SYLVIE VARTAN :

Dans le regard de PIERRE & GILLES…


Si Sylvie Vartan est une idole de la chanson depuis plus de 50 ans et l’icône absolue des années 60, Pierre et Gilles, constituent incontestablement le duo d’artistes plasticiens contemporains parmi les plus aimés et reconnus internationalement, tant chacune de leurs images entre d’emblée dans l’histoire de la culture Pop. Si bien qu’il était naturel que leurs univers respectifs se croisent un beau jour de 1994, pour donner lieu depuis à une somptueuse galerie de portraits plus oniriques et poétiques les uns que les autres. Alors que Sylvie sera sur la scène du Grand Rex le 16 mars prochain, pour un concert unique, au cours duquel elle rendra notamment hommage à son amour de jeunesse, Johnny Hallyday, Pierre & Gilles nous invitent actuellement à explorer leur vision du « Temps imaginaire » à la Galerie Templon, à Paris dans le 3ème arrondissement. A l’occasion de cette double actualité, la star a accepté d’inverser les rôles, en exclusivité pour JSM, et de nous livrer son regard plein d’affection et d’admiration pour le génial tandem…

28001169_10156171798044339_959156668_n

– Comment as tu rencontré Pierre et Gilles ?

Il me semble que c’était en 1994, par l’intermédiaire d’Etienne Daho, qui donnait une petite fête chez lui, après la projection d’un film sur lui.

– Quelles sont les qualités que tu apprécies chez eux, tant humainement qu’artistiquement ?

Ce que j’aime par dessus tout, c’est qu’ils n’ont perdu ni leur âme d’enfant, ni leur poésie au fil du temps. Ils ne sont aucunement abimés par le monde extérieur et leur métier. Ils sont restés originaux et fidèles à ce qu’ils sont, à ce qu’ils aiment, et à leur style. C’est si rare chez les artistes. Ils ont un talent fou, et vivent comme dans un rêve. Je trouve cela très touchant. Ce sont des garçons absolument charmants, très sensibles, d’une grande simplicité, et véritablement inchangés depuis que je les connais, malgré leur succès et leur reconnaissance mondiale… Bref, ils ont toutes les qualités qu’on attribue généralement aux enfants, avec en plus, cet enthousiasme qui les anime en permanence. Ils ne sont jamais blasés et ont toujours plein de projets en tête, plus fous les uns que les autres et pour autant authentiques : de toute façon, ils sont incapables de tricher ou de se trahir. Dans leur travail, j’aime avant tout le côté onirique qui se dégage de toutes leurs images, qui sont de véritables invitations au rêve. Bien sûr, leur inspiration va toujours dans le même sens, avec une certaine continuité dans le procédé et l’imagerie.

ICE LADY SANS CADRE

– Leur première photo de toi est « Ice Lady » (1994) : leur avais-tu suggéré un thème, une orientation ?

Absolument pas. Je leur ai fait d’emblée une confiance aveugle, comme pour toutes les photos suivantes d’ailleurs. Cela m’amuse beaucoup de rentrer dans leur univers et le personnage qu’ils veulent représenter. En l’occurence, cette « Ice Lady », est un personnage très froid, presque inquiétant. Rétrospectivement, je dois avouer que ce n’est pas ma favorite de toutes les images qu’ils ont faites par la suite. J’avais l’impression qu’ils donnaient de moi une image trop vamp, mais après tout, c’est peut-être ce que je leur inspirais avant de me connaitre. Sur le moment, cela m’avait fait sourire qu’ils me voient comme cela. C’était une vision complètement folle… Pour être franche, j’ai préféré les images qu’ils ont pu faire de moi par la suite. Je me demande si celle-ci n’avait pas été inspirée par mon rôle dans le film « L’ange noir » de Jean-Claude Brisseau, dans lequel je jouais une criminelle. Il faut dire qu’en interprétant ce personnage, je leur avais un peu tendu la perche… (rires).

