EMMANUEL MOIRE
La vie devant soi
Quatre ans après « La rencontre », Emmanuel Moire est de retour avec « Odyssée, », un cinquième album sincère, optimiste et solaire, en forme de parcours initiatique : tel un héros des temps modernes ayant surmonté les épreuves de l’existence et trouvé un sens véritable à sa vie, l’auteur-compositeur n’a jamais semblé aussi bien dans sa peau et avide de transmettre, en paroles et musiques, sa sérénité et sa philosophie à son public. l’ex « Roi Soleil » est revenu pour JSM sur la genèse de cette « Odyssée » très personnelle…

– Ton album « Odyssée » vient de sortir : appréhendais-tu son accueil, 4 ans après « La rencontre » ?
Un sortie d’album s’accompagne toujours d’émotions contraires : d’un côté, j’éprouve une certaine excitation, parce que le temps a été long entre ces deux disques, même si après la sortie de « La rencontre », a suivi une tournée d’un an. Donc, je n’ai le sentiment d’avoir arrêté que pendant un an réellement, puisque j’ai enchainé ensuite avec l’écriture de l’album. Mais les gens ne se doutent pas parfois, tout le travail en amont que demande la sortie d’un album, surtout quand on écrit soi-même ses chansons. C’est comme un accouchement, même si ce n’est pas mon premier et si je sais un peu à quoi m’attendre… J’ai donc une joie réelle à livrer ce disque, mais aussi un peu d’appréhension, parce que je ne sais pas comment il va être mangé. Je suis comme une maman avec ses petits, mais ça ne sert à rien de le surprotéger non plus : il ne m’appartient plus. J’apprends, de projet en projet, à lâcher totalement prise sur l’avenir de chacun de mes disques. Je ne maitrise pas tout, même si je fais mon travail qui consiste à le défendre avec amour et envie. Les chansons suivent leur destin, et il faut aussi l’accepter. On n’a pas d’autre choix…
– Pourquoi ce titre « Odyssée » ? C’est un thème qui a aussi inspiré dernièrement Keren Ann ou Bensé, entre autres…
Oui, j’ai appris cela. A une époque où les gens sont bousculés et ont peur de plein de choses, je pense qu’on a besoin de se recentrer sur une certaine spiritualité. Depuis petit, je porte en moi cette thématique de la quête de sens. Je fais partie de ces gens qui cherchent… J’ai cherché, je cherche et je chercherai jusqu’à la fin de ma vie. Je crois que cette quête définit profondément la nature de ma personne. Je suis en voyage symbolique dans une quête de sens, intérieure, initiatique… Dans une période violente comme la nôtre, il faut aller chercher à l’intérieur de soi quel homme on est, ce que l’on pense, quels sont ses besoins, ses envies et se demander ensuite si on est en accord avec tout cela, et si on peut changer les choses. Tout cela me fascine… Je porte ce mot « Odyssée » en moi depuis longtemps et il a été le point de départ de l’album. Je lis beaucoup et pour moi, « Odyssée » renvoie à la thématique du héros.
– Tu fais référence aux héros mythiques, comme à ceux de l’ordinaire : quels sont ceux qui te faisaient rêver enfant ?
Petit, j’aimais beaucoup les héros qui avaient des pouvoirs, comme « Superman », « Batman », même si ce dernier était un peu différent. De ses drames et de sa souffrance, il a su faire quelque chose d’extraordinaire. J’étais persuadé d’avoir aussi des super pouvoirs que je ne connaissais pas encore, mais qui allaient se révéler pour me permettre d’accomplir une mission… (rires). J’en rigole, mais la notion de mission me parle encore aujourd’hui : on est tous l’élu de quelque chose à réaliser. La question est de savoir ensuite si c’est la peur ou le courage qui prendra le dessus sur toi… Je me suis amusé à utiliser tous ces ingrédients pour construire mon disque et chapitrer toutes ces notions.
– Est-ce finalement le troisième volet d’un triptyque musical, après « Le chemin » (2013) et « La rencontre » (2015) ?
