MARIE LAFORÊT

Voyageuse au long cours

Marie Laforêt a fait son dernier voyage le 2 novembre, en Suisse, à Grénolier, quelques jours après avoir fêté ses 80 ans. Artiste complète et sous-estimée du grand public, paradoxale et libre, elle a été sans doute l’un des plus grands malentendus artistiques de son époque, cultivant parfois elle-même cette prolifique confusion à l’instar du titre de son livre sorti en 1981 : « Contes et Légendes de ma vie privée »… Retour sur cette vie, privée trop souvent d’une vraie reconnaissance, et que ses dernières années de carrière si intenses ont magnifiquement résumé. Retour sur 10 flamboyantes années sur scène de cette voyageuse au long cours, illustrées par une série de photos intimes et exclusives réalisées par le photographe Pierre Olivier Signe, qui lui a dédié une partie de sa vie et de son travail photographique. C’est cadeau…

Celle qui détestait qu’on l’appelle « La Fille aux yeux d’or », un titre qui l’a poursuivi toute sa vie, refusait les appellations, jusqu’à ce nom de star, se disait libre, sachant tout faire avec une insolence et une désinvolture qui cachait une grande timidité : actrice de tous les cinémas, comédienne de tous les théâtres, chanteuse de tous les continents, musicienne à l’oreille parfaite, parolière, écrivaine et lettrée, elle savait cadencer les mots, parler toutes les langues, elle savait faire rire et pleurer. Et émouvoir, tout le temps. C’était une femme amoureuse, une femme curieuse, une femme alerte et intelligente, une femme libre à la lisière d’une supposée folie qui faisait les belles heures d’une certaine télévision, mais qui était l’arbre vénéneux qui cachait une formidable Laforêt. De la folie, elle en avait… une folie amoureuse, une folie créatrice, la folie d’embrasser le monde, tout le monde, tous les styles, tous les genres, au cinéma comme dans la musique, la folie de ne jamais vouloir rentrer dans une case risquant l’incompréhension et le malentendu, une folie curieuse, gourmande, passionnée et passionnante.

Au cinéma, la mémoire populaire se souviendra peut-être de la Marge de « Plein Soleil » de René Clément, son tout premier rôle auprès d’Alain Delon et Maurice Ronet (1960) ou retiendra surtout la rigolote Hélène des « Morfalous » (1984) , la Sophie de « Joyeuses Pâques » (1984), la Edmonde de « Flic ou Voyou » (1979), mais Marie Laforêt était aussi l’égérie de la nouvelle vague et du cinéma d’auteur, de Claude Chabrol dans un rôle écrit sur mesure par Jacques Chazot, « Marie Chantal contre le Dr Kha » (1965) à Enki Bilal qui lui offre le rôle vénéneux d’Eva dans le futuriste « Tykho Moon » (1996), de son premier mari Jean Gabriel Albicocco (avec « La filles au yeux d’or », le fameux, 1961, « Le Rat d’Amérique », 1962, superbe escapade latine avec Charles Aznavour) à Jean Pierre Mocky (« Le Pactole » 1985) jusqu’à son personnage viscéral et passionné de Mariana dans le film de Fernando Solanas, « Tangos, l’exil de Gardel » (1985).

Dans la musique, cette même mémoire populaire et plus générationnelle préférera sûrement retenir les tubes des hits-parades comme « Les Vendanges de l’Amour », son premier dissue, « Viens sur la montagne », « Il a neigé sur Yesterday » ou « Mon amour mon ami » passant à côté d’une autre Marie Laforêt celle qui excellait aussi dans un registre qui lui était si cher et qu’elle était l’une des seules artistes de sa trempe à défendre : la chanson folklorique, qui l’a éloignée du monde des yéyés et des stars de l’époque, auxquelles elle préférait les voyages et les peuples. Si elle interprète sur les plateaux télés les chansons de Didier Barbelivien, Gilbert Montagné, Pierre Bachelet ou Nicolas Peyrac, abonnée à Michel Drucker et aux Carpentier seule ou sur des duos, des trios improbables, elle leur préférera toujours les chansons du monde, les défendant dans toutes les langues et pour tous les continents, comme en a témoigné l’indispensable recueil live « Voyages au long cours », bijou discographique miraculeusement sorti en 1998 où Marie Laforêt révèle un talent d’interprète hors-pair, à la voix parfaite, chantant en anglais, en yiddish, en brésilien, en polonais, en espagnol, en italien, ailleurs elle a aussi chanté en allemand, en japonais ce qui révèle finalement sa qualité première : son extrême curiosité qui lui a permis d’être cette voyageuse au long cours, jamais rassasiée du monde et des hommes.

