MATTHIEU CHEDID

Le grand retour de M !

Enrichi de ses récentes aventures musicales (l’album collectif « Lamomali » et la tournée du gang familial avec le père Louis, la soeur Ana, le frère Joseph, suivie d’un album dans la même formation), Matthieu Chédid revient en fanfare avec un 6ème album solo « Lettre infinie », composé de treize chansons plus intimes que jamais : l’occasion pour son personnage M de reprendre du service et revenir en habits dorés cette fois, plus flamboyant que jamais !

C’est assurément un des événements discographiques majeurs de ce début d’année : le soldat M a repris du service ! Et non pas sous l’uniforme rose qui lui allait si bien dans le comédie musicale pour enfants « Le soldat rose », mais avec coiffure casque et costume couleur or, histoire pour Matthieu de se glisser dans la peau du fantasque M et souligner un certain « âge d’or », celui de ses 20 ans de carrière au sommet son art… Pourtant, en créant ce personnage proche des super-héros de mangas japonais (on pense inévitablement à Osamu Tezuka, le maitre du genre), il s’agissait pour le jeune homme réservé qu’il était, de se cacher derrière un alter-ego comme il l’évoquait récemment au JT de France 2 face à Laurent Delahousse : « Le personnage M est né avec l’idée d’aller chercher un masque, une sorte de clone. J’aime le ridicule, et m’amuser de moi-même. C’est important aussi. Je retrouve parfois mes moules invraisemblables… C’est une façon de revenir à la source de soi-même, de ne pas oublier qu’on reste des enfants malgré tout, même si j’ai 47 ans aujourd’hui. Tout cela est un jeu. Mon personnage a connu diverses périodes dans son évolution, comme un peintre : après 20 ans existence déjà, c’est l’âge d’or !  Je voulais aussi signifier que j’étais en proie à une certaine transformation en moi aussi : je vais être papa pour la deuxième fois. C’est un événement incroyable dans ma vie ! « Lettre infinie » est aussi inspiré de l’idée de transmission : la famille Chedid est une famille d’artistes… ».

Difficile en effet, de parler de Matthieu, sans évoquer son père Louis, en lequel il voit un Beatles « à la française », mais aussi sa grand mère, la grande poétesse Andrée, qui signait son premier tube « Je dis M », une chanson emblématique pour lui, et dont le texte a pourtant été écrit en une heure et envoyé par fax… Autres temps, autres technologies…

De même s’il est aujourd’hui reconnu comme un des meilleurs guitaristes de sa génération, pour ne pas dire Guitar-Héros, cet instrument avec lequel il fait corps était avant tout un refuge, un confident pour l’adolescent introverti qu’il était : « La guitare est un bouclier pour moi : adolescent, j’étais complexé, replié sur moi-même, dans mon petit monde. J’ai eu besoin de cette arme poétique pour me défendre… J’en possède une cinquantaine aujourd’hui ; c’est une maladie chez moi… » confie-t-il, avant de se rappeler que c’est chez Alain Souchon, grand ami de son père, que tout à commencé :  « Avec son fis Pierre, Julien Voulzy et toute la bande, on allait squatter dans les greniers de la maison de campagne. Il avait une guitare Gibson, sur laquelle j’ai commencé mes premiers balbutiements de musicien. La belle histoire est que David Mc Neil, grand ami d’Alain Souchon et fils de Chagall, et parolier incroyable, était agacé parce qu’on faisait beaucoup de bruit dans ce grenier : il est venu me voir pour me dire que si je voulais jouer de la guitare, il fallait que j’apprenne des accords, ce qu’il m’a appris. Ca a été un déclic absolu. Je suis rentré en demandant à ma mère de me payer des cours. La boucle est bouclée aujourd’hui, car David m’a écrit une chanson sur « Lettre infinie » ».

