MICHEL LEGRAND
L’hommage féminin pluriel…
Pour ses images nostalgiques, tendres et colorées, et son sens graphique précis et aiguisé, on peut imaginer que Jacques Demy et Michel Legrand auraient adoré le talentueux Olivier Coulon et son univers pictural si riche et éclatant de vie. Mais celui-ci est né trop tard pour que la rencontre ait lieu… Si bien qu’après la pluie d’hommages mérités qui a suivi la disparition du génial musicien, dans la nuit du 25 au 26 janvier dernier, nous avons voulu réparer ce rendez-vous manqué en proposant à notre collaborateur de réaliser quelques portraits du maestro et de ses interprètes les plus emblématiques, sur grand écran comme sur vinyle. Nous ne pouvions imaginer plus belle consécration du grand amoureux des femmes et des chanteuses qu’était monsieur Legrand…

CATHERINE DENEUVE
Des « Parapluies de Cherbourg » (1963), aux « Demoiselles de Rochefort » (1967), en passant par « Peau d’âne » (1970), trois films musicaux ayant rencontré un triomphe international, Catherine Deneuve doit, sans aucun doute, d’être devenue une icône entrée dans la légende du cinéma français grâce au tandem composé du réalisateur Jacques Demy et du compositeur Michel Legrand. Bien qu’elle ait été doublée par Anne Germain, chacune de ses chansons issues de leurs films, qu’elle connait encore aujourd’hui sur le bout des doigts, est devenue un standard dont elle reste l’interprète éternelle pour plusieurs générations, malgré les diverses versions ayant existé depuis dans toutes les langues (« La chanson des jumelles », « La recette du cake d’amour »…). Le succès de l’adaptation de « Peau d’âne » au Théâtre Marigny à Paris en est la dernière preuve. Au-delà de ce triplé gagnant, la grande Deneuve a aussi chanté Legrand (avec sa vraie voix) à l’occasion d’un show télévisé glamour et élégant des Carpentier en 1981 : « Quand on s’aime », en duo avec Depardieu…

DELPHINE SEYRIG
Sa prestation dans le rôle de la fée des Lilas, moderne, farfelue et irrévérencieuse, dans « Peau d’âne » a beaucoup contribué au succès du conte musical, et a marqué la carrière de l’actrice culte d’une génération, au phrasé si singulier et au physique si racé. La chanson « Les conseils de la fée des Lilas » (doublée par Christiane Legrand) est un petit bijou de sagesse et de bienveillance, à jamais associée à son image pleine de grâce et de fantaisie.

FRANCOISE DORLEAC
Indissociable de sa soeur Catherine Deneuve, Françoise Dorléac restera pour toujours la rousse Solange des « Demoiselles de Rochefort », aussi maligne et piquante, que la blonde Delphine est pure et naïve. « La chanson des jumelles » est assurément une des chansons les plus connues et reprises du répertoire de Michel Legrand, tant elle est fraîche et jubilatoire pour ses interprètes. Disparue tragiquement dans un accident de voiture le 26 juin 1967, à seulement 25 ans, alors qu’elle s’apprêtait à présenter à Londres la version anglaise des « Demoiselles… », elle a marqué – malgré une courte carrière – le cinéma français de son charme et de son empreinte, laissant derrière elle un immense chagrin, de grands films et d’éternels regrets : « L’homme de Rio », « La peau douce », « La ronde », « Cul de sac »…

DANIELLE DARRIEUX
La légende du cinéma français, décédée en 2017 à l’âge de 100 ans, après avoir tourné 110 films en 8 décennies, reste elle aussi ancrée dans l’univers du tandem Demy-Legrand, depuis son rôle de maman célibataire des jumelles dans « Les demoiselles de Rochefort ». Déjà chanteuse dans de nombreux films dans les années 50, « La chanson d’Yvonne » qu’elle interprète elle-même de sa voix claire, reste un monument de mélancolie introspective et un des temps forts de la mythique comédie musicale. Si l’occasion lui a souvent été donnée ensuite de retrouver « sa fille de cinéma » Catherine Deneuve, les deux actrices étaient à l’affiche de « Huit femmes » de François Ozon en 2002, dans lequel mademoiselle Darrieux reprenait avec émotion « Il n’y a pas d’amour heureux » de Françoise Hardy d’après le poème de Louis Aragon.

