IBRAHIM MAALOUF :
l’hommage à Dalida.
Décidément, plus de trente ans après sa disparition, Dalida n’en finit pas d’inspirer les jeunes générations d’artistes fascinés par les chansons intemporelles et le destin tragique et hors du commun de la petite Yolanda, née au Caire en 1933 et devenue Star internationale de la chanson.
Après l’excellent biopic à succès de Lisa Azuelos sur grand écran, le moins réussi album de reprises de la diva espagnole, Luz Casal («A Mi Manera »), le dérangeant spectacle « Hit-Parade » tentant de faire revivre la Diva au moyen d’hologrammes et divers hommages comme récemment la soirée «Madame Arthur chante Dalida », avec Clarika dans le célèbre cabaret parisien, c’est au tour du grand musicien d’origine libanaise Ibrahim Maalouf (né à Beyrouth en 1980) de lui dire tout son amour en musique : il publie le 17 novembre, « Dalida By Ibrahim Maalouf », un album rassemblant dans son studio d’Ivry-sur-Seine des amis chanteurs et comédiens, venus de pays et d’horizons divers (Alain Souchon, Ben l’Oncle Soul, Melody Gardot, Matthieu Chédid, Monica Bellucci, Izia, Mika, Thomas Dutronc, Rokia Traoré, Arno, Golshifteh Farahani, la violoncelliste Juliette Serrad, complice de Yaël Naim) afin de montrer combien « L’essence de ses chansons sont si profondes quand on les entend au-delà des paillettes ».
Et en effet, le résultat est étonnant, tant Ibrahim s’est attaché à proposer une nouvelle lecture de ses tubes, sans pour autant les dénaturer : « J’ai demandé une liberté totale pour ce projet. J’ai pris mon temps. Il n’est pas évident de faire coller un artiste avec une chanson. Les artistes que j’avais choisi ne se reconnaissaient pas toujours dans l’univers de Dalida, je les ai tirés vers elle. Je les ai sortis de leur rôle, de leur territoire » explique-t-il.
Car si le musicien hors pair a recruté un luxueux Big Band à la hauteur de l’ambitieux projet, il a été aussi attentif à respecter l’essence même des 12 chansons : « J’ai recherché l’élément fondateur de chaque chanson, sa vérité, l’origine qui fait le beau. En fait, j’ai retrouvé une sorte d’instinct animal face aux chansons : qu’est-ce qui touche ? Que disent les paroles ? ».
C’est ainsi que fourmillant d’idées plus originales les unes que les autres, le célèbre trompettiste a eu l’idée d’inverser les rôles masculin-féminin sur « Paroles, paroles » repris ici par M et Monica Bellucci, de faire de « Laissez-moi danser » un bouleversant piano-voix dans la bouche d’Izia, d’habiller la voix d’Alain Souchon d’une simple trompette sur « Bambino », ou encore de faire chalouper le désuet « Come Prima » à la sauce Ben Oncle Soul. De « J’attendrai », « Il venait d’avoir 18 ans » (devenu un simple instrumental tout aussi poignant), «Les Gitans », « A ma manière », ou « Love in Portofino », on vole de surprise en surprise, au même titre que Dalida pouvait être multi-facettes, explique-t-il : «Dalida était une femme épicée, chez qui la couleur marque bien spontanée, authentique. Elle était toutes ces personnes, l’insouciance troublée, la nonchalance bobo, le déchirement un peu Punk, la couleur, la folie ».
Il est vrai après tout, qu’elle a chanté « Je suis toutes les femmes », un titre absent du track listing mais qui aurait très bien pu conclure en beauté cet opus.
A noter enfin que dans son travail d’archéologie musicale, le maitre d’oeuvre de l’ensemble a retrouvé un titre méconnu, « Je me repose », écrit en 1968 par Gérard Manset et William Sheller pour Dalida, repris ici par l’iconoclaste Arno.
Les gardiens du temple en seront peut-être offusqués, mais le résultat est incontestablement audacieux, respectueux et immensément généreux. (E.C)
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Illustrations : Olivier Coulon (D.R), photos : (D.R / Barclay / Universal)
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“Je suis musique” remercie chaleureusement Olivier Coulon pour avoir magnifiquement illustré cet article de son immense talent.