Cet album de facture intimiste et littéraire, dont il révèle qu’il s’est construit au fil de ses rêveries, en laissant parler avant tout son instinct et son inconscient, Mathieu en a confié la production à Philippe Zdar (aux mixes) et Thomas Bangalter (co producteur, moitié de Daft Punk), qui ont su merveilleusement l’accompagner dans sa double ambition de composer des chansons éclatantes, dignes de ses plus grands succès, tout en transmettant à son auditeur une certaine proximité : « J’avais envie d’intimité et de pudeur à la fois. A l’ère du numérique, c’est un bonheur de prendre un stylo plume, de le tremper dans un encrier et même de faire des ratures ; les ratures sont importantes dans la création : ça signifie prendre le temps d’écrire… J’avais envie de revenir sans masque, tout en restant pudique. J’ai réalisé qu’en tant qu’auditeur, j’aimais les chansons directes aussi »

Cette importance accordée à l’écriture, M l’a prouvée en offrant ses textes manuscrits à ses auditeurs, comme pour mieux leur livrer sans filtre la genèse même de ses créations, leur cheminement jusqu’à leur accomplissement, ainsi qu’une lettre (dont nous vous offrons plus haut le facsimilé) venant résumer sa démarche, avec la sincérité artistique et la douceur enveloppante et bienveillante qui le caractérisent.

Si le redoutable et malicieux « Superchérie » (renvoyant assurément au tube « Machistador ») était lancé fin 2018 en radio en éclaireur de ce triomphe annoncé, l’album compte assurément d’autres chansons qui marqueront sa carrière à plus d’un titre. A commencer par « L’autre paradis » qu’il dédie à Raphaël Hamburger, son ami aujourd’hui directeur artistique, fils de Michel Berger et France Gall, contemporains de son père Louis. Matthieu a souvent côtoyé le couple de légende dans sa jeunesse et il en aime sans limites l’univers musical : « j’adore leur univers aussi frais que subtil. Ils font partie de mon inspiration, de mon éducation, de ma vie. C’est tellement beau. Je l’ai d’abord pensée comme une mélodie intemporelle, et je lui ai apporté un petit côté années 80, comme une ode à mon adolescence ». Toutes aussi émouvantes pour leur simplicité et leur dépouillement, « L.O.I.C.A » et « Une seule corde » brillent de toute leur vérité sur de sensibles et élégantes mélodies. Sans oublier la très engagée « Logique est ton écho » dont l’apparente légèreté mélodique ne fait que rendre l’irresponsable insouciance des hommes face à l’urgence climatique que plus dramatique encore.

Dans un autre registre plus personnel, « Massaï » révèle une duettiste de charme, sa fille Billie : « Il existe une certaine forme de pudeur entre nous, mais j’avais besoin d’une voix féminine sur ce titre. Or, elle chante super bien ; je n’avais pas besoin d’aller chercher plus loin, puisque j’avais un trésor à la maison… Il faut dire qu’elle est entourée de musiciens, entre sa mère, son père, son grand-père, sa tante, son oncle… C’est une filiation ! ». Et d’ailleurs, la pudeur est telle entre le papa et sa fille ainée, qu’il n’a trouvé d’autre moyen pour lui déclarer son amour qu’une chanson, simplement intitulée « Billie », et qui clôture ce petit bijou, sous le signe de l’émotion simple et pure.

Mais qu’on se rassure : le malicieux mister Hyde qui se cache en docteur Chédid, n’a pas pour autant négligé ce côté plus exubérant et délirant qu’on aime aussi chez lui, en enregistrant de grandes chansons plus produites, aux gimmicks addictifs dont il a le secret, à l’instar d’ »Adieu mon amour », de « L’alchimiste » ou du ludique « Grand petit con », un titre redoutable.

Au final, après six ans d’attente d’un nouvel album solo, et le moins convaincant « Îl », notre patience est hautement récompensée et on n’attend plus qu’une chose : voir ces petits bijoux d’originalité et de concision mélodique, prendre vie sur scène, là où M. le magnifique, éternel grand enfant, aimant se déguiser et retrouver la pureté et l’innocence du petit Matthieu, est plus que jamais dans son élément ! Ca tombe bien, a justement commencé une tournée monumentale, passant par le Cirque d’Hiver Bouglione à Paris, pour 9 concerts exceptionnels (complets), depuis le 8 et jusqu’au 22 février prochain !

Eric Chemouny 

crédit photos: Yann Orhan (DR / Cinq 7 – Wagram) / texte manuscrit de Matthieu Chedid (DR)

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