NUIT DE NEIGE

 – Ils ont réalisé « Nuit de neige » (1994) lors de la même séance, peut-être plus conforme à ton image publique…

Oui, celle-là, je l’adore. Je sais qu’il existe tout un making of de cette séance avec mon chien de l’époque, qui me rappelle tant de bons souvenirs. De façon générale, j’adore la neige. Quand ils proposent de faire une nouvelle photo de moi, je suis comme une enfant, ravie à l’idée de rentrer dans un monde enchanteur et féérique, comme celui qu’ils ont créé à l’occasion de cette photo. Je rêverais qu’ils signent des décors de théâtre par exemple. Moi qui n’aime pas faire des photos, je prends un plaisir fou à travailler avec eux, alors que ça demande énormément de patience. Ils préparent tout un décor très méticuleux, en 3D, qu’ils mettent un temps insensé à installer dans leur atelier.

– C’est une image éthérée et idéalisée, mais cette reine blanche porte des traces de morsure de vampire au cou…

Oui, il existe toujours une dualité dans leurs images, avec des personnages mi-anges, mi-démons, qui me plait beaucoup.

– Faut-il y voir aussi une référence à ta Bulgarie natale ?

Je crois, oui, ou sinon à la Transylvanie ou la Mongolie, en tout cas à cette partie du monde, avec toute cette neige et le château que l’on devine derrière, dans le fond du décor.

JSM JeSuisMusique Sylvie Vartan par Pierre et Gilles COMME UN GARCON

– « Comme un garçon » (1996), perpétue ton personnage de garçonne affranchie, récurrent dans ton répertoire depuis les années 60…

Ils voulaient me photographier en homme, avec un blazer et une cigarette : j’avais justement les cheveux courts à cette époque, ça tombait bien. C’est une image très forte, qui donne l’impression d’être en relief. Sur la photo originale, je fume, ce qui correspondait au personnage. Mais lorsqu’on a décidé de retenir cette image pour illustrer le beau livre que m’a consacré Camilo Daccache, je ne voulais pas faire de la pub pour le tabac et donner le mauvais exemple. La cigarette a disparu momentanément pour la couverture…

– Pierre nous a pourtant confié des photos de toi en 1969 à Genève, sur lesquelles tu fumes pour de bon…

Ah bon ? ils ne me les ont jamais montrées… Je suis curieuse de voir cela.

27783604_10155619570891749_357768735_n

– il existe un Polaroïd de la même époque que « Comme un garçon », sur lequel tu as les cheveux courts, très frais et très naïf…

Je ne me rappelle absolument pas des circonstances de cette photo. Il faudrait leur demander…

toutes-les-femmes-ont-un-secret-sans-cadre.jpg

– « Toutes les femmes ont un secret» (2008), a été choisie pour illustrer un album, « Toutes peines confondues » (2009), le premier chez Sony Music, après des années chez Universal…

Oui, c’est une très belle image aussi, dont se dégage une certaine mélancolie, un gravité qui m’est propre. Ils ont su capter ce tempérament slave très ancré en moi. Elle correspondait totalement à la couleur générale de cet album qui comptait beaucoup de jolies ballades.

– Ne regrettes-tu pas de ne pas leur avoir davantage confié l’imagerie de tes disques ou de tes spectacles ?

Oui, c’est vrai, mais à partir de maintenant, ça va changer ! (rires).

DE L_AUTRE COTE DE L_AMOUR SANS CADRE

– En parallèle, « De l’autre côté de l’amour » (2008), servait d’affiche et de couverture au programme du spectacle qui a suivi à l’Olympia en 2009…

Oui, je m’étais glissée dans un personnage de femme fatale, très sulfureuse avec délice et enthousiasme. Comme à chaque fois, ce sont eux qui m’ont sollicitée avec cette idée en tête. Il se trouve que par le plus grand des hasards, mon spectacle comprenait cette chanson « L’amour avec des sentiments », que tu m’as proposée (*), et dont elle pourrait être la parfaite illustration.

amour-defunt-sans-cadre.jpg

– Lors de leur exposition au MuMa au Havre l’an dernier, on a redécouvert « Amour défunt » (2009), te représentant gravée dans la pierre avec Johnny…