En 1993, elle fera ses adieux discographique avec un album remarquable, trait d’union final entre la variété pour tous et les chansons pour elle : « Reconnaissances »(… enfin!) un album assez inclassable et somptueux, ode à la paix des pays et des religions qui se clôture par une bouleversante chanson acoustique et authentique, sa toute dernière, « Calle Santa Rita », enregistrée en une seule prise au fond d’un jardin, sur laquelle elle chante seule avec sa guitare et les oiseaux. Bouleversante.

Et puis les années passent et Marie délaisse le cinéma et la chanson pour se consacrer à la scène et au théâtre, qui finalement résumera une carrière hors normes et surprenante. Ainsi, entre 1998 et 2008, elle démultiplie tous ses talents sous toutes ses expressions et porte des projets qui lui tiennent à cœur comme une fuite en avant, derniers liens entre une célébrité qui lui pèse et un public toujours resté fidèle. Actrice née, elle incarne et vit une Maria Callas plus vraie que nature dans « Master Class » entre 1998 et 2000 puis de nouveau en 2008 où, à force de recherches sur les master class de la diva disparue en 1977, elle en affine le personnage, le caractère et l’intensité de ces cours particuliers ce qui lui vaudra deux nominations aux Molières pour le même rôle (tenu également pas Fanny Ardant, récompensée et Meryl Streep, outre Atlantique); Comédienne cabotine et naturelle, elle fait rire dans « La presse est unanime » en 2003 écrite par Laurent Ruquier mais aussi dans « Jesus la Caille » en 2004 aux côté de Jean Edouard Lipa qui se révèle ici brillant acteur. Chanteuse et musicienne surdouée, elle remonte sur scène, défiant son courage après son dernier concert en 1972 et chante à guichets fermés aux Bouffes Parisiens, le théâtre de son ami Jean Claude Brialy, sous l’impulsion de Laurent Ruquier (2005) révélant une voix totalement exceptionnelle, envoûtante et restée intacte.

Ces derniers moments avec une star qui refusait de l’être (comme elle l’avait chanté dans une sublime chanson écrite pour elle par Janis Ian et Eddy Marnay « Star » : « C’est dur d’aimer très bien ce nom que j’ai choisi et qui n’est pas le mien« , 1976) ont été immortalisés par le photographe Pierre Olivier Signe, qui a bien connu Marie Laforêt et qui l’a suivi une grande partie de sa carrière. Pour ce dernier au revoir à la voyageuse au long cours, il nous offre un portfolio totalement inédit de ces moments suspendus et rares d’une artiste dans la pleine expression de ses arts.

Un hommage photographique exclusif, furtives et émouvantes traces d’un talent éternel.

Gregory Guyot

1998 – 2000 : MASTER CLASS

2003 : LA PRESSE EST UNANIME

2004 : JESUS LA CAILLE

2005 : MARIE CHANTE LAFORÊT

2008 : MASTER CLASS

Crédit Photos : Pierre Olivier Signe (DR) – Un grand merci à lui pour son témoignage photographique et sa collaboration. Contact : FB Pierre Olivier Signe Photographe


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5 commentaires sur «  »

  1. Divine artiste, je regrette de ne pas avoir l’avoir découvert plus tôt. Sublimes photos. Merci. ♥

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