LULU GAINSBOURG
Mélodies en sous-sol à l’Européen.
Loin du tapis rouge déroulé pour son premier album, “From Gainsbourg to Lulu” sorti en 2011, Lulu Gainsbourg est revenu à pas feutrés sur la scène de l’Européen pour défendre en toute intimité, son nouvel album “T’es qui la”, jeu de mot comme un pied de nez à un lourd héritage dont il se revendique, mais vis à vis duquel il veut aussi marquer son individualité et prouver qu’il n’est pas que le “fils de…”
Et reconnaissons d’emblée que c’est plutôt convaincant ! Déjà, parce que que Lulu ne se repose pas sur un simple nom de famille souvent prétexte d’un talent absent. C’est même plutôt l’inverse : Lulu cherche à se faire un prénom et il y réussit par le biais de sa connaissance pour la musique qu’il a étudié, ce qui fait de lui un excellent musicien et le sauve d’une certaine facilité artistique, mais aussi parce qu’il marque ses chansons d’un timbre de voix grave qui n’est pas inintéressant, et qui éclipse volontiers des aigus, avouons-le, plus incertains.
Entouré de 3 (bons) musiciens, Lulu à peine éclairés, souligne une certaine proximité avec le public, ambiance qui n’est pas sans évoquer les ombres et lumières des murs sombres de la rue de Verneuil (dont Charlotte semble s’être aussi s’inspirée pour sa propre scénographie actuelle), cette maison familiale dans laquelle il a enregistré une partie de son album. C’est ainsi que, caché par ses cheveux longs et par ses claviers, il se met à nu devant nous, comme s’il voulait tout recommencer, pour nous, ce soir.
Souvenons-nous que nous avions en effet laissé Lulu, en 2013 sur la scène du Casino de Paris, en jeune enfant de la balle, chapeauté, entouré, en toute flamboyance, par un parterre de stars plus dévouées à la cause du père que du fils pour son premier album dédié tout entier à l’oeuvre de son père. Et aujourd’hui, pour ce troisième album, nous le retrouvons, 5 ans plus tard, totalement seul… et on pourrait dire, ENFIN seul ! Comme pour mieux en extraire l’essence même de son talent. Comme pour dire qu’il n’avait pas besoin d’eux pour exister. Comme pour (re)naître. Enfin. Loin des accolades avec Johnny Depp, Iggy Pop, Scarlett Johanson, Marianne Faithfull , Shane Mc Gowan ou Vanessa Paradis – n’en jetez plus ! – c’est en homme seul et simple qu’il s’est présenté à nous ce soir, comme si lui-même avait oublié, en se faufilant entre ces idoles, qu’avant tout, c’est lui qui nous intéresse et qu’on était venus écouter. Il a l’air de presque s’en excuser. Il ne faut surtout pas.
Ses nouvelles chansons originales ont (forcément) l’esprit Gainsbourg dans les mélodies et les sons, dans une évidente et juste filiation, mais sans jamais en recopier la partition. Elles ont surtout la touche de Lulu et de sa compagne Lilou, qui en a écrit les paroles, jeune couple de musiciens qui tracent leur propre chemin de vie en acceptant les liens du passé: paroles et musiques transforment ainsi cet héritage encore présent en modernité pertinente, se dévoilant au fil des 16 chansons que constituent le concert, telles que “Salade composée” ou “Le bal des infidèles”. Au cœur de ce jeune répertoire, Lulu glisse tout de même un élégant hommage à Serge (et disons-le, espéré) en reprenant l’éternelle “Javanaise”, chantée en chœur avec le public, introduite par un trop court extrait instrumental de “La Noyée”, l’un des rares titres de son premier album chanté par lui-même où libéré de ses vedettes, il nous livrait une splendide version nue en piano-voix.
Tout au long de son concert, Lulu évoque cet héritage, sûrement lourd à porter, dont il s’extrait pourtant avec une étonnante facilité, en insufflant sa propre liberté, sans jamais renier ses attaches. Ainsi, plaisante-t-il sur son prénom, “Lucien” dans une chanson éponyme, de même qu’il évoque sa famille et son père dans “jeux d’enfants”, sa maman, Bambou, sur le très émouvant “Mère-ci”, repris par un public, conquis.
Qu’on se le dise, le petit Lulu a bien grandi. Comme sa sœur, ces incarnations marquent le pas de l’affranchissement et à la question “T’es qui là?”, on pourra désormais répondre que l’on sait maintenant…
Gregory Guyot.
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Crédit photos: Gregory Guyot (D.R./@I_am_gregg/ JSM)
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Setlist à l’Européen, 04 avril 2018 : Tequila / L’amour n’a pas d’age / Salade composée / Fazioli / Love is the Key / Le bal des infidèles / intro piano : La Noyée / La Javanaise / Jeux d’enfants / L’artiste / Lucien / Premier pas / Narco / Mère-ci / encore: Destiny / Easy to do it.
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