GAETAN ROUSSEL
Pris dans le trafic !
Décidément, rien n’arrête Gaëtan Roussel ! Encore auréolé du succès de son aventure musicale, sur disque et en tournée, avec la comédienne Rachida Brakni (« Lady Sir ») et deux ans après le retour inattendu de Louise Attaque, le prolifique auteur-compositeur-interprète reprend déjà sa place dans le « Trafic » et la course au succès. En solitaire cette fois, avec un troisième opus sous son nom, dans l’excellente descendance du premier essai « Ginger » (2010) …
De son propre aveu, ce troisième volet de son triptyque musical en solo, le chanteur l’a voulu comme un disque à double face, la synthèse de sa double influence hexagonale et anglo-saxonne, entre rock et chanson française. Conçu de Paris à Los Angeles, « Trafic » s’inspire à cet effet de la démarche de son maître Alain Bashung, qui l’a influencé en son temps à s’engager dans une carrière solo : « Sans lui, je n’aurais jamais pensé à faire des disques solo, quitter la rive et voir ce qui se passait dans le continent d’en face » se rappelle le chanteur.
Si son titre percutant peut surprendre, il s’est imposé d’emblée au chanteur pour de multiples raisons : « Parce qu’il y en a partout : trafic aérien, trafic de son, trafic d’émotions, trafic d’influences, trafic d’argent. Des termes qui peuvent être tantôt très pesants, tantôt légers. C’est aussi le nom du camion avec lequel on a tourné avec Louise Attaque, le titre d’un film de Jacques Tati qui m’a beaucoup marqué. Je me rappelle aussi qu’étant petit, ma grand-mère me disait souvent : qu’est-ce que tu trafiques ? ».
S’il reconnait que le précédent « Orpailleur » (2013) avait de quoi dérouter les fans de ses chansons brutes et efficaces, aux refrains si addictifs (« ce disque était avant tout une recherche de sons et de matières »), il semble s’être ici appliqué à plutôt revenir à la veine énergique et créatrice du premier album à succès, « Ginger » qui lui valut une reconnaissance personnelle, de la part du public et du métier : « Je voulais être généreux, avoir un son large, lisible, limpide, qui parvient directement à l’auditeur. « Trafic » est une véritable collection de chansons, énergiques et dansantes, qui utilisent des choeurs, les rythmiques »… On ne le contredira pas, tant il est vrai que les onze titres s’enchainent dans une parfaite et fluide architecture musicale, entrainante et addictive.
A l’origine de cette réussite qui dévoile un Roussel à la fois renouvelé et conforme à ce qu’on attend de lui, la rencontre lors d’un atelier d’écriture à Los Angeles, avec l’Australien Justin Stanley, et le suédois Jonas Marin, deux multi-instrumentistes, avec lesquels l’osmose fonctionne mieux qu’il ne pouvait l’espérer : « C’est avec de nouvelles personnes qu’on raconte la même chose, qu’on trouve des formats différents », reconnait Gaëtan avec son humilité légendaire. Enregistré entre mai et décembre 2017, « Trafic » doit aussi sa cohérence à des collaborations plus attendues, mais tout aussi bienvenues : le DJ Dimmi avec lequel il écrit « N’être personne », les musiciens Joseph Dahan (un ex de La Mano Negra et Wampas), Nicolas Musset (batteur), Colin Russeil (cf. Radio Elvis, Lady Sir, aux percussions), Jean-Max Mer et Johan Dalgaard (aux claviers), François Poggio (cf. Daho, Lou Doillon, aux guitares), sans oublier le brillant producteur Antoine Gaillet (cf. Miossec, Fishbach, Julien Doré) chargé d’assurer une cohérence à l’ensemble : autant de talents extérieurs que l’artiste se félicite d’avoir sollicités. « Comme j’ai pu le constater avec Bashung, et au sein d’autres projets collaboratifs, on n’est pas obligés d’être seul quand on joue en solo. Si un autre musicien intervient sur nos chansons, il faut toujours lui offrir la possibilité de s’exprimer. Même si c’est à moi de trancher, j’accepte aussi de m’interroger, de prendre des risques, de préserver l’urgence, tout en étant patient. Tout est question d’équilibre ».
Si le musicien semble ici plus que jamais attaché à soigner le son, et entrainer son auditeur dans des rythmiques souvent dansantes, sur fond de Rock, Power Pop, ou Electro, l’homme se révèle plus que jamais sensible, profond et introspectif dans les thèmes abordés avec souvent beaucoup de simplicité et un sens de la formule qui fait mouche : « la musique doit interpeller les tripes, la tête mais aussi les pieds ». Ainsi le dansant « Hope » évoque le thème de la mémoire, celle que l’on l’on perd irréversiblement, sujet ô combien d’actualité, tandis que « Ne tombe pas » joue du parallèle entre le fait de tomber amoureux et les addictions de toutes sortes. Le très personnel « Tellement peur » traite pour sa part des phobies obsessionnelles de l’artiste dans toutes ses faiblesses avouées et ses fragilités : « Peur de devenir aigri, de manquer de pudeur, de ne pas ouvrir mon coeur ». Autant de sujets qu’il aura explorés et creusés dans son recueil de nouvelles « Dire au revoir » publié en 2017 chez Flammarion, un exercice alors nouveau pour lui, mais qui n’aura pu qu’influencer le parolier dans sa quête du mot exact et de l’émotion juste.
Mais la perle de cet album de haute-tenue restera sans aucun doute « Tu me manques (et pourtant tu es là) », le duo qu’il s’offre avec Vanessa Paradis, déjà interprète historique de Gaëtan en 2009 avec le tube « Il y a ». Avec simplicité et émotion, le tandem nous envoûte et nous renvoie à nos propres ultra-modernes solitudes à coup d’images distillées comme des Polaroïds au pouvoir évocateur et d’une grande poésie : « Quel bonheur de partager une chanson avec Vanessa. Notre duo a été aussi fluide que naturel » raconte-t-il.
Tout le bonheur est pour nous cher Gaëtan !
Eric Chemouny
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Gaetan Roussel sera en concert à Paris Salle Pleyel le 13 décembre 2018
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crédit photo : Yann Orhan (D.R. / Barclay / UM)
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