SOPHIE DAUMIER
Après avoir grandi dans un milieu musical et débuté comme chanteuse au cabaret parisien « La Nouvelle Eve », celle qui fut la partenaire et épouse de Guy Bedos pendant 12 années (1965 à 1977), a aussi été une des interprètes de Michel Legrand. S’il déclarait alors vouloir écrire tout un album pour la comédienne chanteuse aux faux-airs de Bardot, il a signé pour elle en 1966, avec la complicité du grand Francis Lemarque, les 4 chansons d’un EP charmant et frais à redécouvrir : « L’oiseau du jour, l’oiseau de nuit », « je pense, donc j’essuie », « Clair de brume », et « Auprès de lui ».

BARBRA STREISAND
En 1983, la star Streisand confiait à son ami Michel Legrand la BO de son film comme actrice, productrice et réalisatrice : « Yentl ». Aujourd’hui encore, la chanson « Papa Can You Ear me ? » demeure un des succès les plus connus et émouvants du répertoire de la Diva. Quant à Legrand, déjà récompensé pour sa musique de « L’affaire Thomas Crown », avec Faye Dunaway et Steeve Mac Queen (contenant le tube (« The Windmills of your Minds » / « Les moulins de mon coeur » récemment reprise par Juliette Armanet en guise d’hommage dans l’émission « Quotidien »), la BO de « Yentl » lui valut un troisième Oscar de la meilleure musique de film en 1984. A sa disparition, Streisand se rappelait avec émotion : « J’ai eu le plaisir de travailler avec Michel pour la première fois en 1966 lorsqu’il a arrangé mon album français « Je m’appelle Barbra » et nous avons souvent travaillé ensemble ensuite ».

NANA MOUSKOURI
On l’oublie souvent mais Nana Mouskouri est, à ses heures, également une grande chanteuse de Jazz, et une musicienne dotée d’un sens du Swing imcomparable. Cela n’a pas échappé à Michel Legrand qui signa son premier succès en France («L’enfant au tambour », en 1964), puis un EP en 1965 contenant le tube bien balancé « Quand on s’aime » en duo, mais aussi les chansons « Et si demain », « Connais tu ? », « La musique des étoiles ». La star internationale confiait dernièrement : « Michel Legrand restera un des plus grands musiciens de notre siècle. Jusqu’au bout de son chemin d’artiste, il n’aura jamais cessé de créer. Ses notes étaient comme les vibrations de ses émotions et ses harmonies ont été comprises et adorées dans le mode entier pendant plus de 60 ans ».

PETULA CLARK
La star internationale Petula Clark restera aussi une inoubliable interprète de Michel Legrand, pour avoir prêté sa voix, sa fraîcheur et son délicieux accent acidulé à deux chansons de la bande originale du film d’Anatole Litvak, « La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil » (1970), dont le génial musicien a signé une bande originale aux accents psychédéliques, bien ancrée dans l’époque (« Je roule » et sa version anglaise « On the Road »). Le long métrage adapté d’un roman de Sebastien Japrisot (cf. « L’été meurtrier ») reste aujourd’hui un des films de référence de Quentin Tarantino.

DALIDA
Dalida, reconnue (trop tard hélas…) comme une grande actrice pour son rôle dans « Le sixième jour » de Youssef Chahine, à également séduit Michel Legrand par son talent d’interprète hors-pair capable de se glisser dans tous les styles musicaux avec le même talent : en 1971, il composait pour elle avec Jean Dréjac, la chanson « Une vie” Nous ne pouvions l’oublier, même si à l’époque la chanson fut éclipsée par sa reprise monumentale de la chanson de Léo Ferré : « Avec le temps »…
Par Eric Chemouny
Illustrations d’Olivier Coulon (DR – reproduction interdite) JeSuisMusique remercie amicalement Olivier Coulon qui a su une fois de plus mettre en couleurs l’hommage que nous souhaitions rendre à Michel Legrand. Un infini merci pour son talent, sa fidélité et sa générosité.
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