RENAUD, MC SOLAAR ET INDOCHINE :
Le sacre de la SACEM !
Nous vous l’annoncions dans notre dernier numéro, les Grands Prix de la SACEM 2018 étaient remis le 10 décembre dernier, dans la prestigieuse salle Pleyel à Paris, devant un parterre d’artistes et de professionnels du monde de la musique. De toutes les musiques, dans toutes leurs diversités. Une soirée exceptionnelle, à laquelle on pouvait assister, entre autres hommages, à la consécration de trois monuments de notre patrimoine musical : Renaud (catégorie chanson), Nicola Sirkis / Indochine (Rock) et MC Solaar (Rap)… Nous vous en avons rapporté l’album photos souvenir, commenté de nos vibrations personnelles. En bonus, un flashback sur les témoignages d’illustres lauréats des précédentes éditions…

C’est désormais une tradition et une cérémonie très attendue, en marge des plus médiatisées Victoires de la Musique et autres NRJ Awards, les classieux Grands Prix SACEM sont décernés chaque année à l’issue d’un vote du Conseil d’administration de la vénérée institution, afin de récompenser des auteurs, auteurs-réalisateurs, compositeurs et éditeurs de musiques, membres de la SACEM, pour leur activité lors de l’année écoulée, mais aussi pour l’ensemble de leur carrière.

Après Isabelle Carré en 2017, la lourde tâche de présenter et animer cette soirée, retransmise en direct sur le portail de la SACEM, revient cette année au facétieux Vincent Dedienne, dont on sait toute l’affection qu’il porte à la chanson française, de Barbara à Jean Ferrat. D’ailleurs, la « maitresse de cérémonie », comme il s’auto-proclame lui-même, déclare d’emblée préparer un album de chanteur à sortir sur le Label Tôt ou Tard… Il n’hésite pas à écorner au passage le chanteur Vianney, à l’affiche du film « Ma mère est folle » pour son premier rôle d’acteur aux côtés de Fanny Ardant. Difficile de savoir si Dedienne dit vrai, tant le ton est à la franche rigolade et au second, voire troisième, quatrième degré… Avec toujours en filigrane cette hyper-sensibilité et cette grande tendresse, qu’il dissimule difficilement sous ses coups de griffes vachards.

Bien décidé à casser les codes du genre, il officie dans un décor de salle de bain, créé à sa demande pour l’occasion, et multiplie les facéties et commentaires cinglants sur le petit monde de la chanson. Pour preuve, les remettantes sont d’illustres anonymes qu’il rebaptise au gré de ses humeurs, assistés d’un certain Jean-Paul, pas davantage connu, sauf quand à celui-ci se substituera le vrai Jean-Paul Rouve… De même, afin d’apporter un peu de légèreté à la traditionnelle séquence hommage aux disparus, trop nombreux hélas cette année (Aznavour, Hallyday, France Gall, Maurane, Higelin, Horner, Barouh, Jouannest, Lockwood, Taha, Eidel, Lai…), il fait précéder celle-ci d’un diaporama d’artistes et personnalités bel et bien vivants… Parce qu’il en a décidé ainsi, et puis c’est tout. Rappelons que la soirée s’ouvre sur un medley de tous ces artistes chantés par les petits écoliers chantants de Bondy. Pour autant, s’il a choisi le ton de l’humour plutôt que celui de la gravité solennelle, Dedienne n’oublie pas de rappeler combien de son enfance à l’arrière de la Renault 21 de ses parents, en passant par son adolescence à l’internat, son premier amour, ses vacances en Corse, ou la crémaillère de son premier appart, les chansons de ces grands disparus ont ponctué toutes les étapes de sa vie. On n’oubliera pas de sitôt son numéro de duettiste avec Jérôme Commandeur, récompensé pour le Grand Prix de l’humour, lequel se déclare honoré de succéder à Nana Mouskouri… Quant à ses illustres prédécesseurs humoristes (Robin, Foresti…), il avoue avec une mauvaise foi sans précédent n’en connaitre aucun : désopilant ! Sans compter l’émotion soulevée par le duo de Vincent (comme chanteur cette fois), accompagné de son ami Alex Beaupain au piano sur « Les mots » de Renaud.

