ETIENNE DAHO :
sur les traces des nouveaux romantiques…
Une chose est sûre, Etienne Daho sait ménager le suspense ! Après avoir distillé quelques infos sur son nouvel album « Blitz » très attendu (en bacs, le 17 novembre), en accordant d’abord une longue interview à nos confrères du magazine M Le Monde, et plus récemment posé pour le Figaro Madame, dont il partageait la couverture d’un spécial hommes avec Benjamin Biolay, il a dévoilé le 1er septembre le premier extrait de cet opus : « Les flocons de l’été ».
De quoi ravir ses nombreux fans très impatients, le précédent album « Les chansons de l’innocence retrouvée », vendu à 150.000 exemplaires et salué tant par la presse que par le public, remontant à 2013. Et ce, même si sa maison de disques a eu l’heureuse idée de publier un album Live de sa tournée sold out (« Diskönoir ») et de luxueusement rééditer ses albums en vinyle entre temps, nous laissant rêveurs devant l’iconographie parfaite ayant accompagné chacune des étapes de sa carrière exemplaire.
Un livre de photos souvenirs sur ses jeunes années, « Daho avant la vague 78-81 », signé Pierre-René Words et Sylvie Coma est également sorti en septembre (éditions RVB Books).
Évanescente et cotonneuse à souhait, la ballade planante « Les flocons de l’été » nous renvoie aux plus grands classiques du Rennais, des « Voyages immobiles » aux « Heures Hindoues », avec ses nappes synthétiques veloutées et ses motifs décoratifs flamboyants.
D’autant que le très beau clip qui l’accompagne, signé Romain Winkler, joue la carte du rêve et de la féérie, en créant un univers pas si éloigné de celui des artistes Pierre et Gilles, dont l’icône Pop a souvent été le modèle, avec boules de neiges, danseuses éthérées, et ambiance onirique à souhait. « Tout est blanc, défoncé, aveuglant, déchiré, c’est l‘hiver en été… la nuit pourrait durer toute l’éternité» chante l’ami ED d’une voix confidente devenue si familière depuis de 35 ans. La douceur de la mélodie et de l’interprétation pourraient laisser entendre qu’il s’agit d’une de ces ballades rêveuses et sentimentales, dont il a le secret, ou d’un douloureux réveil après une rupture amoureuse. Ce sont pourtant des circonstances plus dramatiques qui lui ont inspiré ce petit bijou co-signé et co-réalisé avec Fabien Waltmann, un des acteurs de l’album « Eden » en 1996, injustement boudé à sa sortie et d’une modernité aujourd’hui encore renversante. Elle évoque au contraire le séjour du chanteur à l’hôpital en été 2013, où il avait du se faire opérer d’une péritonite aiguë de toute urgence, son pronostic vital étant engagé, et suscitant une très vite inquiétude chez ses proches. Il faut attendre la fin de la chanson pour comprendre le sens troublant que le survivant donne au mot éternité qui revient souvent, comme un mortel boomerang.
Mi-octobre, c’est le visuel et le tracklisting qui étaient dévoilés, sans pour autant déflorer les chansons : « Les filles du Canyon (avec Duggie Fields) », « Chambre 29 », «Le jardin », « Les baisers rouges », « Les cordages de la nuit », « Les flocons de l’été », « « Voodoo Hoodo », « L’étincelle », « The Deep End « (en duo avec Jade Vincent), « Hôtel des infidèles », « Après le Blitz » (avec Flavien Berger), et « Nocturne », seront donc les 12 titres au générique de cet onzième opus, qui rend hommage au Blitz, célèbre club du quartier de Covent Garden à Londres, qui vit la naissance du mouvement des nouveaux romantiques, en 1979-80. C’est là que se produisirent de nombreux groupes New-Wave devenus célèbres dans les sulfureuses années 80, de Spandau Ballet à Culture Club et Boy George.
Quant au sombre visuel ultra-léché, signé Pari Dukovic, il évoquerait davantage l’univers sulfureux de Jean Genet ou l’imagerie gay cuir SM, au point d’avoir déjà déchaîné les passions sur le web. On apprend également que l’album sera disponible en CD, vinyle et coffret 45 tours en édition limitée, contenant six 45 tours vinyle de couleurs acidulées différentes : de quoi ravir les nombreux collectionneurs.
Quant à la couleur musicale de l’album, Etienne l’a voulue en franche rupture avec son passé discographique, entre épopée psychédélique et ballades planantes : « c’est un bras d’honneur à la torpeur ambiante, explique-t-il, il faut rester léger face au danger ! ». Pour ce faire, il a puisé dans ses souvenirs d’adolescent, des productions de Phil Spector, au Velvet Underground, en passant par les albums des Pink Floyd ou les productions de Syd Barrett, clairement évoqué sur « Chambre 23 ». La chanson a même été conçue dans la chambre que celui-ci occupa à Earls Court à Londres, comme en témoignent encore les photos de l’étrange pochette concept de son premier disque solo, paru après son éviction de Pink Floyd, et le montrant sur un sol a rayures, accompagné d’une créature nue au verso,« The Madcap Laughs » (1970).
A noter qu’en plus du vieux complice Fabien Waltmann, mis à contribution pour les compositions et la réalisation, on retrouve au générique de ce « Blitz », l’ex Valentins, Jean-Louis Piérot, le temps de trois titres, et le trio irlando-californien Unloved, dont le premier album « Guilty of Love » a attiré l’attention de Daho, toujours avide de nouvelles découvertes et collaborations.
On annonce enfin que le prochain extrait pourrait être « Le jardin », plus représentatif du reste de l’album. Si le pudique chanteur a toujours été avare de confidences sur sa vie privée, jusqu’à cette chanson, « Boulevard des Capucines », évoquant sa relation difficile avec un père absent, il dédie cette fois « Le jardin » à sa soeur, disparue ces dernières années, mais sans afficher de tristesse, choisissant plutôt de célébrer la vie par dessus tout.
Quoiqu’il en soit, on peut faire confiance au bon goût et à l’intarissable inspiration d’ED, pour que ce « Blitz » conforte plus que jamais l’éternel jeune homme, âgé de 61 ans, dans son statut très envié de Roi de la Pop à la française.
Eric Chemouny
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crédit photos : Pari Dukovic (D.R / Mercury / Universal Music France)