Peut-être… Ce n’était pas volontaire, mais il y a évidemment un lien entre ces trois albums : plus on m’en parle, et plus effectivement, les thématiques se sont enchainées logiquement. « Odyssée » clôture une démarche personnelle en tout cas.
– Les trois chevilles de l’album sont « L’épreuve », « La quête », « Mon Odyssée » comme les trois étapes de ta construction : as-tu le sentiment d’être un modèle de résilience ?
J’aime beaucoup ce mot, dans le son et dans le sens. Je ne sais pas si je suis un modèle, mais j’ai du passer par là, et travailler avec cette notion de la perte. La question est de savoir ensuite ce que l’on fait de cette épreuve. En tout cas, j’ai constaté que les gens qui me suivent et qui suivent mon travail, ont traversé des choses similaires : je suis mal placé pour le dire, mais j’ai l’impression d’être un exemple pour eux. C’est un lien précieux qui m’unit au public, que de sentir que mes chansons résonnent en eux, parce qu’ils ont le sentiment que je parle d’eux à travers elles. Moi aussi, quand j’ouvre un livre, ou regarde un film, j’adore avoir ce sentiment que quelqu’un m’a compris. Je suis sorti vainqueur de tout cela, et j’en porte quelque chose de très fort. A 40 ans, je ne suis plus le jeune homme que j’étais à 20 ans. Je me sens beaucoup plus solide, ancré, épais… Je dois dégager quelque chose qui montre la voie.
– Il y a une dimension presque religieuse dans une chanson comme « Le plan du monde » : es tu croyant, pratiquant ?
Je ne suis pas religieux et ne suis pas du tout pratiquant. J’aime le mot croire, mais je ne suis pas croyant au sens courant du terme. Je pense avoir mes propres croyances. Evidemment, c’est relié à la spiritualité, qui s’écarte de la religion. Mes croyances renvoient aux notions d’univers, de tout, de liens entre les choses, d’énergie, de rapport à soi et aux autres…Tout cela a un sens et des répercussions. On ne peut pas se permettre de tout faire. On est totalement libre de ses actes et responsable de leurs conséquences : il faut avoir conscience aussi qu’on écrit soi-même sa propre histoire…

– Pratiques-tu l’introspection, la méditation ou l’auto-analyse ?
Je commence mes journées par la méditation. J’ai été initié avec un mantra. Ca m’est très naturel ; je ne peux pas faire autrement au-delà du phénomène de mode. Cela m’a aidé à préciser l’homme que je suis, car je me suis beaucoup trompé, ayant eu des désirs, des envies ou des pensées qui n’étaient pas forcément les miennes. Avec l’âge, on apprend à se débarrasser de ces choses qui nous encombrent. C’est l’avantage… (rires). J’ai toujours pratiqué l’introspection : je n’ai pas besoin de le formaliser. Les livres, les spectacles m’y aident beaucoup. C’est précieux pour moi, parce que j’ai toujours quelque chose à en retirer.
– A qui s’adresse la chanson « La femme au milieu » ?
Quand j’écris une chanson, elle a toujours une raison d’être et s’adresse généralement à quelqu’un. Mais j’aime aussi laisser aux gens la liberté de se l’approprier ou d’imaginer une histoire autour. Cette dernière chanson s’adresse évidemment à ma grand-mère que j’ai perdue il y a trois ans. J’avais simplement envie de l’honorer avec une chanson qui flirte avec la tristesse, sans être triste, une chanson de souvenirs, qui me permet de renvoyer l’amour que j’ai reçu de sa part, et son écoute… Elle a été très émouvante à écrire puisque j’ai du pour cela replonger dans mon enfance. Elle m’a donné l’occasion de poser les choses, au-delà des souvenirs… La réécouter est comme se replonger dans un livre qu’on a aimé et dont on sait ce qu’il nous a apporté. Je n’avais pas prévu d’écrire cette chanson, mais elle est venue d’elle-même. Je me suis aperçu depuis la sortie de l’album qu’elle dresse le portrait de beaucoup de grand-mères, à en croire les témoignages de gens qui m’ont manifesté leur joie, leur émotion, à son écoute.
– Avec des chansons comme « Le bienveillant », ou « Si on parlait d’amour », as-tu conscience d’être à contre-courant du climat actuel ?