Pour autant, tous ces numéros de fantaisie n’enlèvent rien à la solennité de la cérémonie, lorsqu’il s’agit de récompenser des artistes et professionnels de la musique à la hauteur de leur talent : entre autres grands moments de cette cuvée 2018, on retiendra les belles prestations de Calypos Rose, toujours aussi joyeuse et fraiche, récompensée du Grand Prix des Musiques du Monde : « Thank You France ! » lance-t-elle avec une reconnaissance non feinte, qui n’est pas sans rappeler celle d’une Cesaria Evora à ses débuts chez nous. Ou encore celle d’Imany, Grand Prix du répertoire à l’export, somptueuse dans sa robe lamée, et venue apporter avec « Don’t Be So Shy », un peu de rythme à une soirée un peu guindée. Adorée de tous, la délicieuse Angèle apparait, elle, plus sage qu’à son habitude, coiffée d’un béret et telle un bonbon dans son costume rose, pour se voir décerner le Prix de la révélation, en attendant plus, tant on lui prédit une grande carrière. Dans la foulée de son tube « Tout oublier », elle n’omet pas de remercier son éditeur et son label Initiale, de son délicieux accent belge.
Un peu plus loin dans la soirée, Alain Chamfort en duo avec la délicate Maissiat, fait vibrer la salle d’émotion sur la magnifique chanson « Les microsillons » (déjà chantée pour l’émission Alcaline avec Juliette Armanet), afin d’illutrer la remise à son parolier Pierre-Dominique Burgaud (cf. Le soldat Rose, 1,2,3), du Grand Prix de la Chanson, catégorie créateur, lequel n’oublie pas de remercier tous ses illustres compositeurs, et ils sont nombreux de Francis Cabrel, à Louis Chédid ou Gaetan Roussel…

Côté Rap, Mc Solaar, Grand Prix des Musiques Urbaines (lequel ne chante pas hélas) et Orelsan, Prix Rolf Marbot de la chanson de l’année, avec « Basique » (qu’il chante en direct) viennent rappeler, combien les musiques urbaines ont acquis, notamment grâce à leur talent respectif, leurs lettres de noblesse au coeur du répertoire française. C’est l’acteur Jean-Paul Rouve qui remet le prix au rappeur : « Je suis un peu ta marraine, ta Line Renaud… ». Les deux chanteurs soulignent la chance d’avoir un organisme tel la SACEM qui soutient les artistes, d’où qu’ils viennent.

Pour preuve, Etienne de Crécy, est aussi récompensé du Grand Prix des Musiques électroniques, remarque qu’il a davantage l’habitude de se présenter au public entre deux et quatre heures du mat’. De même, Pascal Parisot, après des débuts difficiles dans le Pop au début des 90’s, se voit enfin récompensé pour son répertoire à destination du jeune public, une forme d’expression délicate. Côté international, Ed Sheehan, absent, se fend d’un sympathique message video, qu’il conclue d’un « I Love France ! ». We love you too, Ed…

Mais les séquences les plus fortes et émouvantes resteront sans conteste, en raison de leur présence inespérée, celles du sacre de Nicola Sirkis et Renaud. Le chanteur d’Indochine désormais peroxydé, Grand Prix de la chanson française, catégorie créateur-interprète, est visiblement très ému d’une telle reconnaissance au terme de 40 ans de carrière avec des hauts et des bas, notamment lorsqu’il évoque les membres de la première époque, et son frère Stephane tristement disparu. S’il chante « Troisième Sexe » d’une voix hésitante, il se déclare « très honoré d’être récompensé par de vrais professionnels et amateurs de musique ». A bon entendeur…

