LES FRANCOFOLIES DE MONTREAL
30 ans de paroles et musiques !
Du 8 au 17 juin dernier, se tenaient les 30èmes Francofolies de Montréal, devenue pour l’occasion le carrefour de toutes les musiques francophones et le lieu de rendez-vous des artistes les plus populaires du moment, des deux côtés de l’Atlantique ! Nous y étions et vous en avons rapporté quelques souvenirs encore tout frais et un album des grands moments du festival…
Comme chaque année aux Francos de Montréal plus qu’à tout autre festival, la première difficulté est de sélectionner le maximum de spectacles à aller applaudir, tant l’offre est ici gigantesque et variée : sur dix soirées, plusieurs centaines d’artistes d’expression francophone de styles très différents sont en effet programmés, tant sur des sites extérieurs gratuits de taille variable à partir de 17h autour de la Place des Arts dans le quartier des Spectacles, situé en plein centre ville, que dans des salles et théâtres plus traditionnels pour des concerts payants. Difficile donc de choisir entre d’une part, des artistes français venus confirmer leur succès auprès de la Belle Province, ou encore séduire un tout nouveau public, et d’autre part, des artistes québécois, installés ou pas, tous plus talentueux et singuliers dans leur discipline les uns que les autres. Sans compter les incontournables créations spéciales, conçues exclusivement pour l’évènement et marquant par leur qualité ou leur originalité, chacune des éditions : car c’est aussi une spécificité des Francos de Montréal, que de proposer chaque année des spectacles uniques, quand tant d’autres festivals hexagonaux se contentent finalement de croiser des tournées estivales d’artistes interchangeables.
C’est justement un de ces événements spéciaux qui suscite notre envie le premier soir, vendredi 8 juin, au théâtre Maisonneuve : « Le renarde, sur les traces de Pauline Julien ». Une troupe de chanteuses québécoises, toutes générations confondues, a choisi de rendre hommage à la légende québécoise disparue (c’est un peu la Anne Sylvestre locale, à laquelle il est d’ailleurs fait référence), dans un joli patchwork de textes et de chansons. Erika Angell, Emilie Bibeau, Isabelle Blais, Fanny Bloom, Sophie Cadieux, France Castel, Frannie Holder, Queen Ka, Louise Latraverse, Amélie Mandeville, Klô Pelgag et Ines Talbi sont au diapason de l’émotion, de la sensibilité et de la modernité dans cette ode à un artiste féministe, moderne et engagée.
Ce même soir, et les trois suivants, c’est le grand retour de Roch Voisine, dans la petite Cinquième Salle, avec un spectacle intitulé « Une heure avec ». Le chanteur de charme a décidé de rencontrer ses fans, pourtant toujours nombreuses, dans un cadre intimiste, et de revisiter ses grands succès aux couleurs Folk et Country dans leur plus simple appareil, entouré de deux musiciens, et s’accompagnant lui-même à la guitare. Le chanteur à la voix de velours et à l’interprétation toujours aussi impeccable n’est jamais apparu aussi détendu, en phase avec lui-même, et plein d’humour et d’autodérision, notamment lorsqu’il introduit son tour de chant avec « Hélène », se demandant si la salle n’allait pas se vider ensuite. Il se permet même de railler son compatriote chanteur, lorsqu’il ouvre un piano à queue, se transformant en bar plein de bouteilles bien entamées : « Ce sont les restes de Garou ! » s’amuse-t-il. Dans l’après-midi, c’est avec cette même décontraction qu’il nous aura accordé une interview bilan de ses 30 ans de carrière au sommet, à lire dans ce numéro…
Le lendemain, Clara Luciani, très attendue ici à force d’être présentée comme le coup de coeur de son ami Pierre Lapointe, qui ne tarit plus d’éloges sur elle, offre un showcase gratuit sur la petite scène de la zone Coors Light : elle fait sensation avec les chansons de son premier album « Sainte-Victoire », toute en précision dans son interprétation et son jeu de scène désormais très au point. La foule massée au plus de près de la scène est conquise, et visiblement, elle compte déjà de nombreux fans québécois, à commencer par la chanteuse Charlotte Cardin venue incognito écouter sa consœur. On retrouvera Clara, toujours aussi convaincante, en première partie d’Eddy de Pretto le lendemain au Mtélus. De son côté à Maisonneuve, le grand chanteur Claude Dubois (l’homme de « Starmania », « Le Blues du Businessman », c’était lui…), remis de graves problèmes de santé, offre un best of de ses plus grands succès avec beaucoup d’énergie et de professionnalisme. Mais en ce doux samedi soir de printemps, c’est Eric Lapointe, la légende du rock québécois (souvent appelé le « Johnny Hallyday » local) que le public populaire est venu applaudir en famille sur la place des Festivals pour un gigantesque concert gratuit et survitaminé.
