VINCENT DELERM

le garçon qui est…


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Vincent Delerm est un garçon qui est exceptionnel. Un garçon surprenant. Un garçon sensible. Un garçon drôle. Un garçon fin. Un garçon qui pense. Un garçon qui se souvient. Un garçon qui a du cœur. Un garçon qui a du goût. Un garçon qui écrit, qui chante et qui parle aussi, beaucoup mieux d’ailleurs que tout ce qu’on a pu vous en dire. Un garçon qui photographie. Bien en plus. Un garçon qui, du coup, fige l’instant, la mémoire et instaure une certaine nostalgie positive, de celle qui fait esquiver un petit sourire au coin des lèvres, comme un air de déjà vu mais en mieux. Un garçon qui nous fait dire « tiens c’est vrai », qui nous fait dire « tiens, j’avais oublié ça aussi ». Un garçon faussement endimanché qu’on voudrait avoir vraiment toute la semaine pour nous. Un garçon qui fait du bien. Un garçon aimant et aimé. Un garçon qui a séduit la Cigale, sur un dernier soir de tournée. Un garçon qui est un grand homme !

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Vincent Delerm est un peu, beaucoup, de tous ces garçons-là à la fois et parfois en même temps. Sur scène, il est ce garçon qui nous ramène à notre enfance, à nos souvenirs, à notre nostalgie, au détour d’un mot, d’un vers, d’une phrase, souvent d’une image projetée sur l’écran au-dessus de son piano. Il est ce garçon qui est capable de créer une scène de vie avec une seule évocation comme sur « la dernière fois que je t’ai vu » : « c’est votre petit fils ? il est grand », toute une vie qui passe dans cette opposition. Il est ce garçon qui ose raconter ce que les hommes ont oublié de leurs souvenirs, de leurs émotions, de leurs aveux de faiblesses, projetant sur l’écran géant, les visages de ceux qu’il aime comme sur « les filles de 1973 ont trente ans » par exemple, ou des images moins personnelles mais toutes aussi fortes comme sur « Shea Stadium ».

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Tout le temps drôle, il est ce garçon capable de nous tirer une larme, lorsqu’il va piocher dans un journal intime très riche et très loquace, les images et les voix de notre passé pour les mélanger à sa propre voix. Il est ce garçon qui veut à la fois tout raconter, sur tout, tout en travaillant minutieusement sur la distillation de tout cela, maîtrisant au passage le rythme, la mise en scène et son audience de façon aussi subtile qu’insoupçonnée. Paradoxe de l’homme, de l’artiste, du garçon si discrètement brillant.

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Paradoxe de l’homme, quand il assure sa propre première partie pour venir lire comme un jeune participant à un concours littéraire, simplement et avec pudeur ce qu’il a écrit de son ami Jean Rochefort, assis seul devant le rideau rouge de la Cigale. Chaque anecdote est grande, pensée, drôle et émouvante, habitée de mots choisis, chantants, poétiques et forcément émouvants durant ces vingt minutes intenses et remarquables : tout Jean Rochefort est encore là quand Vincent Delerm se lève, quitte son petit pupitre et se prépare pour le dernier concert de sa tournée.

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Il est cet homme redevenu le garçon qui va jouer du piano, se lever, saluer, remercier beaucoup, qui va raconter, qui va chanter, qui va évoquer, qui va nous inviter dans sa vie, une vie et dans ses propositions au travers d’un tour de chant très riche et généreux, qui va piocher dans la totalité de ses douze années de carrière avec des chansons qu’on avait, avouons-le, parfois oubliées. Ici elles se fondent totalement à l’atmosphère de son dernier album « A présent », plus profond et plus grave où l’on retrouve « Je ne veux pas mourir ce soir », écrit après la tragédie du Bataclan, où il a chanté si souvent.

Ainsi Vincent Delerm est ce garçon qui n’oublie rien de ses débuts, qui les chante mieux même, s’en moquant aussi et surtout. Il est ce garçon qui a balayé ses travers, ses écarts de voix, harmonisant ses paradoxes et la cohérence entre l’homme et le garçon, entre celui qui se souvient et celui qui chante ses souvenirs.

Il est ce garçon accompagné d’un autre garçon, Remy Galichet, en arrière-plan, élégant et si discret, mais pourtant bien là. Ils sont enveloppés dans une très intelligente mise en lumière, sans cesse inventive à chaque chanson, faisant bon mariage avec l’écran transparent, l’autre élément important de cette mise en scène jolie et soignée, tant il projette les images fortes d’une vie (les siennes sur « Le garçon »), une route de vie nocturne comme sur « Christina », un rêve aquatique comme ce ballet nautique de danseuses sur « Natation Synchronisée », et encore plus que tout, une vie de cinéma, de « Deauville sans Trintignant » évidemment jusqu’au générique de fin du concert.

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Une mise en scène au service d’un répertoire qui s’écoute comme on regarde l’album photos de notre passé comme du sien, celui d’un français et d’un artiste au sens noble et large. Car Vincent Delerm n’est pas qu’un garçon chanteur, c’est un acteur, un raconteur, un conteur, l’écrivain public de nos souvenirs qu’on ne sait plus écrire.

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Pour donner encore plus de vie à ses chansons, il continue d’inviter le public à interagir avec lui, au cours de ses « ateliers » comme il dit, comme pour mieux partager ces instants de vie, avec justesse et intelligence. Et humour aussi. Se moquant de lui-même, de ses « tubes », de ses propres histoires comme sur l’inédit « Tout le monde s’en fout », chanson-résumé d’une irrésistible intention, un mélange de confidences personnelles du garçon et de notre mémoire collective d’homme déjà trop adulte.

Gregory Guyot

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Crédit photos : I_am_Gregg (D.R/ JSM) prises le mercredi 29 novembre 2017 à la Cigale, lors du dernier concert de la tournée.

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