Oui, je ne connaissais pas cette photo, qui a aussi été exposée à New-York, dans un musée. Quelqu’un me l’a envoyée, en me demandant si c’était bien moi. Je l’ai découverte comme cela. J’avoue que cette image m’a un peu glacée et je me suis permis de leur dire… C’était pourtant bien avant la disparition de Johnny. Elle m’est d’autant plus difficile  à regarder aujourd’hui. Ils ne me l’avaient jamais montrée. Je les préfère dans un registre plus joyeux et coloré.

fuji-yama-mon-amour-avec-cadre.jpg

– Leur dernière création, très japonisante, est « Fujiyama mon amour », actuellement exposée à la Galerie Templon à Paris, qui cristallise beaucoup de symboliques fortes…

Comme toujours, avant de faire une nouvelle image avec eux, j’ai voulu savoir ce qu’ils avaient en tête : ils m’ont expliqué qu’ils voulaient me transformer en guerrière dans un décor japonisant. Comme j’adore le Japon, tu imagines bien que j’étais très partante… (rires). J’ai d’abord découvert ce costume militaire incroyable, avant d’apprendre qu’il était inspiré des ceux portés par les comédiennes du Takarazuka, une troupe de théâtre au Japon ne comprenant que des femmes, lesquelles jouent tous les rôles. C’est un peu l’équivalent du Kabuki avec ses troupes composées d’hommes. C’est un phénomène très connu au Japon, et une compagnie que les petites filles rêvent d’intégrer plus tard. L’idée m’a beaucoup amusée. J’ai été très impressionnée par le décor mis en place, avec le Fujiyama au fond. J’en adorais les couleurs, très gaies et très « japonaises » dans la composition, avec ces fleurs de cerisiers qui semblent si réelles. L’ensemble est très vivant : on a véritablement l’impression de pénétrer un jardin japonais. J’adore aussi le cadre vert qui met le tout en valeur de façon originale et inattendue.  Ils m’ont expliqué aussi que le personnage leur avait été inspiré par Lady Oscar, un personnage de manga. Je ne la connaissais pas, mais c’est vrai que cette héroïne me ressemble un peu, de façon caricaturale, et que le costume est tout à fait inspiré du sien.

– Tu vas bientôt retourner chanter au Japon d’ailleurs…

Oui, vraisemblablement à la rentrée prochaine. J’aurais voulu y aller plus tôt, mais les salles que je visais, comme le Billboard à Tokyo, n’étaient pas disponibles. D’ailleurs, quand j’ai annoncé à Pierre et Gilles que j’allais bientôt retourner chanter au Japon, je leur ai suggéré de monter une exposition de leur travail à ce moment-là. Je suis sûr que leur oeuvre plairait beaucoup aux Japonais, mais ils sont si modestes et discrets… Et puis, je crois qu’ils sont assez casaniers. Ils vivent dans leur maison incroyable en région parisienne, et s’y trouvent bien : j’adore aller chez eux d’ailleurs. Je pourrais y passer des après-midis entières à explorer leur univers très kitsch, à regarder leurs images saintes, leurs statues de vierges… C’est tout un monde à part, totalement fou.

– Tu es sans doute l’artiste qu’ils ont le plus photographiée…

Ah bon ? Je ne le savais pas, ça me flatte beaucoup.

– Sais-tu que Pierre a commencé à te dessiner alors qu’il était encore enfant…

Non, je sais qu’il aimait ce que je faisais quand il était plus jeune, mais pas au point de faire des dessins de moi. C’est tellement adorable de sa part. Il me reste encore beaucoup à découvrir de leur univers alors… (rires)

Propos recueillis par Eric Chemouny

(*) EC est parolier régulier de nombreuses chansons de Sylvie Vartan depuis 1998.

_

crédit des œuvres : Pierre & Gilles (D.R. / collection personnelle) – Un infini merci à Pierre et Gilles pour leur générosité et leur accord exclusif // Photo de Pierre et Gilles par Dominique Thierry (D.R., reproduite avec l’aimable autorisation de Pierre & Gilles)

_

« I like it, I love it », c’est ce qu’on pourrait dire de l’oeuvre mêlée de la chanteuse et du couple d’artistes… 

3 commentaires sur «  »

  1. Ping : JSM #7

Laisser un commentaire