Ce que je défends à travers ces chansons, c’est avant tout l’homme que je suis, ou celui que j’ai envie d’être. C’est comme ça que j’ai envie de vivre et d’être entouré. J’ai fait des choix dans ma vie : je me suis éloigné de futilités, de bêtises, de gens qui tirent les choses vers le bas… Ca m’épuise. Je ne peux pas tout contrôler : comme tout le monde, je suis confronté au quotidien à des situations où les gens se parlent mal, mais j’essaie toujours d’avoir un regard bienveillant et de ne surtout pas devenir à mon tour violent, désagréable, de ne pas constamment me plaindre sans rien faire pour changer les choses, ne pas jouer les victimes alors qu’on est responsables de nos propres vies… Je refuse d’alimenter une violence dont je n’ai pas envie : la méditation m’a aidé à en prendre conscience. Les gens veulent le changement, mais personne n’est prêt à changer. Alors que tout commence par soi…
– « Une vie » résonne comme très autobiographique : faut-il y voir notamment un plaidoyer pour l’homo-parentalité…
Je ne l’avais pas du tout envisagée comme cela : cette chanson évoque certes le fait d’être parent dans l’absolu, mais c’est avant tout le déroulé d’une vie sur un mode cinématographique, qui concerne tout le monde, homo ou hétéro, de la naissance jusqu’à la mort, avec les étapes que nous traversons tous. On a l’impression que nos vies sont toutes différentes, alors qu’en réalité, elles sont assez similaires. C’est ce que dit au final le pont sur la chanson. Nous sommes tous des êtres humains imparfaits, appelés à progresser…

– Tu avais l’intention de confier l’écriture de la moitié des chansons à des auteurs… Avais-tu des noms particuliers en tête ?
J’avais en effet cette appréhension de ne pas réussir à tout écrire tout seul. Pour me rassurer, dans un premier temps, je me suis dit que j’écrirais la moitié de l’album et que je ferais appel à différents auteur pour le reste. Je n’avais pas tant de personnes en tête, et pas forcément des gens connus, mis à part Jean-Jacques Goldman… Je n’ai d’ailleurs pas approfondi cette question, parce que le processus d’écriture était en route et me connectait à des choses très fortes et très intimes, proches de ma nature. Il y a eu des tentatives avec des auteurs, mais les chansons n’entraient pas du tout dans cette thématique d’ »Odyssée ». Ce n’était pas forcément moins bien, mais ça n’avait pas la même dimension que ce que j’avais réussi à écrire de mon côté. J’aime le concept d’album pour sa cohérence. J’aime davantage l’histoire d’un album que celle des chansons, que les choses aient du lien… C’est important à mes yeux.
– Comment as-tu obtenu justement que Goldman signe « Des mots à offrir » ?
Mon envie de travailler avec lui ne remonte pas à des années, mais au début de la confection de l’album. Je me suis dit : et pourquoi pas ? Nous étions restés en contact après les Enfoirés, on conversait de temps en temps par mail… Je lui ai expliqué mon projet, en même temps que mon appréhension et mon envie d’écrire avec d’autres… On sait tous qu’il travaille de moins en moins. Je ne m’attendais pas à ce qu’il saute au plafond à ma proposition. Il a été très touché par ma demande et m’a valorisé sur mon travail, en me disant que si j’avais un bout de mélodie, je pouvais lui envoyer… J’ai pensé que c’était une ouverture assez claire et que s’il n’en avait pas eu envie, sa réponse négative aurait été tout aussi claire. J’ai donc peaufiné cette mélodie qui lui a plu, et sur laquelle il a écrit « Des mots à offrir « .
– Lui avais-tu soufflé le thème de la chanson ?