Le dimanche 10, sur cette même scène, la délicate Klô Pelgag offre un spectacle original et de toute beauté avec l’orchestre du temple thoracique, tandis que Eddy de Pretto est véritablement accueilli en star par ses fans de Montréal au Mtélus. Omniprésent dans les médias québécois et hyper-sollicité de toutes parts, il offre un show tout en intensité, quasiment seul sur scène, le visage à l’ombre de sa casquette et sous des éclairages tamisés, ne ménageant pas son énergie pour convaincre sur ses désormais tubes : « Kid », « Fête de trop », « Random », ou « Normal ». A n’en pas douter, une grande carrière s’ouvre à lui de l’autre côté de l’Atlantique et il reviendra d’ailleurs à Montréal à la rentrée…
Lundi 11, la SACEM présente en showcase extérieur et gratuit deux artistes : le français Josman et la pétillante petite belge Angèle, qui fait l’effet d’une bombe avec son look hyper fresh, ses chansons acidulées faussement naïves (« La thune »), et son énergie à revendre. Au grand étonnement de tous, elle occupe toute la scène de ses chorégraphies toniques et de sa blondeur charismatique. A noter que son frère, le rappeur Roméo Elvis se produisait aussi le samedi soir avec le même succès au Mtélus. Un joli coup double pour les enfants du chansonnier Marka, ayant connu un succès hexagonal dans les années 90. Un peu plus tard, sur la scène Bell, place des Festivals est créé « La traversée » par une fine équipe de chanteurs et chanteuses franco-québécois : Adrien Soleiman, Marvin Jouno, Pomme, Sara Dufour, Antoine Corriveau, Sophie Pelletier et Shawn Jobin. Au terme de ces jolies passerelles musicales entre les deux continents, on reste comme sous le charme d’un fantastique voyage imaginaire en paroles et musiques…
Le 12, alors qu’est annoncé le grand retour de Matmatah, et qu’Amadou et Mariam, réchauffent ensuite le début de soirée sur la scène gratuite Loto Québec de leurs rythmes contagieux, le sulfureux Hubert Lenoir, précédé d’Angèle, enflamme le club Soda. Récompensé du prix Félix Leclerc, le jeune artiste joue de son androgynie et de son sens de la provocation comme personne et sans limites auprès d’un jeune public qui n’en attend pas moins de lui : on sent toute l’influence d’un Freddie Mercury, d’un Iggy Pop ou d’un David-Ziggy-Bowie, chez ce jeune talent qui ne demande qu’à dévorer le monde… Alors que le grand poète Daniel Bélanger investit l’immense scène Bell, on opte pour le grand retour de Catherine Ringer au théâtre Maisonneuve, avec l’originale Fanny Bloom en première partie. La voix des Rita n’a rien perdu de sa superbe, de sa gouaille, ni de sa grâce lorsqu’elle danse (et elle danse toujours beaucoup…) : le public composé de fans des débuts est aux anges, tant sur ses nouvelles chansons issues de son dernier opus au climat apaisé (« Sénior, j’adore », nous aussi…) et qui tiennent une large place dans sa setlist, que ses anciens tubes.
Sur cette même scène, on retrouvera le lendemain Pomme, très convaincante sur les chansons Folk de son premier opus « A peu près », ouvrant le show de Camille, dont c’est le grand retour après dix ans d’absence. Tout en voix et percussions, celle qui apparait entièrement voilée dans la pénombre sur les premiers titres du spectacle, achève de convaincre un public plutôt élitiste et intello qui la suit ici depuis ses débuts (voir notre interview dans ce numéro).
De son côté Gaël Faye, précédé du succès littéraire de son ouvrage « Petit pays » rencontre un joli accueil à l’Astral, tandis que Feu!Chatterton et l’Impératrice rassemblent les fans de Pop Rock sur la scène du Mtélus. Mais le public populaire et familial se sera pour sa part rassemblé Place des Festivals, malgré la pluie, pour faire un triomphe à la blonde Marjo, la mamie du Rock local, qui à 65 ans n’a rien perdu de son envie de tout casser pour mettre Montréal à ses pieds ! Oh yeah…
Jeudi 14, est un grand jour : notre « petite amie » préférée Juliette Armanet se présente en toute modestie au public montréalais dans la petite salle de l’Astral. Gaël Faure, déjà venu il y a trois ans aux Francos, ouvre le bal avec les chansons de son superbe album « Regain ». Contre toute attente, c’est dans une salle pleine à craquer et composée de fans franco-québécois connaissant toutes ses chansons au mot près, que la chanteuse entame son concert dans son costume doré (cf. notre reportage dans ce numéro).