Enfin et surtout Renaud fait frissonner la salle de sa seule présence. Absent des médias et de la scène depuis 18 mois, la légende apparaît lunettes fumées, la démarche chancelante et la voix rocailleuse, pour recevoir des mains de son frère jumeau, le Prix Spécial de la SACEM, après avoir remercié sa famille, ses copains, et surtout la SACEM, en rappelant que sans cette mère nourricière « nous serions tous des gilets jaunes… ». Le chanteur a beau avoir annoncé son retour et un nouvel album consacré au thème de l’enfance prochainement, on le sent très fragile et ces moments n’en ressortent que plus rares et précieux…
Devant un moment aussi unique dans l’histoire de la chanson, autant dire qu’il y’a des yeux qui brillent dans la salle, comme sur la scène : à commencer par ceux de son ex-compagne Romane Serda, venue en toute discrétion, alors que que le trublion Vincent Dedienne, s’éclipse pour laisser toute la lumière à la Chetron sauvage ! Et la petite phrase de l’humoriste de résonner encore et encore dans nos esprits en quittant la salle : « Un chanteur est quelqu’un qui accompagne votre vie. Un chanteur est un ami que l’on garde toute sa vie… »
Eric Chemouny
ILS ONT DIT :
JACQUES HIGELIN : « J’aime quand on vient me dire : on a grandi avec toi, tu n’as pas démérité de ceux qui t’ont précédé, ni de ceux qui t’ont suivi… » (Grand Prix de la chanson française 2009)
CAMILLE : « Merci pour ce prix qui récompense la partie la plus intime de mon travail : celle de l’écriture de chansons » (Grand Prix de la chanson française 2012)
ETIENNE DAHO : « Il y a des moments très particuliers dans une vie où on a l’impression qu’on vous souffle dans le os… J’ai vraiment la sensation de vivre un moment comme ça avec ce prix… ça fait tellement plaisir ! » (Grand Prix de la chanson française 2013)
BOB SINCLAR : « Je ne pouvais imaginer dans mes rêves les plus fous d’arriver devant vous ce soir. Vous m’accueillez dans votre famille de musiciens. Merci infiniment » (Grand Prix des musiques électroniques 2015).
IAM : « On n’est pas des familiers des prix, mais quand on en reçoit, un et surtout un qui récompense notre activité artistique, ça fait plaisir juste pour la musique, pour ces 30 ans d’activisme dans le hip-hop » (Grand Prix des musiques urbaines 2016).
ADAMO : « Je suis très touché. C’est très particulier parce que ce prix m’est offert par ma confrérie, les artistes, les saltimbanques, les chasseurs de rêves, et leur ambassadrice, la SACEM. Je me sens accepté et adopté ». (Prix spécial de la SACEM 2017).
JAIN : « Je suis hyper fière d’avoir ce prix » (Grand Prix du répertoire SACEM à l’export)
PALMARÈS 2018 :
ANGELE : Prix Francis Lemarque de la révélation
ORELSAN « Basique » : Prix Rolf Marbot, de la chanson de l’année
PIERRE-DOMINIQUE BURGAUD : grand prix de la chanson française (créateur)
L’ARTISTE « Chocolat » : Grand Prix de la SDRM
JEROME COMMANDEUR : Grand Prix de l’humour
ETIENNE DE CRECY : Grand Prix des musiques électroniques
MICHEL DUVAL Because éditions : Grand Prix de l’édition musicale
MICHEL GONDRY : Grand Prix de l’auteur réalisateur de l’audiovisuel
IMANY : Grand Prix du répertoire Sacem à l’export
MC SOLAAR : Grand Prix des musiques urbaines
PASCAL PARISOT : Grand Prix du répertoire jeune public
RENAUD : Prix spécial de la SACEM
COLIN ROCHE : Grand Prix de la musique symphonique (jeune compositeur)
PHILIPPE ROMBI : Grand Prix de la musique pour l’image
CALYPSO ROSE : Grand Prix des musiques du monde
PHILIPPE SCHOELLER : Grand Prix de la musique symphonique (carrière)
ED SHEERAN « Shape of You » : Prix de l’oeuvre internationale de l’année
NICOLA SIRKIS – INDOCHINE : Grand Prix de la chanson française (créateur interprète)
LAURENT DE WILDE : Grand Prix du Jazz.
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