Pas du tout et c’est ce qui est magique d’ailleurs. Je ne lui avais pas parlé d’ « Odyssée », ni de mon intention de chapitrer les chansons. Quand elle est arrivée, je n’ai pas immédiatement réalisé que c’était la chanson de fin, sur la transmission, sur le fait qu’elle concluait cette thématique de l’appel du héros, des épreuves, du retour chez soi pour transmettre ce qu’on a appris. On ne fait que cela finalement dans une vie : transmettre ce qu’on a reçu d’une période, d’une situation, de quelqu’un… J’avais envie que l’album se termine sur cette notion et la chanson de Jean-Jacques tombait à pic. Goldman est clairement quelqu’un qui te transmet quelque chose, à travers un tel cadeau. C’était l’illustration parfaite de mon propos : j’ai grandi avec cet auteur-compositeur, qui m’offrait un texte sur une mélodie… Le rêve !
– Tu sembles accorder de plus en plus de place aux mots, au point de les avoir gravés sur ta peau pour la pochette du disque …
Cela pourrait être une jolie lecture de la pochette… Ca va plus loin que cela en réalité : comme je me suis approprié l’écriture de cet album, j’avais envie qu’on ait un rapport direct aux mots et à l’écriture. J’ai écrit moi-même les paroles dans le livret et je voulais que cette écriture colle à ma peau nue sur les photos, sans interférences, tout en conservant aussi un peu d’énigme autour de ces mots à même mon corps…
– JJG t’avait-il donné son avis sur tes reprises de ses titres sur les albums Génération Goldman (« Au bout de mes rêves », avec Amandine Bourgeois , et « Juste après », avec Pauline) ?
Je ne le connaissais pas à l’époque et je n’avais pas eu de retour sur ces deux reprises. Mais sincèrement, dans les premiers échanges que nous avons eus, il a été tellement bienveillant et élogieux sur l’artiste que je suis et la manière dont je fais mon travail, qu’il n’a sans doute pas désapprouvé ces relectures…

– Tu ne participes plus au concert des Enfoirés depuis 2016 : qu’as-tu retenu de cette expérience collective ?
Effectivement, je n’ai pas pu y participer ces deux dernières années. C’est important pour moi, au-delà de toute forme d’aventure collective, de donner du temps pour les autres. C’est accepter de s’oublier soi-même pour une cause, même si ça demande beaucoup d’énergie et de travail. Les Restos du Coeur sont malheureusement une structure dont on a toujours et encore besoin. Dans mon rapport aux associations et aux causes humanitaires en général, je ne fais les choses qu’après avoir pris la mesure de mon action. Je n’aime pas être présent pour tout et n’importe quoi. Si c’est pour se montrer, et se donner une image humaniste de soi, ça n’a pas d’interêt. Il faut que ce soit réfléchi et engagé, et cela demande un certain travail sur soi.
– As-tu gardé des souvenirs de tableaux avec d’autres artistes ? Existe-t-il plus ou moins une forme de compétition au sein de la troupe ?
C’est une expérience qui crée des liens. Quant à la compétition, je n’ai pas envie d’entrer dans ce jeu, même si l’époque veut cela. Ce n’est pas un moteur pour moi ; c’est néfaste sur la longueur… Je ne me reconnais pas trop dans ces codes de notre époque, de comparaison, de notes, de likes, etc. Les réseaux sociaux ont conditionné des comportements particuliers. Paradoxalement, j’aime ces outils, mais je m’en méfie aussi. Je ne sais pas encore comment faire pour trouver le juste équilibre, et les utiliser sans être affecté de façon négative.
– La chanson « La promesse » figure aussi sur l’album : comment t’es-tu retrouvé à candidater pour représenter la France à l’Eurovision ?
C’est simplement le comité d’écoute de « Destination Eurovision », qui m’a contacté pour me dire qu’il aimait la chanson « La promesse » sortie quelques semaines auparavant, et qu’il souhaitait qu’elle fasse partie des 18 titres en compétition. A la différence de la majorité des candidats, je n’avais pas écrit la chanson pour l’Eurovision. J’avoue que j’étais un peu réfractaire au début, et puis j’ai lâché un peu mon ego et ma réflexion d’artiste sur ma carrière, etc. Je me suis focalisé sur la chanson, en me disant que plus elle allait être écoutée, mieux c’était pour moi et cette problématique qu’elle défend. J’ai pensé qu’après tout, l’Eurovision était une voie possible. Ca m’aurai bien plu d’ailleurs d’aller titiller tous les pays européens pour savoir où ils en sont sur le sujet.