Pendant ce temps, Saule, Lafayette, le duo Hollydays et Grand Corps Malade défendent les couleurs de la chanson française, tandis que le québécois Patrice Michaud, déjà applaudi dans le cadre de « Montréal en lumière » cet hiver, savoure le succès de son album « Almanach » multi-récompensé dans son joli blouson doré.
Le jour suivant, Gaël Faure s’offre un deuxième round, seul et en vedette à 19h, sur la place des Festivals, toujours aussi souriant, détendu et en pleine possession de ses chansons, dans sa chemise Hawaii très estivale. Le temps de l’écouter sur quelques premiers titres et on file assister à une autre création spéciale, dans la très intimidante et splendide Maison Symphonique de Montréal où Jane Birkin et Pierre Lapointe s’étaient produits les années passées : sous la direction de Simon Leclerc, l’orchestre symphonique de Montréal offre un spectacle « Brel symphonique », en hommage au grand Jacques, toujours très populaire et respecté. Bïa, Luc de la Rochelliere, Pierre Flynn, Marc Hervieux, Andréa Lindsay, Catherine Major, Danielle Oddera, Paul Piché, Bruno Pelletier et Diane Tell se succèdent pour reprendre, à leur manière, les intemporels standards du maître-à-chanter. Les prestations sont certes inégales (mention spécialeé pour Diane Tell et Luc de la Rochellière, parfaits), il faut bien l’avouer, mais le public est globalement conquis, par la puissance du répertoire et la beauté des arrangements. Un des temps forts de cette édition…
Le même soir, et le lendemain, au théâtre Maisonneuve, c’est la star Pierre Lapointe qui présente son spectacle « La science du coeur ». Il reçoit en première partie Hollydays, puis le samedi, le très prometteur et dégingandé Voyou. Si nous avons déjà eu la chance de voir ce spectacle en avant-première à Paris cet hiver, on ne se lasse pas de ré-écouter les splendides chansons de celui auquel nous consacrions la cour de notre numéro 2, dans le halo de tubes lumineux verticaux et dynamiques qui l’habillent ici encore. Côté vestimentaire, s’il porte encore le long manteau noir, sobre et solennel égrené à Paris, il s’autorise une autre tenue de scène plus colorée et farfelue, dont il a le secret. Plus que jamais, le public de fans assidus l’écoute religieusement, s’autorisant quelques rires lorsqu’il contrebalance la mélancolie de ses chansons par quelques passages parlés toujours aussi fins et drôles. Ce samedi soir, Polo & pan et La Couleur se partagent la scène du Mtélus, et Arthur H. joue au club Soda, précédé du prometteur Bernhari, dont on aime beaucoup l’univers poétique éthéré et la voix cristalline, qui ne sont pas sans rappeler un certain Christophe.
En ce dimanche 17 juin de clôture, et alors que Montréal se prépare déjà à accueillir le festival de Jazz, ce sont deux spectacles uniques, événementiels et gratuits qui sont offerts au grand public : tout d’abord, Yann Perreau a choisi de rendre hommage à Jacques Higelin, sur la scène Bell, avec Hubert Lenoir, Catherine Major et Anne Frances Meyer, le temps d’un respectueux concert de reprises, tandis que Luc Plamondon est honoré place des Festivals, avec « La musique est Stone », spectacle hommage au grand parolier de « Starmania ». Ariane Moffatt, Betty Bonifassi, Beyries, Catherine Major, Gabrielle Shonk, Klô Pelgag, La Bronze, Marie-Pierre Arthur, Martha Wainwright, Safia Nolin et Valérie Carpentier sont annoncées… Deux spectacles auxquels nous n’avons pu hélas assister, étant alors dans les airs, entre Montréal et Paris, la tête dans les nuages et dans les jolis souvenirs laissés par cette édition anniversaire, plus riche et prestigieuse que jamais.
Eric Chemouny
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crédit photos : Affiche Francos de Montréal 2018 (D.R.) // Photos officielles : Victor Diaz Lamich , Frédérique Ménard-Aubin, Benoit Rousseau (D.R./Spectra / Les Francos de Montréal ) + Photos Clara Luciani : Eric Chemouny (D.R./JSM)
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CLARA LUCIANI . LES FRANCOS DE MONTREAL 2018 . ROCH VOISINE . CAMILLE . JULIETTE ARMANET . ALEX BEAUPAIN . HOLLYSIZ . LOUANE . COEUR DE PIRATE . CHACUN SA FAMILLE avec ENZO ENZO . NINA MORATO .CONCERTORAMA #11 .
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