CLARIKA

“La belle vie” à la Cigale

Le 3 avril dernier à la Cigale à Paris, Clarika entamait sa nouvelle tournée dans la foulée de la sortie de son splendide 8ème album « A la lisière »… Toujours sur le fil entre humour décalé et émotion à fleur de peau, la chanteuse résolument à part dans le paysage musical français retrouvait son public fidèle depuis plus de 25 ans…

En prélude, c’est la talentueuse folkeuse June Milo, qui ouvre le bal. Particulièrement recommandée par Clarika, qui a signé pour elle la poignante chanson « L’absent », la jeune femme nous livre d’une voix claire et séduisante les chansons de son premier EP « Sous l’eau », augmentées d’une adaptation très fidèle du standard de Dolly Parton, « Jolène ». On ne devrait pas tarder à entendre parler de cette jeune artiste dont le charme naturel opère dès le premier rendez-vous…

Puis, c’est dans la pénombre de cette scène de la Cigale, si chère à son coeur, porteuse de bonnes ondes et évocatrice pour elle de jolis souvenirs, que Clarika apparait, magnifiée par l’instrumental d’ouverture d’« A la lisière ». Son visage a beau être dans l’ombre, sa voix si touchante de sensibilité est immédiatement identifiable et soulève avec elle des torrents d’émotions. Les cheveux raccourcis à la façon d’une garçonne des années 30, allégeant sa silhouette toujours aussi fine, souple et gracile dans une combinaison noire ajustée, au décolleté plongeant dans le dos, elle est reçue par une ovation dès que les lumières permettent de mieux la distinguer.

Il faut dire qu’à défaut de jouir d’une grande popularité, l’auteure-compositrice-interprète peut se vanter d’avoir un public fidèle d’aficionados, plutôt fins et attentifs à la précision de ses textes, toujours pleins d’humour, d’émotion et de tendresse, et à la qualité de ses mélodies, scrupuleusement choisies dans la perspective de cette scène, où elle est dans son élément. Si bien qu’on les sent en terrain connu quand elle enchaine avec des titres plus rythmiques comme « Âme ma soeur âme », véritable ode à l’introspection, ou le carrément Rock’n’Roll « Je suis ton homme ».

Entre temps, elle n’aura pu s’empêcher de nous livrer quelques anecdotes, sur sa supposée béatification à venir et sa rencontre avec le pape, apparemment très fan de ses « garçons dans les vestiaires ». Clarika affabule comme une petite fille, candide et séductrice, et on saute à pieds joints dans son petit jeu si jubilatoire d’humoriste qui s’ignore…

Derrière elle, un rideau de lambeaux d’étoffes et une délicate architecture de fleurs lumineuses suspendues habillent son jeu de scène très étudié, et valorisent chacun de ses mouvements toujours très gracieux, et sublimés par de délicats jeux d’ombres rouges, brunes ou bleutées selon les chansons.

Désormais à la barre d’une discographie impeccable, qui compte pas loin d’une centaine de titres, elle n’a eu que l’embarras du choix pour composer une setlist équilibrée et destinée à faire plaisir à son public : bien entendu, il était impensable de passer à la trappe les incontournables « Ca s’peut pas » (toujours aussi vibrante en live), « Lâche-moi » au réalisme arrachant une larme à tous les parents présents, le très politique et plus que jamais d’actualité « Bien mérité », qu’elle introduit de chiffres statistiques aussi factuels que glaçants, et bien sûr le tube « Les garçons dans les vestiaires » revisité à la sauce orientale. Seul manque à l’appel l’incontournable « Les patineurs »…

Mais Clarika est aussi allée chercher des pépites plus anciennes qu’on retrouve avec plaisir, et un brin de nostalgie, comme les portraits « Patricia », « Deux anglaises », ou le plus candide « Beau comme garçon ». Autant de chansons n’ayant pas pris une ride, et s’articulant à merveille avec les titres de son avant-dernier album « De quoi faire battre mon coeur », très autobiographique et axé sur le thème de la rupture (« Je ne te dirai pas », « La vie sans toi »), et ceux du dernier « A la lisière » (les tubesques « Même pas peur », « La belle vie (tout tout de suite) » nouvel extrait envoyé en radios, « Sous ton cortex », « L’astronaute » et « Venise » dont on regrette qu’elle ne la chante pas avec son partenaire Pierre Lapointe, retenu par une tournée au Québec).

Irrésistible de drôlerie, touchante de sensibilité et d’humanité non feinte, convaincante dans ses engagements, Clarika nous aura offert généreusement tous les visages de la femme et de l’artiste d’exception qu’elle est. Elle a beau rester à la lisière du star system, c’est en plein coeur qu’elle nous touche depuis toujours et c’est bien là l’essentiel…

Eric Chemouny

crédit photos: Gregory Guyot (DR / IG: @I_am_Gregg / JSM)

Setlist La Cigale, 03.04.19. : A la lisière / Ame ma soeur âme / Je suis ton homme / l’astronaute / Le désamour / Deux anglaises / Je ne te dirai pas / Bien mérité / La vie sans toi / Venise / Attache-moi / Patricia / L’azur / Ça s’peut pas / Lâche-moi / Même pas peur / Les garçons dans les vestiaires / Tout, tout de suite / Beau comme garçon / Sous ton cortex.


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