– Quelles sont les chansons de l’Eurovision qui t’ont marqué dans le passé ?
Je n’en ai pas vraiment, mais je n’ai jamais dénigré le concours, car c’est un concours de chanson et la chanson fait partie de mon travail. Je n’en comprenais pas toujours forcément les codes, selon les années, mais ce qui m’a motivé à jouer le jeu, c’est de réaliser que les candidats de ces deux dernières années étaient très sincères dans leur démarche.
– Etais-tu déçu de ne pas être retenu ?
Evidemment. Ma philosophie de vie me conduit à accepter les choses comme elles sont et pas nécessairement comme je voudrais qu’elles soient. Quand on s’engage dans un projet comme celui-ci, on prend un risque… Il a fallu que je gère ma déception comme un échec. Ca m’a rappelé que dans le domaine artistique, on n’est pas confronté qu’à des succès, et que parfois les échecs ont des vertus, qu’il faut savoir accueillir… Je suis mon intuition ; je crois au sens des choses. Je ne récolte pas toujours les fruits sur le moment. C’est dommage que je ne représente pas la France à l’Eurovision, mais cela a sans doute provoqué des choses que je me mesure pas encore. On n’aurait sans doute pas parlé autant de la chanson « La promesse » par exemple…
– On t’a senti très complice de Chimène Badi, autre candidate malheureuse ; êtes vous amis dans la vie ?
On est proches en effet ; on s’est vraiment mieux connus sur « Danse aves les stars », parce que l’émission le permet. De même, je suis devenu très proche d’Amel Bent, même si on n’évolue pas dans le même milieu. Chimère est une sublime interprète pour laquelle j’ai eu la chance d’écrire deux chansons.
– Après « Depuis peu » pour Olympe, as-tu des envies d’écrire pour d’autres ?
Je n’ai pas de liste précise d’interprètes idéaux, mais j’aime bien cet exercice d’écrire pour les autres. Ca permet d’aller ailleurs, d’aborder d’autres sujets, tout en parlant de soi, mais surtout d’être à l’écoute de l’autre. J’aime ce travail consistant à habiller un artiste sur mesure. Je ne l’ai pas beaucoup fait jusqu’ici, car c’est une question de rencontres, de choix, d’envies…
– Que t’inspirent la candidature de Bilal Hassani et les attaques dont il est victime ? Lui as-tu donné des conseils ?
Je n’ai pas de conseils à lui donner… Ce n’est pas nouveau, mais depuis l’arrivée des réseaux sociaux, il y a une déferlante de violence diffuse et anonyme facile. La plupart des gens qui laissent des messages d’insultes n’oseraient pas dire les choses en face de l’intéressé. Bilal est l’exemple qu’on a encore beaucoup de chemin à faire sur le sujet de la différence. Il a le droit d’être ce qu’il est, et basta. On en est encore là malheureusement en 2019… Sa chanson et son engagement contribuent à faire avancer cette cause, et je trouve que c’est très courageux de sa part. Dans l’histoire, on constate que chaque fois qu’on a fait un pas en avant, une période de recul très violente a suivi… On est en plein dans ce phénomène de réaction, alors qu’on n’a jamais autant parlé de différence, d’orientation sexuelle, d’homosexualité, dans les livres, les séries, les films… Ca prend de plus en plus de place, les choses avancent, mais c’est indissociable d’un retour en arrière lié à la peur, à l’ignorance et à la bêtise…
– Tu as été un des rares artistes de ta génération à faire ouvertement ton coming out : as-tu senti « un avant-un après » dans ton rapport à ton public, aux gens du métier ?
