo officielle ! Ca aurait pu être très gênant pour eux : la question ne s’est même pas posée. Les choses se sont faites très naturellement. Depuis, j’ai passé ma vie à les voir, ensemble ou séparément.

– Vous trouvez Jacques très beau et séduisant, au point de le surnommer « Sex» !

Oui, je l’ai toujours appelé « sex » : il était toujours entouré de filles qui ne le lâchaient pas. C’était monstrueux ! D’ailleurs, on a vécu des choses ensemble pendant lesquelles on s’est marré comme des bêtes. Mais avec le recul, je n’en suis pas vraiment fier. Françoise était avec lui pendant ce temps là, et elle l’attendait… Mais il faut bien réaliser qu’il avait 22 ans, qu’il était beau comme un dieu, et qu’il n’avait qu’à se pencher pour emballer des filles qui étaient à ses pieds. Ce n’était pas facile pour lui de résister…

– La contre-partie, c’ est que cette situation déséquilibrée et cet état de souffrance amoureuse qu’il a infligé à Françoise, a inspiré fortement son répertoire…

Exactement ! Je lui ai toujours dit que c’est grâce à ce mec qu’elle avait rencontré, qu’elle avait écrit de si belles chansons…

– C’est vous aussi qui avez encouragé Jacques à faire du cinéma…

J’ai essayé aussi avec Françoise, mais c’était une erreur. Elle n’était pas du tout faite pour cela. Je la trouvais tellement belle, que je ne pouvais pas imaginer qu’un réalisateur n’ait pas envie de la faire tourner. En revanche, j’ai fait tourner Jacques très tôt. Dès 1969, il fallait absolument qu’il fasse du cinoche à mes yeux. Ca m’a pris quatre ans pour y arriver : tout le monde l’a oublié aujourd’hui, y compris Jacques, mais ça a été très difficile car à l’époque les producteurs de cinéma méprisaient les chanteurs des années 60. En grande partie parce que Johnny n’avait jusque là tourné que des conneries. Il faut bien l’avouer aussi. « D’où viens-tu Johnny ?» est quand même une daube comme on en a rarement vue. C’était du même niveau que les premiers films de Presley. J’ai finalement réussi à faire tourner Jacques avec mon père, François Périer, dans « Antoine et Sébastien » (1974) : il a été très bien dès la première prise. Auparavant, j’avais tourné « L’homme assis », un court métrage de 30 minutes, avec Jacques et Claude Pieplu, réalisé en studio, simplement pour démontrer aux producteurs que Jacques était capable de jouer. Pieplu était venu jouer gratos simplement dans cet objectif de lui permettre de faire du cinéma. C’est fou quand on y pense ! Ensuite, je savais que sa carrière était lancée…

– Vous l’imaginiez tellement comme un acteur que vous avez monté une séance photo avec Catherine Deneuve en 1968, bien avant qu’ils ne tournent ensemble « A nous deux » pour Lelouch…

Oui, je ne sais plus trop les raisons de cette séance, mais j’essayais simplement de mettre Jacques au plus haut, comme Françoise, ou Sylvie d’ailleurs. Je voulais les valoriser comme je pouvais, tellement j’en pensais du bien. Tout le contraire du nivellement toujours par le bas, que faisait Paris Match. Je connaissais tout le monde, donc j’en profitais pour créer des passerelles avec le monde du cinéma, ou de l’art…

Propos recueillis par Eric CHEMOUNY

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