Avec le recul, je peux en parler aujourd’hui. Evidemment, tout a changé. Cette acceptation personnelle de soi m’a été bénéfique sur la longueur. Alors j’ai sans doute perdu un public, mais c’étaient des gens qui projetaient sur moi des choses, sans s’intéresser à ce que je véhiculais, à ce que je faisais vraiment. ils se focalisaient sur ce que je représentais. Je sais bien que ce métier repose aussi sur une part de représentation, mais ce n’est pas ce que je défends : je ne me construis pas sur l’apparat, les habits et le paraitre. Etre ce que je suis, les actes et les paroles, c’est tout cela qui m’intéresse. Aujourd’hui, je suis plus qu’en accord avec moi-même. Ce n’est pas simple : je ne marche pas sur les pas de quelqu’un. Le chemin est parfois long et douloureux : il m’arrive de douter, de ne pas trouver de sens à ce que je fais… Mais au final, j’ai la satisfaction d’être sur un chemin qui m’appartient.

– Après avoir incarné Louis XIV dans « Le roi Soleil » entre 2004 et 2007, puis Emcee dans « Cabaret » entre 2011 et 2012 : as tu des envies de Comédies Musicales ? L’aventure collective ne te manque pas ?
Si bien sûr, c’est une discipline que j’aime profondément et qui m’inspire beaucoup de respect. C’est très valorisant de défendre un personnage, le propos d’une pièce, en chantant, en jouant, en dansant… L’expérience de « Cabaret » m’a fait beaucoup de bien et a révélé des choses que j’ignorais en moi. Ca me manque, mais je n’ai pas eu la rencontre avec un projet ou un rôle : il y a eu des sollicitations, mais j’ai décliné pas mal de choses.
– As tu gardé des contacts avec les anciens de la troupe du « Roi Soleil », notamment Christophe Maé ?
Oui, avec Christophe, Victoria, Merwan, Anne-Laure et tous les autres, danseurs ou comédiens. C’est une aventure collective qui a créé des liens : on ne se revoit pas tous les jours évidemment, mais on essaie de s’organiser un diner tous ensemble, au moins une fois par an…
– Que t’a apporté l’expérience « Danse aves les stars » (3ème saison, en 2012) ? Un gain de popularité auprès d’un autre public ?
Je ne sais pas, je suis mal placé pour l’apprécier, mais j’ai constaté que les gens sont extrêmement bienveillants avec moi dans la rue. Il y a une espèce d’empathie pour ma personne, à laquelle « Danse avec les stars » a contribué. Il s’était écoulé quelques d’années depuis « Le roi soleil ». L’ émission a permis de faire une petite mise à jour sur le mec que j’étais devenu, de recréer du lien. C’est une émission de télé, mais je ne l’ai pas vécue comme telle, mais plutôt comme un projet artistique, un spectacle… J’ai eu la chance d’être avec Fauve qui raconte une histoire lorsqu’elle danse, pour laquelle rien n’est gratuit : il faut que sa proposition ait toujours du sens… Je n’étais pas dans une logique de victoire au début, mais j’ai appris beaucoup en me mettant en danger : je me suis confronté à des choses personnelles aussi, en étant généreux et en lâchant des émotions que je n’ai pas eu peur de retenir à travers la danse.
– Tu es un artiste complet : on pourrait s’étonner que le cinéma ou le petit écran n’aient pas encore fait appel à toi comme comédien…
J’ai été sollicité pour des séries ou des téléfilms, mais j’ai décliné. Il faut que je peaufine mon envie de jouer. Ce n’est pas évident de trouver un pont entre la chanson et le cinéma : là encore, tout est question de rôle, de rencontres…
– Après 15 ans de carrière dans des domaines très variés, accepterais-tu d’être coach dans The Voice ?
Ce n’est pas évident ; je ne sais pas quel genre de coach je serais… Mais l’exercice me plairait, je crois. J’aime cette bienveillance et cet accompagnement des coaches envers les candidats : cela dit, les répercussions de l’émission sur tous les candidats sont telles, qu’il faut être prudent…
– Tu vas fêter tes 40 ans en juin prochain, comment le vis-tu ?
J’accueille cette étape dans ma vie, avec paix et bonheur. A travers ce métier, qui est aussi un métier d’image et qui n’est pas simple, je suis assez content d’être celui que je suis devenu, bien dans ses pompes, en accord avec lui-même…En vieillissant, je pense avoir fait les choix qui font en sorte que tout me parait plus simple et plus cool aujourd’hui…
Propos recueillis par Eric Chemouny
crédit photos: D.R. / Mercury / Universal
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